La nouvelle Tuono Euro 4 n’a rien perdu de sa verve
L’Hyper Naked italienne est certes un peu plus discrète dans les bas régime, mais elle offre toujours des accélérations canon avec un agilité surprenante et une grande précision. La moto a aussi droit pour 2017 à un écran couleur.
La nouvelle Aprilia Tuono Euro 4 est tout aussi explosive que la version précédente, qui était conforme aux normes européennes anti-pollution Euro 3. Le seul changement perceptible, quand on passe dans un village de la vallée de Trento, en Italie (lieu de l’essai) est le niveau sonore de l’échappement. A bas régime, il est moins tonitruant, plus discret, sans être pour autant silencieux. Mais dès que l’on dépasse les 3000 tours par minute, ça redevient absolument bestial.
Sur cette version revue dans les détails, c’est encore et toujours le moteur qui capte immédiatement l’attention. Le 4 cylindres en V dérivé de l’hypersportive Aprilia RSV 4 est un peu plus gros que sur cette dernière. Au lieu de 1000 centimètres cubes, il en atteint 1100. De ce côté-ci, rien de changé. Les valeurs de puissance maximale (175 chevaux!) et de couple maximal n’ont pas changé non plus. Mais un travail conséquent a été fait sur notamment le système d’échappement des gaz et sur la gestion électronique du moteur. Avec en plus quelques petits raffinements nouveaux dans les organes internes du V4. Au final, il y a encore plus de pêche sur toute la plage des régimes de rotation. La version précédente n’était déjà pas triste. Celle-ci est un pur concentré d’adrénaline.
La rotation de la poignée des gaz se traduit immanquablement par un véritable bond en avant dans un rugissement d’une grande richesse harmonique, tandis que le paysage autour de vous (quel paysage?) se met à devenir plus flou. Mais si c’est sauvage, ce n’est pas pour autant brutal. Il y a de la subtilité dans ce V4. On peut choisir entre trois modes de pilotage: Sport (l’équivalent de Rain sur d’autres marques!), Race ou Track. Pas besoin de commentaire. La transmission de toute cette force au pneu arrière se fait de manière transparente et immédiate. Heureusement, il est à la hauteur, et la traction est excellente.
Notre essai s’est déroulé, précisons-le, sur des routes qui avaient eu le temps de sécher, après les averses de la veille. A des altitudes allant jusqu’à un peu plus de 1000 mètres. Nos confrères français étaient passés par là le jour d’avant et avaient eu droit à de belles averses. Dans ces conditions-là, disent-ils unanimes, les très sportifs Pirelli Supercorsa ont plus tendance à décrocher.
Plus besoin de l’embrayage
Une autre nouveauté que l’on remarque tout de suite, c’est le Quickshifter. Avec lui, on passe les vitesses sans devoir fermer les gaz, en montant comme en descendant les rapports. Il est une aide précieuse quand on doit se concentrer sur la trajectoire et les obstacles, au vu de la vitesse très vite déraisonnable de cette moto. Sur la route – par opposition au circuit – on ne parvient d’ailleurs à utiliser qu’une fraction de la puissance de feu de cette Tuono (« tonnerre » en italien) 1100.
Sur circuit, par contre, on trouve certainement une utilité pour le nouveau « Pit limiter ». Une fonction qui limite la vitesse à une certaine valeur, à utiliser lorsqu’on se déplace dans l’allée des stands, en dehors de la piste. Et de même pour l’ALC (Aprilia Launch Control), qui sert à faire les meilleurs départs possible – l’ALC existe depuis longtemps sur les V4 Aprilia. Pour 2017, il a juste été optimisé.
Le contrôle de traction (ATC), lui, est utile sur la route, tout comme le contrôle d’empennage – autrement dit, l’anti-wheelie (AWC). Ils ont les mêmes possibilités d’ajustement que l’an passé. Mais, là aussi, leur comportement a été optimisé. Pour l’ATC, on change toujours de degré d’intervention grâce à deux gros boutons placés sur la partie gauche du guidon. Et en roulant, s’il vous plaît. Pour l’AWC, il fallait jusqu’ici passer par les menus de l’écran de contrôle. Sur la nouvelle Tuono, un bouton multifonction a fait son apparition, lui aussi sur le comodo gauche. On peut au choix le configurer pour contrôler l’anti-wheelie, ou pour servir de régulateur de vitesse adaptatif. Ca aussi, c’est nouveau. Et c’est nettement mieux fait que les essais précédents de la part du groupe Piaggio (propriétaire de la marque) sur l’Aprilia Caponord ou sur certaines Moto Guzzi (aussi dans le giron Piaggio).
Tempomat, mon ami
Ca n’a l’air de rien, mais un tempomat sur ce genre de moto, ça peut aider à garder son permis de conduire, quand on roule sur l’autoroute, par exemple. On a alors le temps de mieux découvrir les menus du tableau de bord et les commandes situées sur les deux comodos. On change de mode de pilotage de manière simple, par une pression sur le démarreur – évidemment, quand le moteur est déjà allumé.
Et sinon, l’écran de contrôle est désormais en couleur. Il est petit, mais bien lisible. On voit bien le régime du moteur et la vitesse, ainsi que les réglages du mode de pilotage, de l’ABS, du contrôle de traction (ATC) et de l’anti-wheelie (AWC), le reste (consommation d’essence, trips) étant plus difficile à identifier.
