Z 1000 R – CB 1000 R: deux grosses brutes sur le retour
Alors que la concurrence fait rage dans le segment haut de gamme des maxi-roadsters, nous avons testé deux modèles pas vraiment nouveaux et dépourvus de gadgets électroniques. Les amateurs de gros cubes « old school » devraient être ravis.
Autant le dire d’emblée, la Kawasaki Z 1000 R et la Honda CB 1000 R, deux grosses brutes japonaises sur le retour, sont bien loin en matière de sophistication technologique en comparaison des Ducati Monster 1200, KTM Superduke, Aprilia Tuono, Suzuki GSX-S 1000, BMW S 1000 R et autres Triumph Speed Triple.
Face à ces bêtes de course gavées de puissance et d’électronique, la « Zed » et la CB ont quelques sérieux atouts à faire valoir en matière de prestations générales, même si le rapport qualité-prix laisse songeur.
Côte à côte, nos deux bécanes dévoilent leurs différences. Tandis que la Z 1000 R affiche sans complexe son traitement anti-âge, la CB 1000 R assume ses rides.
La première revendique une puissance de 142 ch et un couple maxi de 11,1 Nm pour à peine plus de 220 kg, identique à sa rivale, dont la cavalerie accuse pourtant un retard conséquent (-17 ch).
Saillante et anguleuse
En affublant la Z 1000 R d’une tête d’insecte aux yeux globuleux, le constructeur d’Akashi continue de miser sur un design « Sugomi » très manga avec un té de fourche abaissé, un carénage anguleux et un double échappement court de chaque côté. Ce qui ajoute à l’aspect agressif.
La version R a bénéficié de quelques injections de produits antirides. Les plus apparents sont les magnifiques étriers Brembo M50, hérités de la Ninja H2R, venant mordre des disques semi-flottants de 310 mm de diamètre. Le tout relié par des durites aviations.
Pour la tenue de route, la Kawa a été équipée d’un amortisseur Öhlins avec molette de réglage déportée. La fourche inversée Showa de 41 mm est réglable en précharge, compression et détente, comme sur la version de base.
Quant à l’électronique, les ingénieurs ont révisé le boîtier ECU pour qu’il délivre la puissance de manière plus douce et pour se conformer aux nouvelles normes anti-pollution Euro 4.
Toujours une référence
Miss Honda pour sa part a gardé de beaux restes, même si elle n’a pas subi de lifting plus que cosmétique depuis qu’elle a déboulé sur le marché en 2008. Presque dix ans après son lancement, le modèle phare de la marque ailée dans le segment des naked survitaminées continue d’être une référence et tire remarquablement son épingle du jeu.
Là où la Kawa arbore un design saillant, la Honda mise au contraire sur une certaine sobriété, même si ses lignes sont résolument sportives, à l’image de l’échappement 4 en 1 angulaire inspiré de la Fireblade, derrière lequel se cache le splendide monobras en aluminium de la CB – premier roadster nippon à en être équipé.
Depuis son lancement en Europe, la CB 1000 R a été écoulée à plus de de 30’000 unités dont plus de 2200 pour le marché Suisse, selon l’importateur. Toutefois, face aux coûts que supposerait son adaptation aux nouvelles normes Euro 4, le premier constructeur mondial a décidé de laisser mourir son best-seller de sa belle mort.
D’ailleurs, Honda Suisse a eu de la peine à cacher une certaine perplexité lorsque nous avons sollicité la moto pour notre comparo : « vous êtes sûrs… curieux de tester un modèle en fin de vie? » nous a-t-on dit. Mais alors, faut-il comprendre que la marque ailée va délaisser le segment des maxi-roadsters ?
Interrogée à ce sujet, la direction de l’importateur botte en touche, tout en laissant entendre que la question n’est pas de savoir « si » mais « quand » la marque dévoilera le modèle censé succéder à sa Majesté CB 1000 R. L’abandon de la mouture actuelle laisse penser que le futur fer de lance de Honda dans ce segment suivra la tendance à la « gadgétisation » observée chez les autres constructeurs.
Deux félins, un qui rugit, l’autre qui ronronne
Mais assez parlé des atours, passons au roulage. Contact enclenché, la différence se fait tout de suite ressentir entre les deux 1000. Alors que la Kawa gronde et fait vibrer l’air de son souffle rauque, la Honda se lance sur un discret feulement.
