Roland Freymond, mon père ce héros, épisode 1

Publié le 15 mars 2018 par Claude Bovey, mis à jour le 11 janvier 2023.

Photos: Roger Lohrer - collection Roland Freymond.

Histoires de champions

Roland Freymond, mon père ce héros, épisode 1

Il a été un des meilleurs pilotes suisses de tous les temps lorsqu’il militait dans le « Continental Circus ». Voici une série de récits-interviews écrits par son fils Yannick, tous empreints de pudeur et d’admiration, qui relate sa carrière…

Actumoto.ch m’a fait une proposition aussi intéressante que particulière, écrire un papier sur mon pilote de père… Intéressant, forcément! Peut-être que son nom ne vous dit pas grand-chose mais, Roland Freymond détient l’un des plus beaux palmarès du sport motorisé en Suisse. Plutôt Collombin que Russi, il a toujours su rester simple et il n’a pas forcément eu l’exposition médiatique à la hauteur de ses résultats. Donc raconter son histoire me tient à cœur. L’exercice est périlleux, extrêmement périlleux même. Tenter de porter un regard neutre sur ce qu’il a accompli sans tomber dans la complaisance ni dans le déni est un exercice ô combien risqué mais, après en avoir parlé avec le principal intéressé, j’ai accepté.

Merde! Ce type est un héros simple et modeste. Je lui dois beaucoup et en plus j’ai la chance de l’appeler papa. Cela sera donc une occasion fantastique pour nous d’essayer de vous transmettre quelques souvenirs et de belles émotions qui, malgré l’impitoyable marche en avant du temps, sont toujours bien vivants et sincères. Nous avons donc décidé de vous présenter les épisodes les plus marquants du pilote et de l’homme qui aura marqué de son empreinte l’histoire du Continental Circus. Lorsque je lui demande de raconter sa jeunesse, les premiers mots qui lui viennent sont «entre terre et air». Interloqué, je lui demande d’approfondir un peu. «A l’âge de 5 ans, on a eu un accident de voiture, j’ai été éjecté de l’habitacle alors que je tentais de refermer la portière pendant que la voiture était en marche. Rien de grave, à part une chaussure qu’on n’a jamais retrouvée. C’est la première fois que la main invisible m’a sauvé.»

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Ici, la main invisible ne fait pas référence à la main Breitling qui a poussé Piccard à travers son périple autour du monde. Non, ici elle fait référence à cette entité qui a guidé ou sauvé mon père de situations qui auraient pu lui être fatales. Et cette main mystérieuse reviendra de façon régulière tout au long de son discours.

Jeunesse turbulente

Sa jeunesse est de celle que l’on qualifierait de turbulente aujourd’hui. Non pas que la vie à Poliez-le-Grand ait été particulièrement difficile pour lui, mais c’était celle du deuxième de la famille qui doit grandir dans l’ombre d’un grand frère assez brillant et intelligent et où, ma foi, il faut faire sa place et s’affirmer d’une façon ou d’une autre…
Adolescent, tous les moyens sont bons pour y arriver. «A 15 ans, j’ai mis la main sur une NSU sans plaque à quatre vitesses. Pour moi qui avais l’habitude des boguets maquillés, c’était incroyable. Alors, non content de pouvoir monter dessus, je décide de faire mes preuves sur la route qui passe devant la maison. J’ai la tête dans le guidon et je fais le signe du V avec mes doigts et passant devant mes parents et tire tout ce que le moteur peut donner. Manque de bol et trop concentré sur mon affaire pour m’en apercevoir, un flic me suit dans sa BMW. La belle aventure s’est soldée par un passage par la case Tribunal des mineurs. (Et certainement un beau pied au cul de la part de la maman, Bluette… Mais ça, ce n’est pas spécifié. Ndlr).
Les bases sont donc jetées et si l’histoire s’arrêtait ici, mon père ne serait guère devenu qu’un repris de justice sans avenir et donc, pas franchement brillant.

D’abord le foot

Au début, comme beaucoup d’autres, il tâte du foot et devient même capitaine du Lausanne-Sport en Junior C mais, l’esprit d’équipe et l’ambiance de vestiaires ne sont pas faites pour lui. «J’aimais aussi beaucoup le ski. J’ai appris à skier chez mon parrain aux Diablerets. Sur les mêmes pistes que Lise-Marie Morerod qui deviendra une championne plus tard. Avec le recul, je crois que le ski était une bonne école pour la moto. Tu apprends à composer avec la vitesse et tu apprends surtout à tomber. C’est important de tout laisser aller quand tu chutes et ça, je l’ai appris en tombant à ski!»

Presque singe dans un panier de side-car cross!

Heureusement les choses ont pris une autre tournure durant son apprentissage de mécanicien poids-lourd. «Un camarade de volée m’avait demandé de lui trouver un singe pour passer avec lui sa licence de side-car cross. Malheureusement, je n’en ai pas trouvé donc j’ai gentiment proposé mes services. Dans cette configuration, c’était plutôt laborieux, donc on a décidé d’inverser les rôles, je prends la place de pilote et mon collègue celle du singe. Mon copain était le fils du gendarme de Founex et son père lui a demandé de se retirer donc j’ai dû me débrouiller autrement pour passer la licence. J’ai donc fait appel à mon pote d’école Daniel Steiner. Après une nuit au clou et quatre heures d’entraînement sur la piste de Frangy, examen pour la licence sur la piste de Combremont et… Victoire! A cette époque il fallait passer un examen pour obtenir la licence et, cela se passait sous forme de course».
Les officiels de la FMS lui refuseront pourtant la licence pour conduite «hors-manuel» et, ce fut certainement une fort bonne décision. Non pas que les fonctionnaires aient eu une quelconque intuition ou fin nez, mais la sentence incita le jeune Freymond à laisser tomber le side-car cross.

