Stuart Gardner raconte la renaissance et les plans de la marque mythique Norton
Interview au salon suisse de la moto Swiss-Moto avec l’homme qui a racheté ce qui n’était plus qu’un nom et en a fait le deuxième constructeur de motos britannique. Il parle de la néo-rétro Commando, de la toute nouvelle superbike V4 RR et d’un scrambler à venir.
Il a accordé à actumoto.ch une interview d’une vingtaine de minutes pour parler des plans de la marque mythique Norton (qui gagna le tout premier Tourist Trophy sur l’Île de Man), et aussi de sa renaissance (elle a plus ou moins disparu dans les années 1980′). « Il », c’est le Britannique Stuart Gardner, boss de ce qui est devenu le deuxième constructeur anglais de motos depuis qu’il a racheté cette marque en 2008 à une banque d’investissement américaine. Sur un coup de tête, ou presque. Il était de passage à Zürich, au salon suisse de la moto et du scooter, Swiss-Moto 2018. Salon où Norton, qui vient de changer d’importateur (à présent SMOT), a pour la première fois son propre stand.
Stuart, racontez-nous comment s’est produit le rachat de Norton?
A l’époque j’étais, entre autres, dans un marque de châssis anglais, Spondon. Une marque qui avait réalisé des pièces pour Norton. Et un jour je reçois un appel d’un type dans une banque américaine. Sa société détenait le nom Norton. Un nom qui était déjà depuis longtemps synonyme de moto et de course pour moi. Il devait vendre cet actif, il avait une offre d’une marque de t-shirts. On était en pleine crise des subprimes aux USA. Il m’a dit qu’il était prêt à me faire les mêmes conditions qu’à l’autre acheteur et à me donner la préférence si: je mettais rapidement la somme nécessaire, quelques millions et que je venais signer à son bureau, dans le Minnesota. Et si je m’engageais à construire des motos. Je n’ai pas vraiment pris le temps de réfléchir. Si je l’avais fait, si j’avais eu deux ou trois semaines pour y penser vraiment, j’aurais certainement dit non.
La première moto de la nouvelle Norton fut une néo-rétro, pourquoi?
Nous devions faire une moto à partir de rien. D’ordinaire, on a un châssis et on développe un moteur autour de ce châssis. Ou le contraire. Là, nous n’avions que le nom. C’était une évidence. Le nom « Commando » était encore connu de la plupart des motocyclistes. Il fallait donc que ce soit ce genre de moto. J’ai pu profiter de l’expérience acquise chez Spondon. Et nous avons engagé des ingénieurs et nous nous sommes mis au travail. En février 2009, nous avons engagé notre premier homme. Certains sont encore avec nous, comme Simon Skinner, qui est responsable du design. L’argent engagé, c’était le mien, au départ. Ce n’est que plus tard, en 2011, qu’une banque nous a accordé un financement, garanti par le gouvernement, qui nous a aidés dans notre expansion. Et chaque penny gagné a été réinvesti dans la société.
Etes-vous conscients d’avoir à un moment déçu les clients qui ne recevaient pas les motos promises?
Nous avons été très naïfs au début de notre histoire. Nous avons simplement eu trop de demandes. Et nous avons perdu partiellement le contrôle. Mais nous avons tiré les leçons de cette période. Nous avons appris à mieux manager la qualité et à mieux communiquer avec nos clients. Même avec les nouveaux modèles V4 qui arrivent, et plus tard avec une moto de plus petite capacité, nous n’allons pas pouvoir dépasser une certaine limite de production, je dirais autour de 1400-1500 moto par année. Ce qui fait que nous allons pouvoir continuer à garantir une certaine exclusivité à nos clients. Nos motos sont produites à la main, avec soin et avec des matériaux spéciaux. Cela va rester ainsi.
Pourquoi, après la Commando et la Dominator, passer d’un coup à une Superbike moderne?
Parce que depuis que j’ai relancé Norton, je sais que l’histoire de cette marque prend racine dans la course et la compétition! L’idée est vite venue d’un moteur V4. Que nous n’avions pas. Mais nous voulions cette configuration, notamment pour pouvoir ensuite en extraire un second projet bicylindre avec relativement peu de modifications. On garde le banc de cylindres avant, on réalèse, et on a un bicylindre parallèle de 650 centimètres cubes! Nous avons cherché sur le marché un moteur V4 semblable à ce que nous voulions faire. Nous l’avons trouvé chez Aprilia. Et nous avons commencé à travailler sur le châssis. En vérifiant sur le meilleur des terrains, l’Ile de Man et le Tourist Trophy, ce que ça donnait dans des conditions réelles. Je ne voulais pas de 1000 centimètres cubes, ni d’un engagement en championnat 1000, cela nous aurait catégorisé comme un fabriquant de plus dans cette catégorie, qui plus est probablement avec des résultats pas extraordinaires. Pas très motivant. Un V4 de 1200 cc au TT, c’est une autre histoire. Et cela nous a réussi jusqu’ici.
Vos pilotes ont terminé cette année plusieurs fois dans le top dix, mais le moteur Norton n’est toujours pas là!
Maintenant, nous sommes prêts. Nous avons pu le développer. La moto que vous voyez sur notre stand ici à Zürich a déjà un de nos moteurs. Nous travaillons avec la maison suisse Suter pour le calibrage et la mise au point finale. Eskil Suter sait ce qu’il fait. Il nous aide à avancer. Et les premières V4 RR, destinées au public, vont arriver sur le marché cette année. Je dis toujours que la moto sera prête quand elle sera prête. Nous ne pouvons pas nous planter.
Parlez-nous de ce futur moteur de 650 centimètres cubes…
Comme je l’ai dit, il s’agit en gros du V4 coupé en deux. Nous avons conclu un partenariat avec Zhongshen, en Chine, à qui nous allons vendre ce nouveau moteur. Cela doit générer un revenu qui financera notre activité et notre développement. Mais nous allons nous aussi utiliser ce nouveau moteur, en Europe. Le plan est de l’implanter dans un châssis de scrambler. Ce sera en quelque sorte une Norton d’entrée de gamme. Une moto qui devra être robuste, que l’on peut laisser tomber et réparer. Ce que j’appelle une moto pour l’hiver. Elle devrait être dévoilée d’ici la fin de 2018…
Pour trouver les concessionnaires de Norton en Suisse, il suffit d’aller faire un tour sur le site web de la compagnie. En attendant que le nouvel importateur actualise le sien.