Triumph Scrambler 1200 contre BMW R NineT Scrambler
Le nouveau Scrambler de Triumph est une moto d’un grand raffinement, compétente sur route comme dans le terrain. La version Scrambler de la BMW R NineT est une machine nettement plus simple et moins adaptée à l’offroad, mais pas moins fun.
D’un côté le tout nouveau Triumph Scrambler 1200, prêté par Triumph Suisse. Et de l’autre une valeur sûre allemande, la BMW R NineT Scrambler. Toutes deux sont officiellement des scramblers, ce qui veut dire une machine de route transformée pour pouvoir se débrouiller en tout-terrain. L’appellation est historique et remonte aux années 50′-60′, à une époque où les motos de cross et d’enduro n’existaient pas encore vraiment pour le public.
Toutes deux sont aussi des néo-rétro, des « Classic », un rappel du passé avec un contenu technique moderne. Et toutes deux sont propulsées par un gros bicylindre de quelque 1200 centimètres cubes. Les similitudes s’arrêtent là.
La Triumph est un nouveau modèle apparu en 2019, dans deux versions, la XE, que nous avons pu tester, et la XC, qui est un peu moins haute, un peu moins chère et un peu moins équipée, notamment pour le tout-terrain. Son coeur est une version du twin en ligne refroidi par liquide qui équipe déjà la Thruxton 1200 et la toute récente Speed Twin. Il a été conçu pour délivrer une bonne accélération dès l’ouverture des gaz, pas pour hurler tout en haut du compte-tours. Et s’il grimpe plus rapidement en régime que la version que l’on trouve dans la Bobber et la Bonneville T120, il est surtout fait pour vous catapulter en avant à bas et mi-régimes. Ce qu’il fait avec brio, merci.
La partie-cycle de cette très chic anglaise est composée de grandes roues à rayons (21 pouces à l’avant!), par ailleurs plutôt étroites, de suspensions aux débattements conséquents (plus de 200 mm pour la XE, 200 pour la XC) et de qualité, et de freins top de gamme à l’avant. La selle est haute, la position de conduite redressée, et l’échappement court sur tout le flanc droite tout près de la selle. Les pneus sont de type mixte, avec des plaques plutôt que des crampons.
La R NineT Scrambler est sur le marché depuis déjà quelques années (2016). Il s’agit d’une version « scramblérisée » du roadster néo-rétro de BMW, avec le gros moteur boxer (cylindres couchés et opposés sortant de chaque côté de la moto) de quasi 1200 cm3 refroidi par air et huile. Ce qui veut dire que la machine est un peu plus haute que la R NineT standard, qu’elle arbore une roue avant de 19 pouces, une selle assez plate et pas le moindre chichi électronique de série, à part: l’injection (tout de même) et un ABS déconnectable. Si l’on puise dans les – nombreuses – options, on trouvera encore un contrôle de traction assez simple et désactivable lui aussi.
Les freins sont eux aussi de très bonne facture, mais les suspensions sont plus basiques que sur la Triumph. On peut avoir des jantes à rayon contre un petit surcoût (480 frs), et des pneus à crampons au sortir de l’usine, gratis. Fait commun à tous les moteurs boxer de la marque, la transmission finale passe par un cardan, contrairement à la Triumph qui se sert d’une chaîne. Et l’on a un magnifique échappement double relevé sur le côté gauche, spécifique au Scrambler. Pour la précision, sachez que la R NineT existe aussi dans une version appelée Urban G/S qui s’inspire visuellement des anciens trails de la marque. Avec la même taille pour les jantes que le Scrambler, mais avec un petit saute-vent boulonné, un échappement plus simple et des couleurs spécifiques.
Elles impressionnent visuellement
Voici les impressions visuelles de Didier Martin, président du MotoClub du Milieu du Monde, club qui organise l’Orny Ring (Flat Track) chaque mois d’août dans le canton de Vaud. Il fait pas mal de kilomètres par année, et en connaît un bout côté trails et tout-terrain. Il a pu tester les deux machines.
