Comparatif néorétro – Gentlemen, start your engines!
Nous avons mis à l’épreuve trois motos surfant de manière différente sur la vague « nostalgique ». La Triumph Street Twin, le Scrambler Ducati (800) et la Yamaha XSR 700.
Depuis quelques années, le segment néorétro a le vent en poupe. Cette catégorie associe des éléments de design empruntés aux origines du deux-roues avec les dernières innovations en matière de technologie. Héritage, nostalgie, tradition sont autant de valeurs originelles que ces engins prétendent (re)produire, pour le plus grand bonheur des motards en mal d’authenticité.
Plus prosaïquement, le goût du vintage est aussi fortement soutenu par l’entrée en vigueur de normes toujours plus strictes qui pénalisent lourdement un certain type de performance. Du coup, pour les accros de l’essorage de la poignée, le retour aux sources se traduit également par un regain d’espérance de vie du « bleu », ces motos n’étant pas (a priori) taillées pour la vitesse.
Pour notre test, nous avons choisi trois modèles d’entrée de gamme, dont le prix de base en Suisse oscille autour des 10’000 francs. Les trois sont des bicylindres de cubage moyen dotés d’une transmission par chaîne et équipés de l’ABS, et c’est à peu près tout ce qu’ils ont en commun.
La Street Twin de Triumph (lire notre test) est la dernière évolution d’un modèle emblématique de la marque anglaise qui est aussi une référence depuis des années dans la gamme classique, la Bonneville. Sa première concurrente est la Ducati Scrambler, qu’il serait plus juste d’appeler Scrambler Ducati (lire notre autre test), tant le constructeur transalpin a distingué ce modèle du reste de sa gamme. Enfin, la Yamaha XSR700 (eh oui, lire aussi notre test!) est la déclinaison néo-rétro de la naked MT07, qui figure actuellement tout en haut du carnet de commandes de la marque aux diapasons et qui caracole en tête des ventes en Suisse depuis plus d’un an.
Les différences entre les trois prétendantes sont criantes au premier coup d’oeil. La Street Twin revendique avec fierté son héritage classique: bouchon de réservoir chromé, compteur de vitesse analogique, rétroviseurs ronds. A vrai dire, elle ressemble à s’y méprendre à la Bonneville qui a tant contribué à la renaissance de la marque britannique, une petite prouesse si l’on considère la révolution technologique que représente l’introduction du refroidissement liquide et du ride-by-wire.
La Ducati -pardon, la Scrambler- intègre avec élégance des éléments modernes, comme le cache-pot, les garde-boue et le bras oscillant en aluminium, la fourche inversée, la position excentrée du mono-amortisseur à l’arrière, des rétroviseurs profilés, ainsi qu’un cadran entièrement digital.
Mais le look vintage n’est pas en reste, souligné sur la version Classic par un réservoir jaune moutarde et des caches latéraux en alu du plus bel effet. Le guidon, en V relevé, ainsi que les jantes à rayons confèrent par ailleurs à l’Italienne des airs de supermoto.
Fidèle au slogan « Faster Sons », la Yam est sans aucun doute la plus « moderne » du lot parmi ce groupe néorétro. Le look de la XSR700 n’est pas sans évoquer la filiation avec la XS650 (fin des années 60) ou les premières XJ, mais les lignes sont résolument agressives, à la limite du muscle bike, un effet renforcé par les éléments de châssis et le guidon noir mat.
Deux gros impairs esthétiques à signaler cependant: la protubérance disgracieuse du radiateur et le réservoir en matière plastique, qui porte un sérieux coup à la sensation d’authenticité.
Reste à voir maintenant comment les trois belles s’expriment sur route ouverte. Pour notre test, nous nous sommes rendus sur les hauteurs de Schindelleggi, à la frontière schwytzo-zougoise.
