MV nous propose la Brutale 800 RR, une machine à sensations pour les amateurs de sport
Une nouvelle version Euro 4 du roadster tricylindre italien. revue techniquement en profondeur, débarque sur le marché cette année. Après une période de fortes turbulences subies par la marque de Varese et un redimensionnement drastique de la compagnie.
Il y a deux ans, MV Agusta nous conviait en Espagne pour nous faire essayer la Brutale 800 Euro 4. Bien plus qu’une simple mise aux nouvelles normes européennes en matière d’émissions de polluants et de bruit, il s’agissait d’une refonte en profondeur du roadster fétiche de la marque italienne (lire notre test). Entre-temps, les soucis financiers se sont abattus sur MV, qui a dû se déclarer temporairement en faillite, faute de pouvoir payer ses sous-traitants, et n’a réussi à se maintenir à flot que grâce à l’arrivée d’un nouvel investisseur russo-anglais et à une baisse drastique de la production. Et voici que, deux ans plus tard, MV nous propose la Brutale 800 RR, en version Euro 4 elle aussi.
L’essai se fait à présent dans la région de Varese, au nord de l’Italie. Au départ de l’usine et du siège de la marque. On sent qu’un plan de redressement financier est passé par là…
Nous faisons connaissance avec nos machines, qui sont visuellement très proches de la Brutale 800. La RR s’en distingue par des roues plus travaillées, plus légères, par des graphismes différents et surtout par un moteur plus puissant et de meilleures suspensions (et un prix majoré, bien sûr), ce qui ne se voit pas de prime abord. Par rapport aux Brutale Euro 3, moteur et châssis offrent plus de punch à bas et mi régimes, un meilleur contrôle électronique, moins d’à coups à bas régime, plus de stabilité (sans sacrifier à l’agilité) et une ergonomie repensée.
A bord, justement, la position de conduite est: légèrement penché en avant, avec des pieds légèrement reculé et des bras qui prennent place naturellement sur un guidon de roadster juste assez large. C’est à ce moment que l’on remarque la présence d’un amortisseur de direction réglable par molette manuelle, une particularité de la RR. Mais sinon, le tableau de bord est identique. Complet, assez lisible mais pas extraordinairement clair. Par contre, tous les détails de finition sont soignés. Cette machine est un bijou mécanique et la partie-cycle est elle aussi magnifique. On ne résiste pas au besoin de redescendre de selle pour admirer la ligne d’échappement avec ses trois petits pots courbés qui s’incurvent vers le haut sa roue arrière libérée sur le côté droit grâce à l’emploi d’un monobras oscillant… sans oublier des tés de fourche sculpturaux, un réservoir d’essence qui mêle avec rigueur et sensualité les courbes et les angles aigus, et une selle d’une grande légèreté visuelle.
Le seul (mais vraiment le seul) petit détail qui détonne, ce sont les commandes des menus et des réglages électroniques sur le comodo de gauche. Elles font un peu cheap, avec deux boutons-membranes pas du plus bel effet. Mais il suffit de détourner le regard de quelques millimètres et tout resplendit à nouveau.
On note aussi que l’assise est relativement haute, mais heureusement étroite à l’entre-jambes. Le sous-signé, un mètre septante et des jambes courtes, arrive à poser les deux pieds à terre, mais pas à plat. Et le rayon de braquage n’est franchement pas terrible.
Nous mettons le contact, faisons démarrer le moteur tricylindre en ligne, qui s’ébroue en un grondement rauque et grave. On dirait presque qu’il broye du café très corsé… en plus lourd et en plus impressionnant. Je choisis le mode de pilotage normal, je relâche l’embrayage et j’avance comme un fauve prêt à accélérer. Ce qui ne va pas tarder. Notre guide n’est pas du genre à s’attarder derrière un camion. La poussée du moteur MV n’est pas extraordinaire à bas régime, mais le propulseur monte par compte très vite dans les tours. Et dès environ 3000-4000 révolutions, l’enfer se déchaîne, dans un hurlement qui s’amplifie et avec une connection très directe entre la poignée des gaz et la roue arrière. Très directe, mais pas imprécise ni nerveuse. On aime vraiment, c’est addictif. Un peu trop peut-être, car le rythme de la balade s’accélère et les premiers levers de roue avant ne se font pas beaucoup attendre!
