Duel au sommet du touring entre Harley-Davidson et Indian
Nous avons confronté l’Ultra Limited de Milwaukee au Roadmaster de l’autre marque américaine classique. La première se distingue par son moteur remis à la page et une certaine facilité, le second par sa ligne originale et une meilleure protection contre les éléments. Tous deux marquent des points pour leur caractère bien trempé.
Quand les automobilistes passent à côté de nos machines à l’arrêt sur une petit route de campagne, ils ne peuvent s’empêcher de sourire à la vue de ce rassemblement de métal chromé américain. Ce qui se joue ici est pourtant un véritable duel fratricide au sommet entre les deux reines du touring à l’américaine. J’ai nommé la Harley-Davidson Ultra Limited, revue pour cette fin d’année, et l’Indian Roadmaster, version 2016, techniquement inchangée depuis deux ans.
Ces deux motos sont propulsées par de gros moteur bicylindres en V, elles regorgent de parties métalliques chromées et sont équipées de sièges ultra-confortables et de valises conséquentes. Ah, et puis elles ont les deux la radio, un tempomat et – c’est une option – des poignées chauffantes.
Mais si la silhouette générale est proche, les lignes de force sont assez différentes. On voit que le coup de crayon est résolument différent. On pourrait en parler des jours, parce que c’est très subjectif. Disons juste que l’Indian est plus originale, parce qu’elle ne copie pas Harley. Son moteur est un peu plus baroque, avec des traitements de surface étonnants. Visuellement c’est aussi u peu plus tape à l’oeil que chez l’Ultra Limited. Il y a aussi la petite lampe sur le pare-boue avant qui est sculptée en forme de tête de chef indien – si, si, regardez bien! Et les bas des valises latérales qui épousent la forme arrondie des collecteurs d’échappement. Et les surpiqûres sur la selle, selle qui semble très bien résister à la pluie.
La Harley est plus classique, mais c’est peut-être juste parce qu’elle a occupé le terrain durant des dizaines et des dizaines d’années. Son carénage frontal du genre Batwing est moins profilé, moins long.
Un moteur plus gros et brutal, l’autre plus policé et plus vif
Après quelques mètres, on constate que les moteurs de ces deux colosses sont riches en sensations. Bin non, c’est pas des quatre cylindres. Ils vivent, ont une belle sonorité, distillent des vibrations organiques. L’Indian a un bicylindre plus gros (nananère…), qui est aussi plus brutal dans sa réponse à l’accélération. Mais paradoxalement moins vif. Et il y a plus de vibrations parasites, avec en sus un ralenti nettement plus haut et une propension à vous chauffer le mollet droite qui n’incite pas à rester en ville. Si l’on y ajoute la difficulté à réussir ses demi-tours sans devoir utiliser le trottoir en plus de la route, on découvre une première grosse différence avec la concurrence.
Certes le bicylindre Thunderstroke Indian de plus de 1800 centimètres cubes est de conception moderne, et il est très souple pour sa taille. Mais il est moins policé, moins vif à l’accélération que le Milwaukee-Eight d’un peu moins de 1800 centimètres cubes signé Harley-Davidson. Normal, celui-ci vient d’être complètement retravaillé. On précise que sur l’Ultra Limited, il est Twin-Cooled. Cela veut dire qu’il y a un refroidissement liquide de précision sur les têtes de cylindres. Dont les radiateurs se trouvent dans les « pods » latéraux placés devant vos pieds. Pods qui chez le Roadmaster ne servent qu’à protéger vos jambes et peuvent héberger vos objets dans de pratiques compartiments de rangement.
Les sons des bicylindres
La sonorité départage aussi ces deux moteurs. On entend, surtout, et on sent sur l’Indian des bruits mécaniques qui sont le signe de vibrations pas toujours bienvenues. Sur autoroute, à vitesses constante, on a parfois l’irritante sensation de passer à côté d’un chantier avec des marteaux piqueurs. Peut-être est-ce propre à notre exemplaire de test, on soupçonne le concessionnaire ou l’importateur d’avoir enlevé la chicane des pots d’échappement, ou quelque chose du genre. La bande-son de l’Ultra est plus propre, même si elle est un peu trop arrondie peut-être dans cette version Twin-Cooled. C’est personnel, mais je la préfère dans son incarnation refroidie uniquement par air, sur la Street Glide, le Road King ou la Road Glide.
Le Thunderstroke est aussi moins linéaire que le Milwaukee-Eight. Il a plus de caractère, diront certains. Ou il nous mène plus la vie dure à basse vitesse diront d’autres.
Le test du demi-tour
L’autre grosse différence entre ces deux Américaines vient du train avant, fourche télescopique et roue. De sa géométrie, pour être précis. La Harley est plus agile. Si, c’est possible avec plus de 400 kilos sur la balance! Elle s’avère une bonne cliente pour les gymkhanas policiers, si vous voyez ce que je veux dire. Son angle de châsse est plus faible que celui de l’Indian, qui porte plus de poids sur la direction et dont le guidon est aussi placé plus bas. Le Roadmaster offre donc une plus grande sensation de stabilité, mais a beaucoup plus d’inertie quand il faut le faire changer de direction en peu de mètres.
