Triumph Rocket 3: (très) gros biceps et bon jeu de jambes
Les nouvelles Rocket 3 R et Rocket 3 GT ne sont pas seulement les motos ayant le plus gros moteur produit en série. Elles sont aussi des « bombes tranquilles » qui vont combler n’importe quel (quelle) pilote, maniables sur la route (moins à l’arrêt), sûres et même confortables.
La nouvelle Triumph Rocket 3, c’est une moto qui est un peu comme un boxeur, catégorie poids lourd, un bon. De (très) gros biceps, soit le plus gros moteur jamais produit en série, et un bon jeu de jambes. C’est-à-dire une partie-cycle agile malgré la masse de la machine, qui pèse un peu plus de 300 kilos avec les pleins.
La nouvelle Triumph Rocket 3, c’est aussi une toute nouvelle interprétation d’une moto qui a déjà porté ce nom dans la gamme du constructeur anglais, de 2004 à 2014, avec une légère différence d’écriture: Rocket III au lieu de Rocket 3. L’idée de base était similaire: un très gros moteur tricylindre en ligne (2300 cm3) et une présence imposante.
La nouvelle Triumph Rocket 3, que nous avons pu essayer durant une journée entière sur les routes de l’île de Ténériffe, dans l’archipel des Canaries, reprend l’idée et la développe. On a donc un triple en ligne qui fait désormais près de 2500 cm3, ce qui est énorme. Et une partie-cycle relativement agile, on l’a dit, et une moto globalement nettement moins lourde que la Rocket III première du nom. Avec en prime tout un bouquet d’aides électroniques au pilotage et de fonctions sophistiquées qui font que c’est une moto moderne. La nouvelle machine est disponible en deux sous-variantes: la R, plus sportive, et la GT, plus orientée touring.
L’intérêt de ce moteur colossal, c’est bien sûr le couple. Ou la sensation qu’avec un minimum d’effort, comprenez un régime de rotation du moteur assez bas, on obtient des accélérations phénoménales quand on tourne la poignée des gaz. De ce côté-là, le pilote de la nouvelle Rocket 3 n’est pas déçu.
Déjà sur les premiers mètres, entre l’entrée de l’hôtel et celle de la route côtière, on est littéralement collé au siège, dont on comprend pourquoi il a cette forme de cuvette. Ce qui a aussi l’avantage d’avoir une assise basse qui permettra à presque tout le monde de bien poser l’entier des deux pieds par terre à l’arrêt. Mais pour revenir à l’accélération, elle est fantastique, mais pas (trop) brutale. C’est comme un vague irrésistible, une masse de rocher qui se met en mouvement, un poing colossal mais à l’extérieur doux et prévenant. Une sorte de paradoxe, qui tient probablement à la masse de la Rocket, à la bonne gestion de la transmission, de l’injection et de l’accélérateur électronique. Et bien sûr aussi à la présence d’un anti-patinage sophistiqué qui gère l’arrivée de cette montagne de couple: 221 Nm à seulement 4000 tr/min. Et déjà plus de 200 Nm dès 2500 tr/min, ce qui est un record dans le monde de la moto. Même la dernière Zero SR/F électrique, une référence pour ce qui est de l’accélération, ne délivre pas autant de couple (il est vrai par contre qu’elle est plus légère).
Ce qui est éminemment cool, c’est que l’expérience de conduite ne se limite pas à une poussée dans le dos, aussi velue soit-elle. Il y a aussi des vocalises qui l’accompagnent, et qui font se dresser les poils sur les bras. Un son grave où l’on perçoit distinctement le battement rapide d’un très gros coeur. Et qui se fait rageur quand on insiste avec la poignée des gaz. Parce que la poussée continue après 4000 tour par minute, et ne baisse presque pas jusqu’à pas loin de 7000 révolutions.
Autant dire que l’angoisse de rejoindre ses amis qui sont devant et qui ont pu dépasser le bus de touristes sur la petite route de montagne n’existe pas. On attend le premier bout droit, on tourne la poignée – après s’être assuré que ce qui se trouve de l’autre côté de la route est suffisamment loin – et on fait un bond de géant en avant, en se rapprochant significativement du phare arrière de l’ami motocycliste le plus proche devant soi. Même si celui-ci a aussi entre les mains une Rocket 3. Parce que les bouts droits ne sont pas infinis sur la route, et qu’il devra bien ralentir à un moment ou un autre avant d’aborder le prochain virage.
Le premier rapport est relativement court, et l’on roulera souvent en troisième ou quatrième. Le passage des rapports est étonnamment facile pour un tel monstre. Triumph a livré une boîte de vitesses de type hélicoïdal, qui assure une grande précision dans l’imbrication de ses composants. Cela se sent, et c’est un plus. Elle est douce et précise, et l’embrayage hydraulique et assisté demande très, très peu d’effort de la part du pilote. On peut d’ailleurs régler l’écartement du levier.
On signale au passage que la puissance maximale à disposition (167 chevaux) est elle aussi considérable, même si elle fait moins parler d’elle que le couple.
