La bataille des voyageuses, Multistrada 1260 contre Tiger 1200
Deux baroudeuses routières européennes à l’épreuve du quotidien, des petites routes et des déplacements rapides en Suisse. D’un côté l’italienne agile et puissante, de l’autre la britannique classe polyvalente.
Ce sont les deux maxi-enduros de voyage qui ont eu droit à des modifications conséquentes pour 2018. Nous les avons donc comparées l’une à l’autre, Multistrada 1260 contre Tiger 1200. La première, fleuron de la marque italienne Ducati, est à l’origine une sorte de superbike transformée en trail, avec (dans cette version) des roues de 17 pouces à l’avant et à l’arrière. La seconde utilise un moteur dérivant de la maxi-naked sportive de la marque Triumph, adapté dans une cylindrée plus grande sur un maxi-trail doté d’une roue avant de 19 pouces et avec une transmission à cardan.
Les deux marques nous ont prêté durant près de deux semaines des exemplaires de ces nouvelles moto, à tester sur les routes de Suisse, sans les valises. En version S pour la Ducati, ce qui veut dire avec les suspensions pilotées par électronique et semi-actives, plus l’écran couleur TFT. Et en version XRt pour la Triumph, la plus équipée pour le voyage, nantie de jantes à bâtons.
Notre parcours de test a compris des kilomètres de ville, des voies rapides sur plusieurs centaines de kilomètres, et de petites routes dans le massif du Gantrisch et les parages du Gurnigelpass, dans le canton de Berne.
Dans ce contexte global, toutes deux se sont montrées confortables, avec cependant des assises hautes et une taille imposante. Des deux, la Ducati est la plus facile à manoeuvrer à l’arrêt. Cela tient à son large guidon, à son poids un rien inférieur et à la géométrie générale de la moto, proche de celle d’un supermotard – sans rire.
La Triumph se montre en revanche un peu plus accueillante quand on enquille kilomètre après kilomètre. Elle offre par exemple une meilleure protection contre le vent et la pluie. Et plus d’équipements de série, comme une selle chauffante ou un pare-brise dont on ajuste la hauteur grâce à un petit moteur électrique.
Pour les deux, la prise en main est intuitive. Les tableaux de bord en couleur (Ducati nous a prêté une 1260 S) sont clairs, faciles à comprendre, et regorgent d’informations si on va les chercher. Les commandes sont bien placées. Pour naviguer dans les menus de l’écran comme pour sélectionner tel ou tel réglage de la moto, tout se fait via le comodo gauche, tant sur la Triumph que sur la Ducati. L’anglaise propose une sorte de joystick qui se bouge sur quatre axes, tandis que l’italienne est plus classique et a un basculeur doublé d’un second bouton.
Pléthore d’aides et de gadgets électroniques
Si l’on s’attarde sur les aides électroniques présentes à bord, cela ressemble à un catalogue d’électronique de loisirs, ou presque. On a des modes de pilotage, des contrôles de traction et des ABS paramétrables sensibles à l’angle d’inclinaison de la bécane, des clignotants à rappel automatique … sans oublier des suspensions électroniques semi-actives. Elles s’adaptent en temps réel aux conditions de roulage, et au mode de pilotage choisi. On peut également les ajuster soi-même, avec les boutons du comodo, par exemple pour régler la précharge si l’on emporte des bagages, ou pour obtenir un réglage de base ferme ou souple.
Ces suspensions électroniques, de marques différentes, travaillent bien et lissent les réactions des motos. Malgré les grands débattements de suspension, on a peu la fourche qui plonge au freinage ou la roue arrière qui se tasse à l’accélération. Et bosses et trous sont avalés avec sérénité, même à bonne vitesse.
Côté freins, tout va bien, le mordant nécessaire à une conduite sportive est là si on le cherche, mais on peut aussi faire les choses avec calme, et même le frein arrière de la Ducati est utile – on n’a pas vraiment l’habitude. On peut aussi serrer les disques avant en plein virage sur la Multi comme sur la Tiger sans provoquer de moment de redressement gênant de la moto.
La vraie différence entre cette anglaise et cette italienne se fait au niveau des moteurs et de la position de conduite. En résumé, on dira que la Ducati se montre plus sportive, et la Triumph plus voyageuse et plus souple.
On rappelle que le gros twin en L de la Multistrada 1260 est équipé d’une distribution variable, le système DVT, qui fait que l’angle d’ouverture simultané des soupapes n’est pas fixe mais varie en fonction de divers paramètres. Un moyen pour rendre le gros bicylindre plus souple à bas régime et pour dégager de l’accélération un peu partout, sans amputer la partie haute du compte-tours. Eh bien malgré le DVT, la Multi ne peut pas rivaliser avec la Tiger 1200 en termes de souplesse à bas régime. Le triple anglais est plein et onctueux, il prend des tours comme dans du beurre, sans avoir le côté parfois encore un peu brusque du twin made in Bologne. Il est aussi moins vif bas dans les tours. Si l’on choisit un mode de pilotage doux, ces différences s’estompent, bien sûr.
