JV, le « Colombien » de Poliez-Pittet, avec ses BMW uniques
Jorge Vuilleumier a exposé une BMW turbochargée au salon Swiss-Moto 2017. L’histoire d’un Sud-américain dont l’origine familiale est suisse, auteur avec son fils Giorgio de customisations étonnantes.
Les préparateurs Romands prennent de plus en plus le chemin de Swiss-Moto, le grand salon national de la moto, du scooter et du quad, qui se tient en février à Zürich. Cette année, on comptait dans leurs rangs Jorge Vuilleumier, alias «JV», de Poliez-Pittet. Sa BMW turbo-chargée, conçue pour concourir au festival de drag Glemseck 101 et exposée sur le stand de Moto Mader, n’est pas passée inaperçue. Mais JV est surtout connu pour sa compétence à créer des motos inédites qui ont malgré tout le droit de circuler sur les routes suisses et qui sont faciles à conduire.
L’homme n’est par ailleurs pas un inconnu dans l’univers du tuning sur deux roues. La petite communauté des possesseurs de motos BMW customisées en Suisse, et un peu au-delà, sait qu’il peut faire des choses surprenantes à partir d’épaves et de quelques pièces.
Une BMW K 100 LT dragster!
L’année dernière, «JV» s’est fait remarquer en amenant à Glemseck une très étonnante (BMW) K 100 LT «drag turbo». Ou comment transformer une moto de tourisme vieille école en un bolide pour ligne droite. Bien entendu, le carénage, l’écran de tourisme à commande électrique, tout a disparu. Il ne reste plus qu’une petite bulle fumée un peu technoïde. « C’est mon fils Giorgio qui a eu cette idée et qui a fini par me convaincre, explique Jorge. Il s’agit de la visière d’un casque Jet.» Elle côtoie un tube qui fait office de shiflight programmable. Histoire de savoir quand changer de rapport de vitesses lors de la course.
Le turbo a été adapté d’une voiture (une Mitsubishi) qui se trouvait dans l’atelier. La fourche vient d’une sportive, une Suzuki 1000. Les tubulures d’échappement ont bien sûr été refaites.
Et surtout, il y a un bras oscillant complètement nouveau, assorti avec un couple conique de BMW 1200 GS, et créé après un travail de design industriel… par Giorgio. «Mon fils est ingénieur, il a une autre approche que moi, il planifie plus les choses, alors que moi je sais par expérience ce qui va fonctionner ou pas. »
La machine n’a pu être prête que quelques minutes avant la course, les délais étant serrés!
Prête seulement quelques minutes avant la course
C’était une opération conjointe avec l’équipe du magazine français RAD. Et malheureusement pour Jorge, l’embrayage a lâché pendant le run. «Pour la prochaine fois, j’ai trouvé une pièce plus résistante, confirme-t-il. Et puis il y a du potentiel, le turbo a tourné jusqu’à présent à une pression assez basse.»
Le préparateur a posé ses carters il y a un peu plus de deux ans dans le petit village vaudois de Poliez-Pittet (région Gros-de-Vaud). Il était auparavant établi dans la banlieue lausannoise, au Mont-sur-Lausanne. A deux pas de son ancien employeur, le garage Inter-Motos. Lorsque ce dernier a abandonné la concession BMW pour se tourner vers d’autres marques, JV a pu récupérer bon nombre de pièces d’origine allemande.
L’apprentissage de l’homologation
Il a appris à la dure ce qui pouvait être homologué en Suisse et ce qui ne passait pas la rampe. «Un jour, un client m’a amené deux ex-BMW de police, en me demandant d’en transformer une, et en me disant que je pouvais en faire ce que je voulais de l’autre. Je l’ai modifiée pour qu’elle devienne performante sur route. Et je me suis fait arrêter. Le fait que ce soit une ancienne moto de police et que je roule avec des plaques de garage ne m’a pas sauvé.»
Il a voulu prouver qu’il ne faisait rien d’illégal, et il a découvert pas à pas comment faire les choses pour qu’elles soient en règle. Cette moto a donc été « légalisée ». Un autre client qui l’a vue par hasard a eu le coup de foudre. «Il m’a demandé combien j’en voulais, je lui ai répondu que c’était la mienne, qu’elle n’était pas à vendre. Et puis il a insisté et je lui ai dit un chiffre volontairement élevé, pour qu’il laisse tomber. Il est revenu peu de temps après avec les billets de banque. C’était le prix d’une moto neuve!» Comprenez, pas loin de 15000 francs. Ce fut le début d’une nouvelle carrière pour Jorge, et d’une nouvelle notoriété, sous le signe BMW.
Dans son pays d’origine, la Colombie, il était connu comme pilote de motocross. Jeune (17 ans), il y a même été vice-champion national. Il s’amusait aussi à faire de la glisse avec toutes sortes de machines.
Passage par la Floride
Après un passage par la Floride et les courses de Drag, il a fini par s’installer en Suisse avec femme et enfant, ne parlant à cette époque que peu le français. «La Suisse, c’est là d’où est venu mon grand-père, c’était un horloger qui a émigré en Colombie.»
Jorge n’a pas oublié ses origines. Il vient de réaliser une moto de Dirt Track sur base de KTM 520 EXC d’enduro. En la rendant encore plus légère et maniable, et en lui donnant un look que ne renierait pas une star américaine de la discipline. Si vous voulez le contacter, le plus simple est de passer à son atelier (ou de rendre visite à son site web).
Moto modifiée, comment procéder
Vous voulez modifier ou faire modifier votre moto, en changeant de suspensions, de roues, de freins, voire de châssis ou de moteur, fort bien. Mais pour rouler avec après modification, il faut que le véhicule soit homologué, qu’il soit conforme au niveau de la sécurité routière et des émissions polluantes. Il doit passer avec succès l’examen critique auquel ne vont pas manquer de le soumettre les experts d’un service cantonal des véhicules (dans le canton de Vaud, par exemple, Service des automobiles et de la navigation).
La modification envisagée peut parfois se faire sous garantie du constructeur, la pièce introduite faisant partie des accessoires officiels. Une fourche Öhlins pour sa Yamaha MT-09, ou un échappement Arrow pour sa Speed Triple, etc. Si ce n’est pas le cas, la législation suisse permet de faire homologuer spécifiquement par un organisme reconnu un véhicule modifié. L’un de ces «organismes» est le Dynamic Test Center (DTC), situé à Vauffelin, près de Bienne.
Les explications de Marcel Strub, expert responsable de la sécurité active au DTC: «Le premier pas, c’est de constituer un dossier de ce que l’on veut changer, et poser la question au service cantonal. Ce dernier sait si l’une ou l’autre de ces modifications nécessite une nouvelle homologation. Au cas où il faut faire une nouvelle homologation, nous testons d’abord la ou les pièces concernées sur un banc d’essai, en simulant l’usure mécanique rencontrée au bout d’un certain nombre de kilomètres.» Si c’est concluant, le DTC procède ensuite à un test dynamique, en roulant. Le tout peut prendre en règle générale de deux à six semaines. Et cela ne coûte pas rien. Par véhicule, il faut compter entre 1500 et 10000 francs, selon ce que l’on change. On a donc intérêt à faire appel à un tuner ayant de l’expérience !