« Ces deux motos sont magnifiques avec leurs jantes à rayons et leurs pneus mi-offroad. Elles trouveront chacune leurs fans. La Triumph, avec son côté haut-perché et son petit pare-boue avant, attire l’œil. Elle impressionne par sa hauteur mais tu es tout de suite attiré par son esthétique: son superbe réservoir bicolore et la lamelle inox qui passe dessus pour le tenir, ses deux amortisseurs arrières imposants et son pot d’échappement en position haute qui ne manque pas de tenir bien chaud à la jambe droite. »
« Les finitions sont très soignées sur les deux motos : esthétiquement la BMW donne l’impression d’être plus trapue avec son style plus roadster, elle impressionne avec ses pièces usinées dans la masse (en option) qui lui amènent un style plus moderne avec une précision sans faute. »
Nous redonnerons la parole un peu plus tard à notre nouveau testeur. En attendant, parlons des différences ressenties dès lors que l’on monte en selle.
Un trail contre un roadster
La première différence réside dans la position du pilote. Un peu appuyé vers l’avant sur la BMW, bien droit sur la Triumph. La première est nettement plus basse que la seconde et son guidon est pensé pour la route, par pour laisser son pilote folâtrer debout sur des petits chemins. Les genoux ont bien plus d’espace sur l’anglaise que sur l’allemande, mais il y a aussi moins de poids sur l’avant et un style de pilotage par conséquent automatiquement moins actif.
On précise encore une fois que la version XE du Scrambler Triumph est celle qui est la plus haute. Le sous-signé, mesurant 1m70, doit se hisser avec une certaine prudence sur la selle – heureusement pas trop large – de la Triumph. Heureusement aussi, la béquille est longue et la moto est bien équilibrée.
Simple versus sophistiquée
Prendre place sur le Scrambler BMW est nettement plus facile. Le centre de gravité est plus bas, du fait des deux gros cylindres qui sortent à gauche et à droite. Et démarrer la bécane est plus simple qu’avec l’anglaise. On met la clé, on tourne, on pousse le bouton, c’est tout. La Triumph XE offre le luxe d’une clé sans contact. Du coup, il faut pousser deux-trois fois sur le bouton-basculeur qui se trouve sur le commodo droite, la première pour allumer le joli écran couleur entièrement digital et rond, la seconde pour activer la pompe à essence et la troisième pour faire démarrer le gros bicylindre en ligne refroidi partiellement par liquide.
Mais on a beaucoup plus d’informations à l’arrêt comme en roulant sur le Scrambler anglais. Il y a des modes de pilotage, on peut choisir entre différents types d’affichage, il y a une jauge à essence, l’heure, les trips et l’odomètre, un indicateur de rapport de vitesses engagé, le régime du moteur… et bientôt aussi la possibilité de connecter un smartphone (une option payante) et d’utiliser le tableau de bord de la moto pour savoir le titre du morceau de musique qu’on écoute, qui appelle, ou la direction à prendre au prochain rond-point.
Rien de tout cela ou presque sur la BMW. La vitesse est affichée par une aiguille mécanique tournant sur un cadran, et une petite fenêtre digitale à cristaux liquides permet de voir combien de kilomètres ont été parcourus (on a des partiels), l’heure qu’il est, la température du moteur… mais pas son régime de rotation. On a par contre (comme sur la Triumph) des indicateurs de direction qui s’éteignent tout seuls au bout d’un moment.
Juste un chouïa de motocross
Qui dit scrambler dit terre. Nous sommes donc allés poser nos pneus sur un terrain de motocross. Terrain provisoire, aménagé pour une manche du championnat romand Angora. Les organisateurs ont accepté de nous laisser rouler quelques heures sur ce terrain, à Belmont-sur-Yverdon, et nous les en remercions chaleureusement. Voici derechef l’avis de Didier Martin.