Il y a aussi la bande son, plus pétaradante sur la Ducati, plus pleine sur la Triumph. On signale au passage pour les connaisseurs de la marque anglaise que les célèbres sifflements mécaniques ont pour ainsi dire disparu. C’est le fruit d’un travail tout en finesse effectué sur la transmission primaire. Travail que l’on retrouve d’ailleurs sur toute la gamme tricylindre, roadsters comme enduros dites de voyage.
Et puis l’assise de la Multistrada semble plus fine et son guidon plus large. On tourne avec moins d’effort qu’aux commandes de la Tiger 1200. La première est plus joueuse et il suffit d’un battement de cil pour conclure une épingle ou faire demi-tour. L’Anglaise est un peu plus posée, même si ce n’est de loin pas une enclume une fois mise en mouvement. Elle paie peut-être aussi le choix d’une roue antérieure de 19 pouces, contre 17 chez sa rivale. Dix-neuf pouces, c’est bien pour l’image de baroudeuse, mais ça l’est moins pour la vivacité. Précisons que nous n’avons pas eu l’outrecuidance de tester ces motos hors asphalte, même si elles en sont toutes deux parfaitement capables et disposent chacune d’un mode de pilotage nommé Enduro, qui désactive partiellement l’ABS et autorise un certain degré de patinage de la roue arrière, avec un réglage de suspensions encore assoupli.
Voici l’avis de notre testeur André Lehmann
« La Tiger donne visuellement une impression de lourdeur, et malgré le gain de poids (près de 11 kg) par rapport au modèle 2017, il faut une certaine force pour manœuvrer la machine moteur éteint, surtout en marche arrière sur un faux-plat. Une fois installé sur la moto, on constate que la hauteur de selle est relativement élevée, même avec une selle en position basse et mes 1,83 m. Donc, il s’agit vraiment d’une bécane pour les grands. Le confort d’assise est optimal, confortable sur les longues distances. Les commandes tombent naturellement sous la main, les informations de l’écran TFT se laissent lire aisément, même par grand soleil. Et la moto dégage l’impression d’une très bonne qualité de finition, autant au niveau de la peinture que des formes bien travaillées et de l’agencement du poste de pilotage.
« En ville, la sensation de lourdeur s’évanouit dès les premiers tours de roue. La moto est bien équilibrée avec une masse bien centrée. Grâce à un moteur souple à bas régime et une commande d’embrayage douce, la moto peut facilement évoluer à 2-3000 tours/minute et avancer dans le trafic dense zurichois, même se faufiler entre les files de voitures. Seuls bémols: le sélecteur est dur et bruyant (mais précis, voir rubrique pour la Ducati) et le moteur chauffe en ville, faisant remonter la chaleur vers les genoux du pilote. »
« Sur autoroute, tout va bien, le moteur est bien assez fourni, la protection est bonne et l’autonomie très raisonnable. On constate cependant quelques turbulences lors de passages d’autres véhicules. »
« Sur les petites routes, la moto se balance facilement dans les virages, secondée par une bonne partie-cycle. Le mode de conduite « virolos » apporte un petit plus, mais la différence n’est pas énorme comparé au mode « route ». Le moteur répond toujours présent et accélère nettement à partir de 7000 tours, tout en étant relativement linéaire (voir rubrique pour Ducati).
« Je n’ai testé la Ducati Multistrada que sur des routes de campagne. L’assise est plus profonde et plus en avant, ce qui permet de manoeuvrer la moto avec facilité dans les virages. La moto semble plus compacte, avec un sélecteur de vitesse et une pédale de freins positionnés plus en avant. La bulle protège bien le haut, mais le bas du corps est plus exposé. Les commandes sont facilement trouvées sur le guidon, bien qu’il faille s’habituer au sélecteur sur le comodo gauche. L’écran TFT est également bien lisible et bien garni en informations.
« Le moteur, lui, est plus rauque dans les bas régimes et plus violent dans les haut régimes, excellent pour attaquer, mais moins agréable pour enrouler tranquillement. Le sélecteur est également bruyant et doté de faux points morts (entre la 3e et la 4e), comme déjà vécu sur d’autres modèles Ducati. Le passage de la 1e demande un certain temps d’adaptation.
« Les deux motos représentent le haut de gamme de l’enduro voyageur, mais avec des styles différents. Alors que la Tiger est plus homogène dans l’ensemble des situations testées, la Multistrada semble plus typée «arsouille». Les deux engins fourmillent d’aides électroniques et de gadgets comme les sièges chauffant pour la Tiger et la connexion Bluetooth sur la Multistrada. Ces bécanes sont certainement taillées pour l’aventure, mais pour les aventuriers soucieux de leur confort. »
Bravo, jolie article
Amitié, Pierrot (Bourguet Motos SA)
De même. Tu as déménagé? Si oui, faut qu’on en parle sur actumoto.ch et dans Moto Sport Suisse! Contacte-moi quand tu as une minute, par exemple à jerome.ducret@galledia.ch
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