La maman, le papa et la grande soeur de Yannick, Mélanie.

Son héros s’appelait Jo Siffert

L’idée de «faire des courses» était pourtant tenace et, une nouvelle opportunité se présenta à lui lors d’une course d’endurance destinée aux pilotes licenciés et non-licenciés sur la piste de Lignières.
Avec son équipier, il s’impose dans la catégorie des non-licenciés et finira 7ème au général de la course. Il se dit qu’il y a peut-être quelque chose à faire et se décide à passer sa licence route et s’attaquer au championnat suisse avec une T20 ex-Quiblier…
Nous sommes en 1973 et, les moyens étaient différents d’aujourd’hui. «Si j’avais eu les moyens, j’aurais aimé faire de la Formule 1».
«Quand j’étais petit, mon héros s’appelait Jo Siffert. Une fois, je lui ai mis vingt litres d’essence à la station que possédaient les grands-parents à Poliez. Un truc de fou pour le gamin que j’étais. Son livre «Tout pour la course» aura été une grande source d’inspiration pour moi. Tous les efforts étaient faits pour atteindre son but. Alors pour payer ma première saison, j’allais bosser les samedis et les dimanches dans une station essence plus grande pour pouvoir encaisser la bonne main et mettre un peu d’argent de côté».

père
Dès le début, le jeune pilote qui vient de fêter ses 20 printemps a des idées bien claires et des objectifs précis. «Quand tu fais des courses, il faut se fixer des objectifs clairs et tout mettre en œuvre pour y arriver, sinon t’as meilleur temps de rester à la maison. Pour moi, la première saison, fallait finir dans les 5 pour avoir une licence nationale et la deuxième saison rebelote pour avoir une licence internationale. La licence A te donnait le droit de rouler immédiatement en Grand-Prix et la B te permettait de t’inscrire à toutes les courses en Europe.
Alors en 1975, la licence B en poche, on a décidé avec mon pote Chaubert d’aller rouler en Angleterre». Lorsqu’il énonce le nom des pistes, les poils se dressent sur mes bras. «Snetterton, Cadwell, Oulton… Que des noms qui font froid dans le dos quand on voit les vidéos du BSB aujourd’hui. Le format des courses était assez court, entre 30 et 40 kilomètres donc de un, tu n’avais pas droit à l’erreur et de deux, il fallait être à fond dès le début. Le rythme était infernal et les Anglais complètement à la masse. « Résultat des courses, avec mon pote Chaubert on finissait toujours derniers et avant-derniers et parfois on s’échangeait les places. Ces résultats étaient pourris mais, j’ai énormément appris, notamment à me mettre directement dans le rythme et ça, ça m’a beaucoup aidé par la suite». La suite justement, c’est la saison 1976 qui marquera un véritable pas décisif dans sa jeune carrière. «Le but pour cette saison était de remporter le titre national pour obtenir le précieux sésame, la licence Grand-Prix». Et ce fut chose faite. Un véritable carton avec de nombreuses victoires à la clé et une dérogation afin de prendre part aux deux dernières épreuves du championnat du monde à Montjuic en Espagne et à Brno, alors en Tchécoslovaquie.

La première course, il se retrouve « chocolat »

La première course en Espagne se solde par une prometteuse 11ème place. Chocolat! Seuls les dix premiers marquent des points à cette époque-là. A Brno, au guidon de sa Yamaha-Egli de 350 cm3, il décide de prendre le départ en 500 cm3. Malgré la différence de puissance, il se qualifiera sur la 3ème ligne de départ. Un véritable exploit pour une deuxième course. «Le Brno de l’époque était un circuit routier bien différent d’aujourd’hui. Il y avait toute une partie sinueuse dans la forêt où je pouvais vraiment faire parler mon expérience des courses de côte que l’on rencontrait en Suisse.père

« Passer Ago et Sheene, j’ai pensé être dans le juste »

Je n’avais aucun complexe et j’ai tout de suite pu faire parler l’agilité de la 350 cm3 face aux 500 cm3. Quand tu débarques et que tu passes des types comme Ago ou Sheene dans les parties techniques, c’est que tu es certainement dans le juste. Après c’est clair que dès qu’il fallait de la puissance, j’étais clairement à la rue face aux 500 cm3 usine.» L’histoire ne retiendra certainement pas ces résultats mais le jeune gars du Gros-de-Vaud venait de marquer les esprits avec son style. Irrévérencieux et avec un cœur gros comme ça…

Texte: Yannick Freymond

Yannick Freymond

Commentaires3 commentaires

3 commentaires

  • Emonet christian

    Magnifique article sur monsieur Roland Freymond,j’ai hâte de lire la suite.

  • Barrat Madeleine

    Quel magnifique témoignage d’amour. Bravo Yannick de nous faire partager tant d’émotions et de souvenirs. Pour vous avoir rencontrés, oui ton papa est tout en modestie et toi en bienveillance. Merci également à Claude Bovey d’avoir créé actumoto et de nous faire vivre et partager cette merveilleuse passion.
    Mad

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