Sur cette version RR, la puissance et le couple supplémentaires sont distribués dans la partie haute du compte-tours. Mais il y en a bien assez entre 6000 et 9000 tours par minutes. Et heureusement, le lever de roue est contrôlé par l’antipatinage, qui fonctionne de manière subtile en vous laissant faire le wheelie (contrôle de traction réglé sur le niveau deux, de huit en tout) mais en empêchant la moto de se cabrer complètement. Et en vous laissant continuer à accélérer. L’électronique et la mécanique fonctionnent de concert, et plutôt bien. On peut aussi déconnecter entièrement l’antipatinage, si l’on se sent la compétence de le faire.
Le moteur de la RR est encore plus rempli que celui de la version standard – qui est devenu la moto d’entrée de gamme chez MV, la Brutale 675 ayant disparu. Mais pour vraiment arriver à exploiter ces performances, un passage sur un circuit s’impose. Une utilisation routière pure avec le compte-tours poussé dans ses retranchements risque en effet fort de vous envoyer en prison. Il n’empêche, cela fait toujours bien de pouvoir dire que l’on dispose de 140 chevaux sur une moto de 800 centimètres cubes.
A bas régime, en ville par exemple, et à basse vitesse, la moto est toujours un peu brutale (sans jeu de mot), quel que soit le mode de pilotage choisi. On peut par contre réguler la « sensibilité de la commande des gaz » indépendamment de la « réponse du moteur à cette commande ». Brian Gillen, responsable recherche et développement chez MV Agusta, explique que, dans le premier cas, et pour caricaturer, cela s’adresse aux pilotes atteints du syndrome de Parkinson. « Dans le réglage plus progressif, cela lisse vos imprécisions avec le poignet droit. »
L’ABS, lui, est activé ou désactivé. Point. Sur la roue arrière, il n’est pas trop envahissant. On se doute cependant que, sur un circuit, pour claquer une pendule et/ou faire les freins à quelqu’un, il vaut probablement mieux le déconnecter.
Un autre trait caractéristique de la Brutale est la facilité avec laquelle elle change de direction. La moto a l’air très compacte et courte, et elle l’est dans une certaine mesure. Mais l’empattement se trouve dans les valeurs moyennes (sous 1500 mm) sans pour autant être réduit (moins de 1400 mm) et l’angle de chasse n’est pas extrême. Il y a par contre un second arbre moteur, contra-rotatif, ce qui réduit fortement l’effet gyroscopique dû à la rotation des roues. Et confère à la MV une grande agilité, renforcée par un châssis très bien conçu et des suspensions à l’amortissement très bien géré. La RR est d’une belle précision en entrée de virage, et dans le virage. Selon votre style de conduite, il faudra cependant probablement resserrer l’amortisseur de direction, car le guidon pourrait avoir tendance à gigoter à la ré-accélération.
En route, il est très simple de changer le mode de pilotage (outre Normal, on a aussi Sport, encore plus direct, et Rain, qui calme et lisse les choses), le réglage du contrôle de traction et l’activation-désactivation de l’ABS. On a aussi un chronomètre à disposition, deux trips et l’heure. Plus le régime du moteur, sur un diagramme à bâtonnets, pas toujours lisible dans le détail. Mais pas de jauge d’essence, ni d’autonomie, ni d’indicateur de consommation d’essence. On doit se fier à la fiche technique du constructeur, qui indique une conso de 6,7 l aux 100 km. Et c’est sans doute plus dans la vraie vie, surtout avec un tel moteur! Notre guide nous explique que les litres du réservoir suffisent en général pour parcourir un peu plus de 200 km.
Un peu plus de 200 km, ce sera de toute façon un peu la limite avec cette moto. Pas que l’ergonomie soit mauvaise, au contraire. Mais la selle, accueillante mais fine, et l’envie de sans cesse accélérer et freiner feront que votre fessier vous dira stop au bout d’un peu plus de 200 km lui aussi. On ne parle bien sûr pas de la protection contre les éléments, inexistante. Pour ce qui est de la chaleur dégagée par le moteur, nous n’avons pas d’avis, car le test s’est effectué par des températures hivernales. Cela semble supportable, à vérifier durant l’été.
MV Agusta n’a pas seulement mis aux normes et retravaillé ses roadsters tricylindres. Un grand pas a été franchi pour ce qui est de la fiabilité et de la qualité de fabrication, assure Brian Gillen. Et pour le prouver, il nous fait faire un tour de la ligne de production. En pointant du doigt les nombreux processus de contrôle qui ont été introduits. Plus de problème d’injection à bas régime, plus de souci avec la boîte de vitesses, et ainsi de suite. De près de 10000 unités au temps où MV pensait expansion avec l’aide de son actionnaire minoritaire Mercedes AMG, on est passé aujourd’hui à quelque 6000 motos par année. De quoi pouvoir mieux assurer la fabrication. On espère que cela pourra rester ainsi dans les années à venir.
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