La Honda CB 1000 R et la BMW R 1200 R, la Neo Sport Café se frotte au boxer
Deux modèles de moto dotées d’un moteur puissant, sans être pour autant de l’ordre du superlatif, deux roadsters (deux naked si vous préférez) dont les performances sont plus ou moins comparables sur route – c’est là qu’elles sont censées être utilisées, pas sur circuit. Toutes deux partent d’une base relativement ancienne, et toutes deux se sont mises à la page, notamment en termes d’aides électroniques au pilotage. Voici le comparatif entre la Honda CB 1000 R et la BMW R 1200 R.
La première (lire notre essai en Espagne) est livrée dans une toute nouvelle robe qui reprend les codes du concept Neo Sport Café, présenté par Honda l’an passé au Japon. Une sorte de mix entre références rétro, traits futuristes et design qu’on pourrait qualifier d’intemporel. C’est unique, original, épuré et essentiel.
La seconde reprend l’esthétique si particulière de la moto à moteur boxer, chère à BMW, avec ses deux cylindres qui se projettent sur les côtés en position basse. Mais plus de système de suspension sophistiqué séparant les forces de guidage de celles d’amortissement. Le design de la partie avant de la moto est résolument contemporain, avec une fourche télescopique inversée traditionnelle et un phare à surface convexe et de forme hexagonale. Là aussi, on a un mix du point de vue esthétique, entre rétro et moderne-futuriste.
Mais ces deux motos n’ont visuellement pas grand chose en commun. C’est bien, cela apporte de la diversité culturelle sur la route.
La BMW (lire notre essai) a beau utiliser un moteur à la conception ancienne, elle est à la page côté performances. Le boxer est ici refroidi partiellement par liquide et représente la toute dernière génération de ce twin à la sauce bavaroise, qui vous propose une puissance de pointe de 125 chevaux. Et une vivacité remarquable dans les montées en régime, pour un gros bicylindre. La gestion électronique de l’accélérateur et les modes de pilotage permettent de finement régler le caractère du boxer avec ses deux gros cylindres. Et même la transmission finale par cardan ne provoque plus les à-coups habituels à ce genre de technique. BMW a fait du bon travail, en gommant les aspects désagréables sans pour autant faire disparaître le caractère propre à cette architecture moteur (et transmission).
On a donc encore une sensation de poussée dans le bas du dos quand on ouvre la poignée des gaz en grand à basse vitesse ou carrément à l’arrêt. A bas régime, le couple conséquent du twin allemand opposé est toujours là et bien là. Et on sent presque le souffle du moteur, tout en entendant clairement son grondement harmonique et grave. Les puristes diront que le refroidissement liquide de précision (seulement sur les têtes des cylindres) et le respect des normes anti-pollution Euro 4 ont amputé ce moteur d’une partie de son charme. Perso, je ne le vois pas comme ça. Je pense qu’il a gardé toute sa personnalité tout en gagnant en vivacité et en puissance.
Quand le moteur ne tourne pas et à très basse vitesse, la machine fait par contre son poids (231 kg avec les pleins) s’il faut manoeuvrer. Le centre de gravité est placé assez bas et assez en avant, ce qui est bien pour l’équilibre, mais cela ajoute aussi de l’inertie quand il faut pousser la R 1200 R. Et de même lorsque l’on roule au pas et que l’on veut faire demi-tour.
Dans ce genre d’exercice, la Honda (212 kg) est plus facile, même si elle aussi est un beau bébé, même avec la cure d’amaigrissement que ce modèle a subi dans sa nouvelle mouture. Son quatre-cylindres en ligne est plus classique dans son architecture. Il prend des tours de manière tout aussi rapide, mais offre moins de poussée (moins de couple, en fait) à bas régime. Ce qui est réjouissant, c’est que le premier constructeur mondial ne lui a pas fait do d’un caractère trop linéaire et fade, au contraire. En mode de pilotage Sport, il rugit de sa voix rauque et la poussée s’accentue à mesure que l’on ouvre la poignée des gaz (électronique elle aussi). Curieusement, cette poussé semble connaître un palier, presque une pause, dans la zone entre 7000 et 8000 tours (environ), pour reprendre ensuite et ne plus fléchir jusqu’au limiteur, placé plus haut que pour la BMW. Mais durant ce palier, la moto ne ralentit pas, elle continue à accélérer. On le sent juste un peu moins, de manière moins explosive.
Ce caractère plutôt constrasté est toujours là dans les deux autres modes de pilotage prédéfinis (tous deux moins sportifs), avec des nuances. Le degré de frein moteur change par exemple de manière perceptible, tout comme la rapidité avec laquelle le contrôleur électronique traduit votre impulsion de la main en une plus grande ouverture des papillons et en une montée en régime du moteur. L’antipatinage est bien entendu moins permissif en Rain et en Road qu’en Sport (même chose pour l’ABS).
Ce nouveau moteur est une évolution du précédent, qui dérivait lui-même d’une version du quatre-pattes de la Fireblade (la superbike Honda) adoucie pour la route et avec des rapports de transmission plus courts. Et il a gagné en personnalité, sans toutefois que son caractère soit aussi marqué que celui de la BMW. C’est logique, au fond. D’un autre côté, il est resté plus fluide et plus civilisé que son rival allemand. Et ses performances chiffrées sont meilleures haut dans les tours.
Pour les deux, la bride électronique de sécurité est très efficace. Mais du fait de la répartition des masses assez différentes sur ces deux motos, c’est la Honda qui semble la plus enjouée et dont la roue antérieure a le plus tendance à lever à l’accélération. La japonaise est aussi plus compacte et plus courte, et la R 1200 R est la seule à être équipée d’un amortisseur de direction, tout ceci expliquant aisément cela.