« Scrambler ….. ça veut dire que tu peux aussi aller chatouiller la poignée hors asphalte. Oui, oui: offroad! Du coup j’ai essayé. Ayant l’habitude de maltraiter ma Super Ténéré de 1989 sur les pistes, je ne me suis pas trop posé de questions. »
« J’ai commencé avec la BMW. Tout de suite, ses origines de roadster ont pris le dessus : la moto s’en sort sur un joli petit chemin où il n’y a pas trop de bosses. Les pneus Metzeler (plutôt off-road) ont un bon grip sur le sec, mais les suspensions arrivent vite à leurs limites. Mais avant tout, la moto n’est pas faite pour se tenir debout! Le guidon est trop bas et les cale-pieds sont trop petits pour évoluer confortablement et longtemps dans cette position. »
« La Triumph de son côté se sent plutôt bien dans cet environnement off-road. Avec ses grands débattements, sa roue avant de 21 pouces, ses cale-pieds larges et surtout une position digne d’un trail, elle passe partout. Seuls ses pneus Metzeler (plutôt typés route) seront limitants. Dans les passages techniques, le placement de l’échappement haut sur la droite de la moto gêne au moment de mettre de l’appui avec le genou. Néanmoins, la Triumph permettra de belles excursions offroad. »
Le soussigné, qui est nettement moins expert en tout-terrain, confirme. C’est plus naturel avec la Triumph, la position est excellente et les suspensions absorbent pas mal de choses si on reste dans un rythme pépère. Mais il faut avoir une certaine dose de confiance pour balancer les plus de 200 kilos du Scrambler 1200 dans le terrain. Et les pneus, qui n’ont pas de vrais crampons, n’ont pas un grip énorme. Il est bien sûr possible d’équiper la machine avec des gommes à tétines.
Idéales pour la campagne
Mais pour ces deux machines, l’utilisation prépondérante se fera sur route. On précise que le moteur de la BMW est un peu plus puissant (110 ch à 7750 tr/min) que celui de l’anglaise (90 ch à 7400 tr/min), mais que tous deux sont bourrés de couple. Celui-ci déboule dès les premiers tours. Et le bicylindre anglais est partiellement refroidi par liquide, grâce à un radiateur peu visible et bien intégré.
Là aussi, je laisse la parole à Didier Martin
« Avec une mécanique souple, la Triumph est très facile à prendre en main. Elle offre une position relax et incite à la promenade. Le moteur reprend bien à bas régimes et en ville elle se faufile assez bien. Son guidon passe au-dessus des rétroviseurs des voitures et grâce à son bon rayon de braquage, il est facile de se placer dans la circulation. Il n’y aura que l’échappement qui est parfois gênant du fait qu’il chauffe malgré tout la jambe droite. »
« La conduite en ville de la BMW est également agréable. Elle aussi bénéficie d’une mécanique souple et agréable pour évoluer dans cet environnement. Cependant, le boxer étant plus large et le rayon de braquage moins bon, elle est un peu moins agile dans la circulation dense. Globalement, elle s’en sort très bien grâce à sa selle plus basse qui permet de bien poser le pied au sol. »
« Une fois sortie du milieu urbain, la BMW, avec son moteur plus rempli et un peu plus puissant, est sur son terrain de jeu favori. En campagne ou dans des cols, malgré une petite peine à entrer en courbe due à son train avant et ses pneu off-road, elle se laisse emmener avec douceur sur un rythme très agréable. Tout est simple: la boîte est précise, les freins bien assez puissants, l’amortisseur assez ferme et la sonorité t’envoûte au fil des kilomètres. En conduite plus « énervée », le train avant est un peu pataud et demande quelque effort sur les changements d’angle rapides. Mais une fois en courbe, la rigueur du châssis est imperturbable. Seuls les pneus mettront une limite, qui est heureusement rattrapée par l’électronique (le contrôle de traction), ce qui permet de rouler à une allure déjà bien soutenue en toute sécurité. »
« La Triumph quant à elle vous donne l’impression de rouler un gros trail mais sans protection. Avec ses suspensions assez souples, elle est très confortable. Seule la selle un peu dure se fera sentir sur les longues étapes. Elle passe d’une courbe à l’autre avec facilité et te donne envie d’aller juste encore un peu plus loin avant de faire une pause. Quand le rythme augmente, la partie-cycle de la Triumph est plus souple que celle de la BMW et elle est du coup un peu moins stable en courbe. De plus les cale-pieds viendront freiner tes envies de grosse attaque, ce que l’on peut sûrement améliorer avec un réglage des suspensions. »
« Bon comme il fallait bien le faire, je me suis fendu d’un petit tour sur l’autoroute… pffff… ! Nos deux machines ont ce qu’il faut dans le moteur pour tenir une vitesse de croisière dans ces conditions, et s’il faut accélérer pour un dépassement, elles ont bien assez de puissance et de couple. Mais ce n’est pas là qu’elles aiment être et toi non plus. Tu prends tout dans la gueule, comme il y a zéro protection! La BMW s’en sort un peu mieux avec sa position un peu sur l’avant, mais ce n’est pas très jouasse comme exercice. »
Ce à quoi j’ajouterais qu’une des petites joies simples qu’offre la BMW R NineT dans toutes ses versions est le couple de renversement, perceptible à l’arrêt quand on donne un coup de gaz. On sent la moto qui pivote légèrement vers la gauche. Ca s’appelle du caractère, ça, Monsieur! Bon, ce n’est pas gênant en roulant, l’inertie gyroscopique prenant l’ascendant sur ce petit mouvement latéral. On sent aussi très bien le cardan, quand on embraye à nouveau après avoir passé un rapport et que l’on n’est pas pile poil dans le bon régime. C’est comme un petit à-coup de transmission, et ce n’est pas toujours agréable. En contre-partie, pas de travail de maintenance à effectuer, ou alors à intervalles bien plus grands que sur la concurrente.
