La Yamaha Niken, un OVNI à trois roues sur les pentes autrichiennes

Publié le 23 mai 2018 par Jérôme Ducret.

Photos: Jonathan Godin, DR.

Test Yamaha

La Yamaha Niken, un OVNI à trois roues sur les pentes autrichiennes

Yamaha avait déjà frappé un grand coup et marqué les esprits lors de la première apparition publique de la Niken au salon EICMA de Milan, l’automne passé. La marque japonaise vient de concrétiser ses promesses en convoquant la presse dans un haut lieu du ski mondial, à Kitzbühel, dans les Alpes autrichiennes. Pour tester la Niken sur route.

Pourquoi faire cela dans une station reconnue plus pour sa fameuse descente de coupe du monde et ses après-ski que pour la qualité de son asphalte et sa culture motocycliste? Parce que Yamaha a décidé de bouleverser les codes et de révolutionner le monde du deux-roues en lançant la première moto à 3 roues produite en série. Pas un outil pour pendulaire ou un scooter comme on  en on croise déjà sur les routes (Piaggio MP3, Peugeot Métropolis, Quadro Qooder, Yamaha Tricity), non: une véritable moto!

Comme l’explique Clément Vollier, Head of Sales (responsable des ventes) de Yamaha Europe: «Lorsque nous avons essayé le prototype de la Niken pour la première fois au Japon il y a environ 3 ans maintenant, nous étions un petit groupe de représentants européens tous férus de ski avec un niveau plutôt bon. En descendant du proto on s’est tous fait la même réflexion et on s’est dit que les sensations étaient vraiment proches de celles du carving.» Et donc Yamaha a poussé le concept jusqu’au bout à Kitzbühel en nous conviant à une journée de test d’un genre nouveau, puisque c’est chaussés de lattes Salomon que nous avons passé la première journée. Aux côtés du chevronné skieur italien désormais à la retraite Davide Simoncelli, pour une première prise de contact. L’idée était officiellement de faire comprendre comment des skis ont pu influencer le développement de la Niken. On verra ce qu’il en est en pilotant, et si cette moto révolutionnaire donne vraiment l’impression de faire du ski carving sur la route…

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Les doubles fourches télescopiques, reliées entre elles et avec le guidon par un complexe jeu de tringles et d’articulations.

Les révolutions ne se font généralement pas en douceur et les designers japonais ont décidé de s’inspirer du scorpion pour lancer cet OVNI (objet de virage non encore bien identifié) dans le paysage motocycliste. Un trois roues aux formes forcément futuristes et radicales qui polarisent les avis. Il est vrai que la plastique plutôt large et généreuse dégage une impression de lourdeur qui semble pleinement assumée par le constructeur. L’avant est plutôt réussi, avec une belle intégration de l’optique LED. Et l’on soulignera le soin apporté à quelques éléments généralement bâclés sur de nombreux modèles mais savamment intégrés ici, comme le support de plaque, les rétros ou les clignoteurs.

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La partie antérieure d ela moto est volontairement large visuellement. Notez le beau décor…

Libre à chacun de se faire un avis sur le design, car ma foi, tous les goûts et les couleurs se trouvent dans la nature. Ici, il est pensé pour souligner le côté novateur de la démarche.

Double fourche et pneus spéciaux

La vraie révolution se trouve, on l’aura compris, au niveau du train avant, avec ces deux roues de 15 pouces guidées par des doubles fourches. L’idée est de poser les nouveaux jalons pour un pilotage plus sûr et donc plus fun. La fourche arrière assure quant à elle le travail traditionnel d’une suspension antérieure, à savoir l’amortissement des chocs (elle est réglable en précontrainte et en hydraulique) et la fourche avant sert à rigidifier l’ensemble et de guide, afin d’éviter le phénomène de roue de chariot de centre commercial.

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Voilà ce que cela donne sans le carénage. Finalement assez fine.

L’équilibre et le fonctionnement de ce train avant est assuré par un système complexe de biellettes et de balancier qui assure un équilibre parfait de l’ensemble. Ce système, appelé New Leaning Multi Wheel Technology (NLMWT, si, si), offre une stabilité et dégage une confiance rarement atteintes jusqu’à ce jour. Pour les roues, le choix s’est porté sur des pneus Bridgestone de 15 pouces (dimensions 120/70 R15) spécialement développés pour la Niken, offrant le meilleur compromis entre stabilité et agilité.

Un moteur éprouvé, celui de la MT-09

Quant au châssis, la solution promue est hybride, avec un mélange de tubes en acier et de structures en aluminium, histoire de garantir la meilleure balance entre rigidité et gain de poids. Puisque nous sommes à l’approche de l’été et qu’il est donc de bon ton de se soucier de sa forme, sachez que la Niken pèse 263 kg tous pleins faits. Un chiffre tout-à-fait raisonnable si l’on pense à la configuration de la machine. L’ensemble est mû par le fameux trois cylindres de la firme aux trois diapasons, le CP3 de 847 cm3 refroidi à eau (déjà présent sur la Tracer – lire notre test – et la MT-09 – lire notre autre test), légèrement revisité pour l’occasion afin d’assurer une meilleure inertie et un peu plus de couple à bas régime.