Ergonomie et aspects pratiques, match serré
La selle de la Honda est la plus haute des deux, à 830 mm du sol (contre 790 pour la BMW, en configuration standard). Mais la selle du pilote est assez fine et permet de poser les deux pieds à terre malgré la largeur (relative) du moteur à quatre cylindres. Une fois assis, on apprécie la position du guidon, très naturelle quelle que soit la taille du pilote, et celle des jambes pas trop repliées. On se trouve légèrement penché vers l’avant, en une posture dynamique. On ajoute que le rembourrage de l’assise est correct, sans être sénatorial, et que la béquille (latérale, pas de centrale) est facile à actionner. Enfin les commandes au guidon sont d’une belle simplicité d’usage.
Il y a juste deux bémols à mon sens. Le premier vient du fait que le cerclage chromé du tachymètre piège un peu trop facilement les rayons du soleil venant par derrière, dans le but apparent de vous éblouir. Le second est lié à la petite barre verticale colorée à droite du tableau de bord, qui est paramétrable. Les différentes couleurs peuvent indiquer le mode de pilotage choisi, le besoin de passer au rapport de vitesses supérieur, l’indication du côté plus ou moins économe de votre conduite… c’est paramétrable. Mais pour passer d’une fonction à une autre, il faut réellement se familiariser avec les tréfonds des commandes, ce n’est pas très intuitif. Et puis personnellement, ces flash colorés ont plus tendance à me distraire qu’à me fournir des renseignements utiles à la conduite.
La BMW offre une position de conduite également sportive-décontractée. La finesse de la selle permet là aussi, et encore plus facilement, de poser ses petons à l’arrêt ou lors de manoeuvres. Mais en roulant, les jambes plus pliées que sur la Honda sont un peu moins à l’aise au fil des kilomètres. Rien à critiquer au contraire pour le guidon et les commandes. Tout est très intuitif, très accessible. Le tableau de bord n’est pas d’un grand luxe visuel et ses indications sont parfois un peu menues pour des yeux fatigués. Mais il est complet et s’accommode mieux des rayons de l’astre solaire que celui de la Honda quand lesdits rayons viennent ricocher à sa surface et tentent de semer la confusion dans vos sens.
Aucune des deux motos ne chauffe exagérément dans les embouteillages. Et aucune n’offre une protection contre le vent et la pluie digne de ce nom. Normal, ce sont des naked. Seule la BMW propose un tempomat (en option).
Mais toutes deux sont équipées d’un quickshifter bidirectionnel, en option. De quoi monter ou descendre les rapports sans toucher au levier d’embrayage. Il fonctionne à merveille sur la japonaise, et bien en descendant les rapports sur l’allemande – un peu moins en les montant dans les premiers rapports si le régime du moteur n’est pas suffisamment haut.
Confort en roulant: léger avantage à l’allemande
Pour ce qui est des suspensions et du châssis, le match est presque nul. Ces deux grosses motos se révèlent agiles et sûres. Quand on choisit une trajectoire, elles la suivent avec application et n’en dévient pas si vous ne le leur demandez pas. Et dans les deux cas, il suffit de peu d’effort pour raccourcir le virage ou l’élargir, sans que cela soit aussi immédiat que sur une vraie sportive naked (comme par exemple une Aprilia Tuono). La Honda dispose d’un réglage de base parfait pour les allures normales sur la route, mais qui retransmet parfois un peu trop fidèlement les bosses et les creux dans le train avant. Et si l’on accélère le rythme plus qu’il n’est raisonnable sur de l’asphalte dégradé, on perd en finesse d’amortissement. On pourrait bien sûr corriger cela en changeant le réglage, ce qui est possible à l’avant comme à l’arrière.
Mais dans cet exercice, la BMW a le bénéfice d’un équipement optionnel qui fait grimper l’addition mais qui ajoute un plus en termes de confort. Des suspensions à pilotage électronique semi-actif – agissant donc sur la compression et la détente en temps réel, et de manière automatique. On peut varier la loi d’amortissement sur deux positions, plus ou moins sportive ou confortable. Et l’on peut aussi adapter électroniquement (mais pas automatiquement) la précharge aux paramètres du ride: pilote seul, pilote avec bagages, avec passager, avec passager et bagages.
Côté freinage, il n’y a rien à redire. Tant la CB que la R 1200 sont diablement efficaces. L’on peut ajuster les trajectoires en virage avec le frein arrière, très facilement. Et à l’avant, c’est à la fois précis et puissant. On note que lors d’un ralentissement appuyé, aucune des deux motos ne « plonge » beaucoup vers l’avant. Et que toutes deux restent composées lorsque l’on « chope » les freins fortement en plein virage. La BMW est équipée (en option) d’un ABS dit « de virage ». Cela signifie qu’il empêche la moto de trop vite se redresser quand vous effectuez un freinage d’urgence en pleine inclinaison – même si la limite de perte d’adhérence des pneus est toujours la même. La Honda rétorque avec des feux stop d’urgence, ce qui veut dire que le phare arrière se met à clignoter rapidement si vous effectuez un freinage d’urgence.
On peut pour finir saluer l’agrément de pilotage de ces deux motos et leur style unique. En regrettant pour la Honda l’absence de certains équipements pourtant utiles, même en option, comme la béquille centrale. Et en déplorant pour la BMW le prix de certaines options, qui paraissent vite indispensables une fois que l’on y a goûté!
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