Position de conduite assez droite mais portée sur l’avant, les deux bécanes se jouent relativement aisément des embouteillages urbains. La douceur des moteurs à bas régime (avec un léger avantage pour la Honda) et des commandes douces mais précises participent à un pilotage détendu entre les voitures et autres obstacles.
Une fois sur l’autoroute, le couple et les chevaux disponibles à tous les étages permettent d’avaler les kilomètres sereinement. Même à vitesse légale, les modestes têtes de fourche apportent peu de protection au pilote. Mais ce n’est clairement pas le terrain de jeu favori de nos deux naked bikes.
Avec l’arrivée du printemps et le retour d’une météo plus clémente, la Z 1000 R et la CB 1000 R (et leurs pilotes) s’en sont donné à cœur joie sur les jolies routes sinueuses de l’arrière-pays argovien.
Le plus envoûtant est le son généré par la Z. La sonorité d’admission et d’échappement laisse libre cours à l’expressivité de la machine, tout en répondant aux contraintes des dernières normes anti-pollution.
La Kawa est excellemment secondée par une partie cycle, très – voire parfois trop – rigoureuse. L’accélération est régulière jusque vers les 7000 tours, après quoi le compte-tours s’envole vers la zone rouge.
En entrée de virage, les étriers Brembo bien secondés par le frein moteur entrent en action. Progressif au début, le freinage se fait mordant en fin de course tout en restant bien dosable.
Sur route dégradée, les réglages d’usine de la partie cycle sont un peu fermes et fatiguent sur la durée, mais la Kawa reste vissée sur le bitume. Sa nervosité se fait toutefois sentir en sortie de courbe, lorsque le revêtement s’avère moins lisse que prévu.
On a beau connaître les qualités de la CB 1000 R par cœur, elle surprend chaque fois par l’aisance de sa prise en main. Le réservoir fortement échancré à l’entre-jambe confère à la bête une sveltesse qui lui fait vite oublier son poids et facilite les mouvements du pilote sur la selle.
La réputation de la CB en termes de maniabilité n’est pas usurpée. Braquée à la butée, il lui faut environ un mètre de rayon de moins que sa rivale pour effectuer un demi-tour sur route.
Comparée à celle de la Kawa, la sonorité du quat’ pattes Honda est quelque peu atone. A l’usage en revanche, c’est un véritable régal de rondeur et d’équilibre, même si les reprises en deçà des 5000 tours manquent singulièrement de vigueur.
Contrairement à la Z, adepte du plongeon dans les virages, la Honda reste imperturbable une fois calée sur l’angle, et absorbe les aspérités du bitume de manière bien plus docile.
Par ailleurs, son pneu arrière de 180 mm, moins large que les 190 mm montés sur la Kawa, accroît encore son agilité dans les enchaînements de virages serrés.
Presque dix ans après son lancement, le freinage de la CB1000R fait honneur à la supersportive dont elle est l’héritière, avec une mention particulière pour l’arrière, dont le disque de 256 mm est l’un des rares à disposer d’un étrier double piston.
Sur le train avant, on retrouve comme sur sa rivale un double disque de 310 mm. L’entrée en action de l’ABS est appropriée tout en sachant rester discrète.
Bonnes (presque) sous tous rapports
Que retenir de nos deux naked bikes ? Certes, elles n’ont pas l’apanage électronique de la nouvelle génération, mais – hormis l’ABS dont elles sont toutes les deux équipées et l’indicateur de rapport engagé pour la Z – cela ne leur fait pas défaut, bien au contraire.
Les amateurs de sensations brutes désireux de se concentrer sur l’essentiel seront ravis par l’aspect rageur de la Kawa et le côté félin – ronronnant – de la Honda. Reste à savoir si l’absence du contrôle de traction, du « ride by wire » et des cartographies moteur va dans un futur proche reléguer la Z dans les manuels d’histoire comme Euro 4 a sonné le glas de la CB.
Côté prix, les deux modèles de notre comparatif sont condamnés à revoir leurs prétentions à la baisse, car trop proches de plusieurs concurrentes technologiquement plus avancées.
Alors que la CB 1000 R est proposée à 14440 francs, il faudra en débourser 14900 pour la Z 1000 R, une zone de prix dans laquelle on trouve des versions de base de plusieurs rivales « gadgétisées » et un bon cran au-dessus en termes de puissance.
Il y a donc fort à parier qu’à terme, les deux constructeurs japonais doivent mettre la main au portefeuille en proposant des remises ou en incluant des packs d’accessoires ou des équipements supplémentaires.