La mode du joystick
Sur cette nouvelle version, il y a aussi un « joystick », comme sur la Triumph Street Triple RS. Il permet de naviguer dans les menus de l’afficheur et de sélectionner les options. C’est simple et efficace. Mais cela demande du doigté si on le fait en roulant, le bouton n’est ni très haut ni très fin. Une nouvelle donnée est disponible sur ce nouvel écran. Le degré d’inclinaison de la moto, le degré de freinage et d’accélération s’affichent en temps réel sur un petit graphique en demi-cercle, façon retransmission télévisuelle de MotoGP. Pour autant qu’on ait assez de temps pour regarder autre chose que le prochain virage qui vous arrive dessus à toute allure.
En option, on peut installer un boîtier qui fait office de routeur Bluetooth pour connecter moto et smartphone – et par exemple écouteurs et micro dans le casque. En téléchargeant l’App dédiée pour iOS ou Android, on a alors accès aux données physiques disponibles via l’électronique embarquée de la Tuono, ainsi que le gyroscope et le GPS du téléphone. De quoi par exemple régler le contrôle de traction et l’ABS de manière séparée tronçon par tronçon sur tel circuit ou sur telle route. Pas testé, mais il y a de quoi s’amuser.
Freinage et amortissement au top
Tout étant bien réglé, on se concentre à nouveau sur les virages d’une petite route serpentant à flan de montagne. Le châssis et les suspensions étaient déjà de première catégorie. Maintenant, la fourche et l’amortisseur le sont encore plus. La moto sur laquelle nous avons effectué les quelque 160 kilomètres de ce test était la version Factory, soit la mieux équipée. Du Öhlins à l’avant et à l’arrière, donc, et des freins Brembo top de gamme.
La qualité d’amortissement est ainsi excellente. Ca vous maintient sur la trajectoire quels que soient l’angle du virage, la vitesse, l’impulsion sur le guidon, les repose-pieds ou le réservoir. Et dans un confort très acceptable. Ce n’est pas une Sport-GT, mais pas non plus un bout de bois, loin de là. Même la selle, à première vue fine, est en fait moelleuse. Il faut juste oublier l’idée saugrenue de voyager à deux.
ABS de virage
On précise que le freinage est exempt de tout reproche. Deux doigts suffisent pour tout maîtriser. Il doit être parfait pour la piste, tout en restant facile d’usage sur la route. C’était déjà très performant dans la version 2016 de la moto, mais Aprilia a coupé court aux petits reproches des pinailleurs en passant à l’avant d’un maître cylindre axial à une unité radiale. Il y a aussi un ABS actif en virage qui a fait son apparition, et que nous n’avons bien évidemment pas pu tester – heureusement. Mais c’est une sécurité de plus. Comme l’amortisseur de direction, qu’on ne remarque pas, mais qui calme toute velléité de guidonnage lorsque l’on oublie de se contrôler et que par exemple on s’agrippe un peu trop au large (mais pas haut) guidon.
Un de nos collègue, journaliste à Moto Sport Schweiz, possède une Tuono V4. Son appréciation de la nouvelle est laudative: « l’ensemble suspensions et freins antérieurs est entré dans une dimension nouvelle, c’est fabuleux! » La Factory conjugue à merveille agilité, stabilité, et précision. Et en plus, elle est presque facile. Presque, parce que son moteur, au vu de sa puissance, n’est pas à mettre entre les mains de tous les enthousiastes inexpérimentés.
Le poids de la moto est presque inchangé (plus un ou deux kilos, pour atteindre environ 209 kilos avec les pleins), malgré l’embonpoint pris par le silencieux – plusieurs centaines de grammes ont été enlevés ça et là en d’autres endroits. La Tuono n’est pas une plume, mais elle est très bien équilibrée.
Lever de roue et consommation (d’essence)
On a parlé d’anti-wheelie, mais les levers de roue avant son faciles, dès lors qu’on règle la chose sur 1 ou qu’on désactive la fonction. Ca n’est pas dangereux, mais jouissif, la moto est bien équilibrée et retombe sur ses pattes de manière contrôlée. Quant au contrôle de traction, il est d’une grande finesse, même sur l’angle, et c’est tant mieux pour le plaisir de conduite.
Le seul – petit – reproche que l’on peut lui faire est que le frein moteur n’est pas réglable de manière individuelle. Il est différent selon les modes de pilotage: plus fort sur Sport, moins sur Race et Track. Personnellement, j’aurais par exemple apprécié d’avoir la possibilité de choisir le réglage Sport en mode Track. Ah, et puis la consommation d’essence, marginalement améliorée avec le passage à Euro 4, n’est toujours pas un point fort de cette moto. A allure tranquille, l’écran indiquait 7 l/100 km.
Le prix, lui, est bien calculé. La Factory coûte 19190 francs! Quant à la RR, équipée de suspensions Sachs et de freins Brembo juste un peu moins performants (plus une selle plus adaptée au duo et une autre livrée colorée), elle s’emporte pour 16990 francs.
Et pour finir, avant une galerie de photos, voici ce qu’en pense le nouveau pilote de MotoGP d’Aprilia, Aleix Espargarò…
Galerie photos: Aprilia Tuono V4 1100 Factory
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