Les joies de la vie de couple
La première chose qui frappe en lisant la fiche technique de la Triumph, c’est qu’avec un cubage nettement supérieur à celui de ses concurrentes, elle affiche une vingtaine de chevaux en moins. C’est donc avec un certain scepticisme qu’on a pris place au guidon de la Street Twin.
Mais le doute prend une autre forme dès les premiers tours de roue, et on se demande si on ne s’est pas trompé en lisant la fiche, tant la Britonne néorétro pousse à bas régime. La réponse se trouve dans la cartographie du nouveau bicylindre refroidi par eau et calé à 270°, qui fait la part belle au couple au détriment de la puissance.
A 3200 tr/min à peine, la Street Twin délivre un couple maxi de 80 Nm à vous arracher les bras, alors qu’elle ne développe que 55 chevaux. Par contre, passé ce moment de bonheur brut(al), on se retrouve sans guère de munitions pour la suite. Comme la transmission de la belle de Hinckley n’est dotée que de cinq rapports sans allonge particulière, une fois passés les 100 km/h, il faut s’armer de moult patience pour glaner encore quelques km/h supplémentaires.
Mais ce n’est visiblement pas dans ce segment que se savoure la Street Twin, qui joue à fond la carte du fun. D’autant plus qu’après une courte phase d’accoutumance, on a tendance à passer le rapport supérieur en sous-régime, avec à la clé la sensation de se retrouver en roue libre, jusqu’à ce qu’une minime sollicitation des gaz vienne nous rappeler que ce n’est pas le cas.
Frein moteur bienvenu
Au rétrogradage, le frein moteur est moteur est puissant et permet d’éviter de toucher au levier une bonne partie du temps. J’ai presque envie de dire heureusement, car le freinage manque de mordant et de répondant, et on se retrouve souvent à écraser le levier plus fort que prévu pour (enfin) obtenir la décélération souhaitée.
Comme mentionné plus haut, l’électronique n’est pas en reste. L’accélérateur est de type ride-by-wire couplé à un système antipatinage déconnectable. L’accès aux différentes fonctions (horloge, conso, 2 trips, rapport engagé) de l’ordinateur de bord est intuitif, sur simple pression d’un bouton judicieusement situé en haut du comodo côté gauche.
Au niveau du châssis, la selle placée à 750mm du sol est un sérieux appel du pied pour les pilotes courts sur pattes et le public féminin, d’autant plus que le réservoir échancré renforce encore l’impression de sveltesse de la Britonne. A signaler également les volutes de chaleur que dégage le nouveau twin sur les jambes, qui peuvent s’avérer fort déplaisantes lors d’arrêts répétés dans la jungle urbaine, à plus forte raison durant la période estivale.
Naked bike en habit d’époque
Autant le dire d’entrée de jeu, la XSR700 joue définitivement plus la carte néo que néorétro. Ce que son look laisse deviner se confirme dès qu’on appuie sur le contact, le moteur ronronne plus qu’il ne rugit, et comme sur la MT07, le best-seller de Yamaha dont elle a hérité du moteur et de la partie-cycle, il faut étriller sa monture pour en exploiter pleinement le potentiel.
Mais attention, cela ne veut en rien dire que la Japonaise est ennuyeuse, loin de là! Le bicylindre de 75 chevaux de 698 cc offre une belle allonge, et les reprises sont généreuses à souhait, pour autant qu’on maintienne l’aiguille du compte-tours au-dessus des 2500 tr/min, et vu que le rupteur est placé 10’000 tr/min plus haut, il y a de la marge.
Extrêmement maniable et agile, la XSR700 a des qualités routières qui n’ont rien à envier au roadster dont elle est issue. Dotée d’une partie-cycle saine et équilibrée, elle se montre parfaitement à l’aise lorsque le rythme de pilotage devient un peu plus soutenu, enchaînant les virages serrés et les grandes courbes avec une précision redoutable et une facilité déconcertante.
La Yam est également la meilleure freineuse de notre test. Elle est la seule à disposer d’un double disque à l’avant, 282mm de diamètre avec étriers 4 pistons, qui offre un freinage incisif sans être brutal.