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Le moteur pêchu de la Niken est à peu de choses près le même que celui des Yamaha MT-09 et Tracer 900.

Après de longues présentations et une montée en température qui aura duré suffisamment pour nous faire comprendre que nous étions face à un changement radical de paradigme, tout ça… l’heure d’enfourcher la bête est enfin arrivée! La position en selle est vraiment hyper confortable et jamais au cours de la longue journée de roulage on n’aura ressenti des tensions musculaires ou des douleurs aux membres. L’ergonomie est bien pensée et, après une courte phase d’apprentissage, on maîtrise assez facilement les nombreuses fonctionnalités offertes par la machine (contrôle de traction, différents mappings moteur et même un tempomat adaptatif).

Hyper fun et rassurante à la fois

Et, comme un enfant un matin de Noël, on met en marche le moteur et on part essayer plein de trucs avec cette machine qui doit nous ouvrir un nouveau champ de possibilités. Le moins que l’on puisse dire c’est que c’est vraiment, vraiment bluffant! La moto est tellement maniable qu’on en oublierait presque qu’elle a trois roues. Elle enchaîne les courbes avec un naturel déconcertant et une stabilité à toute épreuve. Elle permet d’entreprendre des manœuvres que seuls les plus téméraires ou les plus expérimentés oseraient faire en temps normal: des freinages tardifs ou plein angle, des remises de gaz franches dans des conditions qui n’inspirent pas du tout à l’optimisme…  la Niken ne transmet aucun signe qui ferait augmenter le rythme cardiaque du pilote.
Et c’est tout aussi probant au vu des conditions dantesques rencontrées en fin de journée, avec des trombes d’eau qui se déversaient sur les routes tyroliennes (seule alerte ressentie lors d’un aquaplaning à très haute vitesse). La Niken (Ni prononcé Naï pour le chiffre 2, et ken pour sabre, rien à voir avec Barbie) est donc vraiment bien née et sa précision et son agilité sont donc bien celles d’un ninja. Et pour ce qui est du ski carving… eh bien non, désolé. Le sous-signé est pourtant fan de cette discipline et il la pratique. Mais en fait, le pilotage de la Niken s’apparent pour moi plutôt… à la pratique du jet-ski. Eh oui!

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On peut y aller, il y a de la marge.

Puisqu’il est difficile de se mettre en danger au freinage et en courbe, on se rabat sur la remise de gaz pour tenter de se sortir de la zone de confort. C’est précisément là que le vrai fun intervient. On sent la moto qui se met de travers mais avec un contrôle et une linéarité qui invite à en faire d’avantage! Alors on la repousse dans ses derniers retranchements. Et l’on se dit que les freins manquent de puissance lors des freinages les plus mordant, et que le moteur hyper-linéaire et propre sur lui est muselé par les contraintes imposées par la norme Euro 4 en matière de bruit. La base est donc excellente, mais on reste un peu sur notre faim sur ces petits détails qui à la fin du compte rendent une machine incroyable.

L’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne

Les promesses en terme de transmission de confiance et de fun ont été tenues avec mention. A aucun moment de la journée, nous ne nous sommes sentis en danger, ni dans l’ennui de certains modèles trop propres. La moto est un monde impitoyable qui n’échappe pas à la règle regrettable que ce sont les marketeux qui décident de quoi sera fait le marché. L’époque où les mécaniciens rendaient possibles certaines idées qui semblaient irréalisables et farfelues sur le papier semble bien loin.
Sauf qu’avec la Niken, Yamaha a remis l’ingénieur au centre du processus métier avec un modèle qui a déjà bousculé les conventions. Il devrait se faire sa place auprès d’un public pionnier avide de nouvelles sensations. Le chemin qui mène au succès commercial est cependant encore long et sinueux, j’en veux pour preuve la réaction hébétée de ce motard allemand rencontré au sommet d’un col: «Mais c’est pas une moto, ça a trois roues! Pis les pneus tu les as pas payés jusqu’au bout? Peut-être quand j’aurai 70 ans mais pas avant !»

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Le cockpit du dompteur de trois roues inclinables. Il y a une prise 12 V sur le côté gauche.

Le défi qui attend Yamaha est de de taille et il sera primordial de ne pas se tromper de cible. Le défi risque d’être grand auprès des motards expérimentés, la faute aux préjugés ou à la peur du risque… Mais cette nouvelle voie montrée par Yamaha est belle et audacieuse, dans un monde qui a eu tendance à tomber dans la facilité ces dernières années. Elle vaut la peine qu’on lui donne une chance.

La Niken viendra à votre rencontre lors d’un road show européen cet été et devrait être disponible dès l’automne en concession au prix de 17990 frs. Les précommandes sont déjà disponibles sur le site Yamaha.

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