Le freinage des deux motos est performant. Il est puissant sans être dangereux, et l’ABS dans les deux cas – doublé pour la Harley d’une répartition de l’effort entre l’avant et l’arrière – fonctionne de manière correcte sans faire sauter exagérément les leviers à la main et au pied. On aimerait peut-être juste un peu plus de ressenti et de progressivité, mais bon , ce ne sont pas des sportives, elles sont taillées pour le voyage au long cours.
Et tant qu’on y est, on en finit avec un mythe. Ni l’Ultra Limited ni le Roadmaster ne frottent leurs cale-pieds à tous les virages. Il faut vraiment un tournant prononcé, un peu en cuvette et avec les suspensions en pleine compression pour que ça gratouille un peu. Ce n’est d’ailleurs pas dangereux les rares fois où ça se produit.
Réglage des suspensions, à la main chez Harley
Un petit gros plus de la touring Harley (non, on ne voulait pas dire Topper Harley) est que l’on peut régler à la main et sans outil la précharge des amortisseurs arrière. Très pratique quand on change fondamentalement le nombre de kilos que l’on transporte. Il faut juste pour cela enlever la valise gauche, ce qui se fait aussi à la main.
Pare-brise électrique pour l’Indian
Le reste du comparatif consiste plus en des détails à notre sens. Le pare-brise de l’Indian, dont la hauteur se règle électriquement avec un bouton, est plus polyalent et protège en moyenne mieux son ou ses pilotes du vent et surtout de la pluie, quelle que soit la taille du motard ou de la motarde au guidon du Twin. Pour ce qui est des turbulences, il y en a dans les deux cas sur autoroute quand on dépasse les 110 km/h. On peut les atténuer sur la Harley en ouvrant un clapet qui laisse passer une partie de l’air. Mais qui fait entrer aussi les gouttes d’eau lors de gros déluges. Et l’Ultra est équipée de déflecteurs latéraux en plexi dont on peut varier l’inclinaison.
La dame de Milwaukee offre de série un sélecteur de vitesses au talon en plus du levier-repose-pied habituel. C’est une option, semble-t-il, chez la concurrente. L’écran d’affichage de la radio, des réglages et du GPS est plus luxueux chez Harley. Il est tactile et en couleur. Et on y navigue avec quelques boutons répartis entre le guidon et le tableau de bord. De manière assez simple. On aimerait juste pouvoir afficher en tout temps l’heure et la température ambiante, ce qui est très compliqué. Du moins nous n’avons pas trouvé comment le faire.
Monsieur Roadmaster, lui, affiche plus d’infos de base en même temps sur son petit écran digital. mais c’est moins luxueux. Les choses devraient changer l’an prochain avec l’arrivée aussi chez Indian d’un écran tactile en couleur. Les vidéos promotionnelles disent déjà qu’il est plus grand, plus rapide et mieux conçu que celui de Harley. A voir à l’usage. On a aussi droit à une surveillance électronique de la pression des pneux et à une jauge non pas à essence (elle y est bien sûr) mais à huile!
Musique à bord
La contenance des coffres et valises est assez proche. Le top-case Harley est moins profond mais plus large, et inversément chez Indian. Il y a des prises 12 Volt un peu partout, un éclairage dit de courtoisie dans le top-case et dans les deux cas une prise USB. Pour recharger le smartphone ou écouter en roulant ses morceaux de musique.
Et en parlant de musique, on peut en profiter en roulant à bord de ces tourers US. Il y a une antenne radio, quatre haut-parleurs – ils sont plus puissants sur le Roadmaster – et une connection Bluetooth. de quoi jumeler un appareil pouvant lire des fichiers mp. Contrairement à ce qui se passe pour pas mal de voitures, ça fonctionne simplement et du premier coup.
L’avis de Philippe Clément, journaliste au Matin
Choisir entre Harley et Indian? C’est à peu près aussi subjectif que de demander à un gourmet s’il préfère le tournedos ou le chateaubriand! Impossible de faire appel à autre chose qu’au goût personnel. Parce que la différence se joue sur rien. De minuscules impressions, d’infimes détails.
Disons-le d’emblée: les deux sont de super motos, faites pour tailler la route en en tirant un max de plaisir. Aligner les kilomètres, bercé par l’inimitable ronron de ces V-twins de légende, est déjà un vrai bonheur en soi.
Mais puisqu’il faut choisir, on dira que notre cœur penche plutôt vers la « petite dernière ». Parce que les détails y sont encore plus soignés. Parce que le moteur Thunder Stroke est plus brut, moins rond, que le nouveau Milwaukee-Eight. Et parce que, de façon très personnelle, on penche plutôt pour la belle de Springfield sur le seul point qui les différencie vraiment: le comportement routier. Avec son angle de chasse de 31 (contre 27) et son empattement plus long que celui de la Harley, la Roadmaster est plus stable une fois posée en courbe. Avantage qu’elle perd, évidemment, quand il s’agit de manœuvrer au pas, ou en ville. Qu’importe.
Indian, donc, d’un chouïa. Un comble, entre deux motos de près de 400 kilos…
Galerie photo: le duel américain au sommet
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