XSR polyvalente
Le bloc compteur, rond et entièrement digital, affiche les informations (certaines utiles et d’autres moins, comme la consommation instantanée) de manière lisible. On peut toutefois regretter que la commande soit placée sur le compteur et pas sur la poignée.
Enfin, le confort et la polyvalence sont aussi au rendez-vous: la XSR 700 se savoure autant en ville que sur les routes de montagne, et (dans une certaine mesure) sur autoroute. En plus – argument ô combien trivial, mais qui nous concerne tous, pauvres mortels que nous sommes – son prix (8520.- francs) est sensiblement inférieur à celui de ses deux rivales.
Toy Story sauce bolognaise
Avec la Ducati, on change de répertoire. Sous ses faux airs de jouet, le Scrambler italien néorétro affiche une désinvolture qui contraste avec ses performances et invite à l’exubérance et à l’amusement. Cela commence dès qu’on prend place sur l’engin: la forme du réservoir et la selle étroite la rendent très facile à prendre en main, y compris pour les petits gabarits.
Le guidon large et placé relativement haut offre une parfaite tenue. En revanche, la position buste relevé, bras écartés et l’absence de toute protection transforment vite les trajets sur l’asphalte tarifé en épreuve d’endurance. Mais bon, ce n’est clairement pas sur ce terrain que la belle aime s’ébrouer.
Les ingénieurs de Borgo Panigale ont affublé le Scrambler d’un bloc Desmodue refroidi par air dérivé de la Monster 796, dont la puissance a été ramenée à 75 chevaux (-12 par rapport à l’original). La sonorité est grave et onctueuse, mais le twin transalpin a tendance à cogner à bas régime, surtout quand il n’est pas encore monté en température.
Ce qui frappe quand on passe les premiers rapports, c’est la brutalité de la réponse à l’ouverture (et à la coupure) des gaz, en décalage avec la sympathique image « bobo-fun » que véhicule la néo rétro bolognaise. Dotée du même rapport poids/puissance que la Yam, l’Italienne est cependant moins évidente que la Japonaise à piloter, en raison de sa position moins portée sur l’avant.
Le point de gravité bas et le comportement irréprochable de la partie-cycle confèrent à la Ducati un caractère joueur indéniable en mode grimpette.
Moto joueuse
Ancré au sol, on se sent rapidement en confiance, et tout à son euphorie, on a tendance à oublier les lois élémentaires de la physique au moment de basculer d’un bord à l’autre dans des virages rapprochés.
Vous l’aurez compris, le jouet n’est pas à mettre entre toutes les mains. Le freinage, assuré à l’avant par un imposant disque de 330mm doté d’un étrier à montage radial Brembo 4 pistons, est d’une efficacité et d’une progressivité exemplaires.
Mais la Duc n’est pas dépourvue de défauts. Le plus perturbant est le caractère capricieux de la transmission: le manque de franchise en changeant de rapport se traduit par un faux point mort, qui peut s’avérer fort gênant en conduite sportive. L’étagement de la boîte permet cependant d’exploiter les deux derniers rapports relativement tôt et de profiter de la balade en mode cruiser.
Les commandes ont quelque peu laissé à désirer: le démarreur n’est déjà pas évident à actionner avec des gants d’été, on ose à peine imaginer en hiver; le clignotant n’a quasiment pas de retour, forçant à vérifier après coup si on l’a bien désactivé; enfin l’électronique nous a semblé très peu intuitive.
La consommation mesurée en revanche a plaidé en faveur de la Duc: 4,0 litres à peine mesurés pour 100 km. La Triumph a siroté quelque 4,3 litres sur la même distance, alors que la Yam, qui a pourtant le plus petit moulin, s’est montrée la plus gourmande, avec 4,7 litres. Vous avez dit arsouille?
Galerie photo: trois néorétros
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