Les deux machines sont saines, stables et freinent très bien. La BMW demande un temps d’habituation en raison principalement de ses pneus à crampons. Quand on initie le virage, on a la sensation que la moto plonge un peu vite, et puis elle se stabilise du fait de la force centrifuge. La Triumph est plus « normale ».
Encore quelques petits détails
On mentionne encore en passant deux particularités de ces motos. La Triumph, on l’a dit, dans sa version XE, est livrée avec une clé sans contact. Si l’on veut bloquer le guidon ou ouvrir le réservoir d’essence, il faudra sortir la clé « avec contact » qui est pliée dans le transpondeur. Et puis l’afficheur est certes très joli, personnalisable, et tout ça, mais il n’est pas toujours très lisible, même au maximum de sa luminosité.
Nous n’avons pas non plus pu tester la fameuse connectivité annoncée par Triumph pour tous ses modèles à écran couleur (technique TFT). Aux dernières nouvelles, c’est encore pour cet automne. Le rappel automatique des clignotants est une fonction utile sur le Scrambler britannique, et qui fonctionne correctement. Il attend que vous ayiez tourné et/ou bougé avant de désactiver les indicateurs. Notez aussi les protège-mains de série.
Nous n’avons pas pu essayer la version XC de la Triumph, qui est plus basse, mais aussi un peu moins luxueuse dans son équipement. Elle conviendra peut-être plus à certains motards et motardes.
La BMW, elle, était équipée de coûteuses options esthétiques, regroupées sous le vocable « Option 719 ». On aurait apprécié d’avoir une fourche réglable, comme sur la R NineT de base. Mais cette simplicité va sans doute de pair dans l’esprit de BMW avec la philosophie du scrambler. Et on aurait aussi aimé un amortisseur de direction (utile, ça, on ne le conteste pas) un peu plus discret. En roulant, il gâche à notre sens un peu l’expérience visuelle, par sa présence protubérante à droite de la colonne de direction.
Et pour finir, on se dira qu’il aurait été plus logique, pour ce test, d’avoir le Scrambler Triumph avec de véritables pneus à crampons, et la R NineT Scrambler avec des gommes plus routières. Mais toujours avec les jantes à rayons, notez bien!
Côté prix, la BMW est moins chère (14100 francs). Si l’on ne compte pas les pièces spéciales comprise dans l’Option 719, on arrive à 15180 francs avec l’antipatinage, de petits clignotants, l’anti-vol et les roues à rayons croisés. La Triumph, en version XC, est à partir de 16140 francs. Mais elle est nettement mieux équipée (modes de pilotage, suspensions réglables, clé sans contact, sabot moteur, protège-mains, etc).
L’ajout de la ligne d’échappement Arrow présente sur notre moto de test renchérit le tout d’un peu plus de 1400 francs. Si l’on compte le kit d’inspiration dit Extreme qui équipait notre moto, et dont font partie les pots Arrow, cela fait bien 2845 francs de plus. Le Scrambler XC, lui, dont les spécifications correspondent plus au Scrambler BMW (mais avec toujours pas mal d’équipements en plus) est à partir de 15040 francs.
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