Speed Triple RS, un roadster royal mais bestial
Avec la Speed Triple RS, Triumph a sorti une version haut de gamme du modèle S, déjà fort abouti. Pour quelques milliers de francs supplémentaires, le motard averti se retrouve avec une bête de course, au son envoûtant et à la puissance démoniaque. Mais à l’usage exclusif.
Le constructeur britannique se targue d’avoir développé une Speed Triple entièrement repensée, avec notamment 105 nouveaux composants moteurs, dix chevaux supplémentaires pour une puissance maximale de 150 chevaux et 4% de couple additionnel (110 Nm). Une petite cure d’amaigrissement a également été appliquée à la belle, lui faisant perdre 3 kilos pour passer à 189 kilos à sec. S’y ajoutent des éléments en matériaux haut de gamme comme la fibre de carbone.
Mais que valent ces caractéristiques sur la route et en usage quotidien? Après avoir présenté les nouvelles Speed Triple il y a quelques mois, nous avons mis la version RS à l’épreuve des rues embouteillées de Zurich, du ruban d’asphalte autoroutier et de quelques routes secondaires dont nous avons le secret.
Alors contact – simplifié avec un démarrage sans clé – et gaz pour rouler. Le motard trouve aisément sa position sur ce roadster compact et bas, d’un poids réduit. L’assise est confortable sur la selle surpiquée de coutures rouges du plus bel effet, légèrement penché en avant sans pour autant endolorir les poignets.
L’ergonomie de la bécane est un avantage en ville, mais pas son rayon de braquage, relativement large et qui oblige à bien calculer des demi-tours ou autres manoeuvres. L’autre handicap en agglomération est ironiquement son moteur. Tel un pitbull enragé tenu en laisse, réagissant au premier coup de collier, la RS bondit au plus petit mouvement de la poignée droite. Il faut donc rudement faire attention pour respecter les limitations de vitesse. Dans les zones limitées à 30 km/h, rouler devient même un supplice.
Le moteur puissant, couplé au « drive-by-wire », produit en effet une accélération vigoureuse dès les bas régimes. Pour pouvoir dompter le tricylindre en ville et gagner un peu en souplesse, l’astuce consiste à passer en mode «pluie», l’un des cinq modes de conduite agissant sur la cartographie, l’ABS et l’antipatinage. Côté indéniablement positif, sa gueule de «bad boy», couplée à deux silencieux d’échappement sport Arrow qui font aboyer la machine dès le démarrage, ne la font pas passer inaperçue en ville. Mais mieux vaut filer direction l’autoroute pour aller humer le grand air.
En mode de conduite standard («Road»), la machine file droit sur le ruban de bitume, offrant une protection modérée au pilote. On est bien sur un roadster, sans fioriture et très peu de carénage. Côté pratique, le grand écran TFT couleur offre toutes les informations nécessaires à la conduite avec notamment une jauge à essence bien lisible, des indications sur la température ambiante, l’heure, le rapport engagé et la consommation. Les cinq modes de conduite peuvent être sélectionnés tout en roulant par un joystick situé sur le commodo gauche. A l’instar des autres modèles de la gamme, les commandes sont relativement intuitives une fois assimilées.
Les 1050 cm3 du tricylindre permettent d’enrouler facilement les kilomètres avec une tenue de route extrêmement stable et rassurante. La partie cycle haut de gamme – des éléments Öhlins réglables manuellement à l’avant et l’arrière – couplée à des freins monobloc Brembo et des durites aviation à l’avant sont de premier choix sur de belles routes bien entretenues.
La situation change quelque peu dès que l’on quitte l’autoroute pour s’engager sur les routes sinueuses du canton de Schwyz. Sur route bosselée, la fourche inversée Öhlins NIX30 peut s’avérer trop ferme, en réglage standard. Le motard se trouve bien secoué sur des portions de route rugueuses, gratifiant même le pilote de quelques sauts. Il est donc recommandé de jouer sur la précharge, la détente et la compression pour obtenir une tenue de route plus adaptée à un réseau secondaire plus rugueux.
Mais en taclant les virolos de montagne (sur des routes mieux entretenues), la Speed Triple dévoile toutes ses qualités : le freinage est ultra-puissant mais bien dosable en entrée de courbe, parfaitement secondé par une partie cycle béton. La reprise est puissante en sortie de courbe grâce à un moteur extrêmement réactif, qui relance dès les bas régimes. L’empattement court et les pneus Pirelli Supercorsa permettent d’enrouler quasiment sans effort les nombreux virages.
Quel bilan tire-t-on donc de cette moto? Avec un prix affiché à plus de 17000 francs, le motard en a clairement pour son argent. La qualité de finition, les matériaux et technologies employés en font une machine haut de gamme. L’agressivité du moteur et la partie cycle typée sport sont envoûtantes, mais laissent un bilan plus mitigé.
La Speed Triple RS excelle sur les belles routes sinueuses et propres, où elle exprime pleinement son potentiel agressif et en met plein la vue et l’ouïe au pilote. Mais le manque de souplesse de l’engin en ville ou sur route dégradée rend la conduite plus délicate, même si en choisissant des réglages plus adaptés, on arrive à surpasser ces difficultés. Niveau moteur, un poil de souplesse à bas régime serait certainement bienvenu pour rendre la moto plus agréable au quotidien.
Et à l’heure où la concurrence (Aprilia par exemple avec la Tuono Factory, ou Yamaha avec la MT-10 SP) s’équipe de fourche et d’amortisseur à réglage électronique, ce petit détail peut faire la différence pour certains utilisateurs recherchant une plus grande polyvalence et une simplicité d’utilisation.
Nonobstant ces détails, les chiffres de vente parlent d’eux-mêmes. Depuis sa commercialisation en février 2018, la répartition est de 95% pour la version RS et de seulement 5% pour la version S, nous a indiqué Triumph Suisse.
Commentaires3 commentaires
3 commentaires