La nouvelle Yamaha R1 passe l’écueil Euro 5 avec maestria
Nous voici à Jerez de la Frontera en Espagne, pour tester sur circuit cette fantastique machine qu’est la Yamaha R1. Alors que le modèle précédent reste au top des Hypersport actuelles, Yamaha a voulu frapper fort en proposant une des premières motos de 200 chevaux compatible avec les normes anti-pollution (et anti-bruit) européennes dites Euro 5. Sans perdre en puissance, donc, selon la fiche technique.
Mais la refonte va bien au-delà des normes anti-pollution. Il y a d’abord un lifting esthétique. Une face avant totalement revue, pour une pénétration dans l’air allégée de 5%. Et ce n’est pas rien quand on roule vite. Mais pour ce qui est du look, Yamaha dit avoir voulu se rapprocher encore plus de l’aspect extrêmement sportif de sa grande sœur, la Yamaha M1 de MotoGP. Et donner à la Yamaha R1 2020 un air encore plus méchant. Les nouveaux phares LED ont été comme «liftés», pour rendre le visage de la moto encore plus agressif et racé.
Le reste des nouveautés touche le moteur, surtout, les suspensions et le freinage, un peu, et l’électronique. Procédons par odre. Le quatre-cylindres dit « CP4 » a toujours un fonctionnement dit Crossplane. Ce qui veut dire que les coups d’allumage sont espacés de telle manière qu’ils sont répartis sur une rotation du vilebrequin, et pas groupés par deux. Cela donne en théorie moins de forces parasites venant brouiller la transmission de la force brute du moteur à la roue arrière. Plus qu’en théorie, d’ailleurs: couplée à des aides électroniques performantes, cette caractéristique fait que la Yamaha R1, telle qu’elle a été remodelée en 2015, est une moto qui accélère fort et bien (lire notre test).
Après quelques tours sur la piste de Jerez, le premier constat arrive. On se trouve bien sur une Yamaha R1, ce moteur coupleux et cette douce musique rauque qui font l’identité de ce 4-cylindres issu de la technologie du MotoGP sont restés les mêmes malgré les 4 catalyseurs contenu dans le nouvel échappement Euro 5. Il y a aussi cette sensation de ne faire qu’un avec ce châssis à la fois rigide et précis. Si vous voulez aller à l’essentiel, vous pouvez aussi regarder le petit compte-rendu résumé en vidéo de ce test sur notre chaîne YouTube.
L’absence de jeu dans la poignée des gaz demande un certain temps d’adaptation, on a l’impression d’avoir le pneu arrière dans la main droite et d’en faire ce que l’on veut, une caractéristique très appréciée sur l’ancien modèle et qui là est accentuée pour ce nouveau système entièrement sans câble.
Du point de vue du moteur je ne perçois aucune différence de performance. Malgré Euro 5, on a réussi à garder le même caractère et la puissance moteur que le modèle précédent.
La deuxième chose qui impressionne est la qualité du freinage, les nouvelles plaquettes de freins conférant une puissance parfaite pour le circuit. Nous reviendrons plus loin sur le fonctionnement de l’ABS.
Moins de turbulences
Ergonomiquement, la position du pilote reste la même que celle de l’ancien modèle (certains reprocheront les demi-guidons un peu trop serrés, mais avec ma petite taille je me sens à l’aise). Cependant le nouveau carénage de la Yamaha R1 apporte un vrai plus au confort du pilote et permet de complètement se cacher en ligne droite. Il épouse parfaitement la forme de mon casque, aucune turbulence ne gêne, et ce même à plus de 280 km/h!
Les pneus Bridgestone RS11 octroient un très bon grip, on se sent tout de suite à l’aise avec, et ils donnent un bon retour. Au fil des séances, ils surchaufferont un peu plus que des slick, ce qui accentuera l’usure et fera un peu glisser l’arrière, cependant l’avant reste parfait.
La suspension avant de cette Yamaha R1 2020, quant à elle (réglée la vieille par les pilotes de Superbike), offre un vrai support au freinage et l’entrée en virage se fait comme sur un rail; elle est encore plus précise que sur le modèle précédent! L’amélioration effectuée dans les pistons est bénéfique pour une utilisation sur circuit, mais à notre avis aussi sur route. Cela donne un excellent feedback.
L’électronique de la Yamaha R1 évolue
Venons en à l’électronique. Le dashboard TFT en couleur est très épuré et clair. On y voit les réglages de toutes les aides électroniques au pilotage disponibles, et l’on peut y customiser jusqu’à quatre modes de pilotage en réglant le degré d’intervention des différentes aides et les caractéristiques fines du moteur: anti-patinage, ABS, courbe de puissance et de couple (modes de pilotage), contrôle de glisse latérale, Launch Control (ou comment réaliser des départs arrêté canons), contrôle de « Lift » (autrement dit, du soulèvement de la roue avant), quickshifter bidirectionnel (il est actif ou pas, en montant et/ou en descendant les rapports) … et contrôle du frein moteur.
Cette nouvelle fonction de réglage du frein moteur est intéressante. Sur le niveau 1, le niveau standard comme sur les anciennes R1, on a énormément de frein moteur, et pour les virages à négocier en 1ère, le «Sideway» en entrée de virage est très prononcé et m’a fait quelques fois rater le point de corde.