Les quatre modes de pilotage disponibles, changeables en quelques manipulations du petit joystick placé sur la partie gauche du guidon, font une différence. Le mode Rain est très doux, le mode Road l’est un peu moins, et le mode Sport est très réactif. Mais aucun n’est brutal, grâce au calibrage des courbes de puissance et de couple et des autres aides électroniques au pilotage, antipatinage et ABS en première ligne. Une centrale de mesures inertielle est au coeur de toute cette électronique, ce qui la rend subtile et pertinente dans ses interventions. Si l’on coupe le contrôle de traction (on ne peut pas le faire pour l’ABS, réglementation Euro 5 oblige), on mesure cette pertinence, en faisant déraper le pneu arrière à chaque fois que l’on ouvre un peu rapidement la poignée des gaz dans les modes Road et Sport. C’est fun, mais conseillable seulement si l’on sait ce que l’on fait. Le quatrième mode de pilotage est entièrement configurable.
Un monstre agile
A l’arrêt, il faut faire preuve de prudence en déplaçant ce monstre, qui pèse son poids. Mais dès que l’on relâche l’embrayage, son caractère change du tout au tout. La Rocket 3 devient presque une ballerine. Presque, car elle est un peu moins vive qu’une sportive pure souche, et c’est normal. Mais elle se laisse balancer de gauche à droite avec une facilité que l’on ne devrait pas ressentir pour une machine de cette taille et de ce poids. Qui plus est avec un tel empattement et un pneu arrière d’une telle grandeur (240). C’est un peu semblable à ce qui se passe quand on monte à bord d’un Ducati Diavel (lire notre essai), mais à une échelle encore plus surprenante, car la Rocket est plus lourde et son moteur est nettement plus gros.
L’expérience est un peu différente selon que l’on choisit la Triumph Rocket 3 R ou la Rocket 3 GT. On est assis sur la première comme sur certains roadsters, avec les jambes à angle droit et le guidon qui vous demande de légèrement vous pencher en avant pour diriger la moto. C’est une position plutôt active. Ca tombe bien, notre guide du jour adopte un bon rythme, et nous pouvons à loisir accélérer, freiner et prendre de l’angle.
Sur la GT, la selle est un peu plus basse, mais aussi plus rembourrée, les pieds sont en avant, comme sur un cruiser, et le guidon est recourbé vers l’arrière. Cela devrait induire un style de pilotage plus décontracté. Et la plupart du temps c’est ce qui se passe. On choisit un rapport de vitesses plus grand et l’on adopte une conduite plus fluide. En se fatigant moins. Mais la vitesse est en fait à peu près la même, grâce à ce moteur colossal.
La fourche inversée et l’amortisseur arrière sont de qualité et sont réglables. Ils accompagnent la moto et son pilote sur les revêtements dégradés à basse vitesse avec fermeté, mais sans brusquerie. La géométrie de la Rocket 3, son empattement long, son angle de colonne de direction ouvert (27,9 degrés), sa traînée longue, font que la stabilité est au rendez-vous à basse comme à haute vitesse. Mais les réglages choisis sur nos machines de test, orientés sur le confort de roulage, et probablement aussi la taille inusuelle du pneu arrière (16 pouces) font que sur des successions de petites irrégularités avalées à grande vitesse, on sent un certain roulis rapide, pas inconfortable en soi, mais qui gêne un peu la précision du pilotage.
Nous n’avons pas pris le temps ni eu le loisir de changer ces réglages de suspensions. Ils devraient suffire pour une utilisation sur route et autoroute, et si nécessaire à deux avec quelques bagages. Pour autant que l’on soit raisonnable eu égard à l’état de cette route.
Ca frotte, mais tard
Ce qui est sûr, c’est qu’on peut prendre une bonne dose d’angle dans les virages, les excellents pneus Avon et le reste de la partie-cycle le permettent. Etonnamment, la R sera la première dont les petites tiges sous les repose-pieds vont se mettre à frotter, ce qui ajoute en fait au fun de l’expérience de conduite (on se prend pour un vrai pilote)! Mais cela arrivera à des angles conséquents pour un ride hors circuit, et dans des virages à la géométrie particulière.
Les nouvelles Triumph Rocket 3 R et GT ne sont pas seulement de formidables usines à plaisir, elles sont aussi d’éminentes promotrices du lien social. Dit de manière moins compliquée, elles attirent l’attention de tout le monde partout où elles passent, ou même s’arrêtent. Il faut dire que, même si la moto pèse 40 kilos de moins que la première Rocket III, si son moteur est nettement plus compact et sa partie-cycle nettement plus affinée, visuellement, la nouvelle Rocket 3 en impose. Que ce soit par son double phare avec signature LED frappante pour les feux de jour, par la taille du moteur et la beauté impressionnante des sorties d’échappement sur le côté droite, ou les trois pots distribués de manière asymétrique des deux côté, elle en jette.