Le niveau 2 change peu, procurant juste un peu moins d’effet «Sideway». Mais le niveau 3 apporte une énorme différence par rapport au réglage d’origine, en diminuant beaucoup le frein moteur, ce qui m’a permis de négocier très facilement les virages en première vitesse (la démultiplication d’origine tire très long), mais par contre me forçait à garder plus de pression de freinage jusqu’au point de corde.
ABS pénible à la limite et à la longue
L’ABS est en fait le point négatif de cette machine: Jerez de la Frontera comporte quelques gros freinages, notamment celui du virage 6, bien connu pour les beaux dépassements qu’y effectuent les pilotes lors des courses MotoGP. Pour y ralentir et freiner le plus tard possible, il faut aller taper dans l’ABS et serrer le levier très fort, jusqu’à se battre contre sa moto, puisque l’ABS refuse cette force prononcée que vous lui infligez.
Cela crée une réaction en chaine et vous vous retrouvez avec une forte palpitation dans les doigts, ceci résultant en un échauffement du liquide de frein, mais aussi du système dans son entier, et puis c’est la garde du levier qui en prend un coup. Heureusement, on peut alors ajuster cette garde, mais seulement jusqu’à une certaine limite, et cela nécessite les deux mains, donc est uniquement possible à l’arrêt… Une fois le levier réglé sur la position la plus éloignée, l’enfer continue et au fil des tours et de la journée le système surchauffe tellement qu’à certain endroit j’avais le levier qui arrivait presque en bout de course sans que j’arrive à freiner comme je le voulais.
Quand on sait que d’autre marques (Aprilia ou BMW, par exemple) ont des ABS réglables en mode Racing ou encore entièrement désactivables, on se demande pourquoi Yamaha n’équipe pas ses R1 2020 d’un tel système, surtout lorsque la marque dit vouloir se rapprocher au maximum de l’ADN du MotoGP et sa M1. Ce problème-là était déjà présent sur les modèles précédents.
Cependant, il faut redonner de justes proportions à ce défaut, aussi présent sur la R1M, car sur route on ne le remarquera jamais. Il ne peut gêner qu’en utilisation intensive sur circuit, avec un pilote expérimenté aux commandes. D’ailleurs mes collègues journalistes n’exerçaient pas autant de pression que moi, et n’avaient pas ce problème. Donc si vous roulez à un niveau élevé, prenez note que pour votre utilisation sur circuit, il vous faudra enlever l’ABS.
La R1M, toujours des suspensions au top
Dès les premiers tours, on sent directement la stabilité accrue que confèrent les suspensions Öhlins au châssis de la R1M. La moto bénéficie d’un excellent support lors des phases de freinage fort en ligne droite. Une fois sur l’angle, la M est comme sur un rail et se laisse guider comme bon nous semble.
L’amortisseur TTX36 fonctionne harmonieusement avec l’avant et le transfert sur l’arrière lors des phases d’accélération est absolument parfait. Même lors des changements d’angle, la moto est très vive et se rapproche encore plus d’une moto de course. Les suspensions actives en temps réel fonctionnent très bien elles aussi, à tel point qu’il est quasiment impossible de sentir une différence d’un virage à l’autre. La moto nous offre à chaque fois une adhérence maximale.
En plus, les slick apportent une tenue de route (de piste!) absolument incroyable, et la moto ne demande qu’à prendre chaque courbe de plus en plus vite avec de plus en plus d’angle. Dès que l’on a pris le rythme et roulé une dizaine de tours, on s’amuse et l’on fait tourner la moto sur le pneu arrière en «slidant» en sortie de virage, un régal!
Un autre régal, ce fut la possibilité de rouler avec deux grands pilotes qui roulent sur des R1 en version Superbike dans le team officiel: Alex Lowes (numéro 22) et Michael Van Der Mark (numéro 60). A eux deux, ils ont décroché plusieurs podiums cette saison – mais pas encore de victoire.
On ne sait pas encore avec précision où Alex roulera l’an prochain, mais on sait par contre que Michael continuera à dompter sa R1 officielle en 2020.
Voici le commentaire de Van Der Mark, dont on rappelle qu’il est actuellement quatrième du championnat mondial Superbike, sur ces nouvelles Yamaha R1 et R1M: «Tout de suite je me suis senti à l’aise à son guidon, elle est incroyable de facilité, hier je l’ai essayé et je me suis dis WOW! Elle est plus facile à rouler que ma R1 de SBK».
Et encore: «Elle est vraiment impressionnante et très agile dans les virages, pour moi c’est une MotoGP d’il y a 10 ans.» Ce qui est en fait un sacré compliment pour une machine produite en grande série et pour le plus grand nombre.
Pour ceux qui en veulent encore plus, il existe aussi une version encore plus orientée compétition, la R1 GYTR. Ce qui fait référence au programme d’accessoires et de modifications dit « Genuine Yamaha Technology for Racing ». Autrement dit, dédié spécifiquement à la compétition. Mais pas réservé aux pilotes professionnels.
Cela inclut des échappements spéciaux, des suspensions spéciales, des commandes spéciales (notamment les repose-pieds et les leviers de frein et d’embrayage), et ainsi de suite.
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