Elle fait causer partout
Les deux disques de frein et les étriers Brembo dernier cri devant font aussi leur petit effet auprès des connaisseurs. Et pas que, car ils sont un modèle de progressivité, de force et de précision. Il faut juste savoir que l’on a affaire à un freinage combiné. Quand on actionne les freins antérieurs, l’électronique de la Rocket 3 décide de la quantité de pression à appliquer simultanément sur le disque de frein arrière. Ce qui contribue à une répartition équilibrée des masses en mouvement, et augmente la stabilité et la sécurité du freinage. On peut se servir uniquement du frein arrière, comme sur n’importe quel roadster moderne, pour accentuer l’inclinaison de la moto en virage. L’ABS, qui prend en compte l’angle de la moto, va faire le job si c’est nécessaire. Il n’est pas paramétrable. Après tout, ce n’est ni un supermotard ni une sportive!
On peut continuer. Le dessin de la jante arrière, laissée libre à la vue sur le côté droit par l’emploi d’un monobras oscillant, est une oeuvre d’art. Les repose-pieds passager qui sont cachés dans les caches latéraux et que l’on peut déplier à la main si on en a besoin sont une touche ingénieuse. Et la cylindrée est écrite de manière élégante et bien visible sur le flanc de la moto.
Et puis les aspects pratiques ne sont pas oubliés. Tant la Rocket 3 R que la Rocket 3 GT sont livrées avec un tableau de bord en couleur dont on peut varier l’inclinaison, pour avoir le meilleur angle de vision. Ce tableau de bord propose deux présentations graphiques à choix, et il est très lisible. Mais il demande peut-être un peu d’habitude de lecture et de navigation dans les menus quand on utilise le style graphique Quartz.
Il y a une clé sans contact (on aime ou pas), un Cruise Control efficace et simple à utiliser, des poignées chauffantes discrètement intégrées (de série sur la GT, en option sur la R), un cardan qui facilite la maintenance (pas de chaîne à regraisser ni à tendre) et qui se fait oublier dans son fonctionnement, et une fonction d’aide au démarrage en côte: on actionne un bon coup le levier de frein, et la moto reste immobile, retenue par le frein, tant qu’on n’a pas mis une vitesse, débrayé et repris la route (il y a une limite de temps à l’action du système, mais nous ne l’avons pas atteinte). Enfin la béquille latérale (pas de centrale) est facile à actionner. Dernier détail intéressant: la possibilité d’ajuster le positionnement des repose-pieds, en hauteur.
La Triumph Rocket 3 GT, telle que nous l’avons essayée, était équipée d’un petit saute-vent (on pourra sans doute trouver plus grand dans le futur catalogue des accessoires) et d’un dosseret de siège passager. Des équipements que l’on peut ajouter aussi sur la R, moyennant surcoût. Le positionnement des repose-pieds est ajustable, horizontalement. Voyager à deux, du moins avec le dosseret, est chose faisable. On peut acheter des valises semi-rigides latérales qui s’intègrent assez bien dans la ligne esthétique de la Rocket 3. Mais ce n’est pas une vraie GT, bien sûr.
Le réservoir de la Triumph Rocket 3 contient 18 litres d’essence. Avec une consommation qui oscille entre 6 et 8 litres aux 100 km, on a de quoi rouler un peu plus de 250 km. Ce qui est bien compte tenu de la taille du moteur et de sa puissance.
La seule chose que nous n’avons pas pu tester, et c’est dommage, est la connectivité (une option). Les nouvelles Triumph Rocket 3 sont nanties d’un module Bluetooth et peuvent communiquer avec un smartphone, avec un intercom de casque, et même avec une caméra GoPro. Triumph a mis du temps à mettre au point ce système, testé sur de très nombreuses marques de téléphones, et promis depuis plus d’une année. Il arrivera en même temps que les Rocket 3, nous promet-on. Mais nous n’avons pas pu tester en personne, parce que ce n’était pas encore prêt pour notre essai à Ténériffe.
Le prix de cette nouvelle Rocket 3 est bien sûr conséquent (plus de 24000 frs). Mais il est justifiable par le degré de performance, de style et d’équipement qui est fourni. Avoir le plus gros moteur du marché, cela n’a probablement pas de prix. Surtout si en plus la moto se conduit presque comme un roadster normal – mais survitaminé!
Un compte-rendu de test en vidéo est aussi disponible sur notre chaîne Youtube.
Propriétaire d’une Rocket 3GT depuis 10jours (après une Harley Road-King et une Honda GoldWing) : premières impressions :
+ maniabilité étonnante : meilleure que la Gold (…80kg de moins tout de même !!!)
+ couple & puissance phénoménaux (même en mode « pluie »…!)
– sensiblement moins souple et confortable que la Honda GoldWing … Hélas !
Globalement très satisfait de mon achat … !!!
Bonjour, possède telle la marche arrière ??
Bonjour
Non, pas de marche arrière sur ce modèle. Ni d’ailleurs sur aucune Triumph.
Une toute bonne journée
Jérôme Ducret, rédacteur responsable
J’ai ramené le monstre à son garage lundi après-midi après notre folle journée du dimanche 22 août.
Ce petit monstre finalement se laisse dompter très facilement. Son couple est phénoménal et son accélération magistrale, néanmoins, cette moto reste une superbe mécanique qui finalement n’a pas besoin de laisser exprimer toute sa puissance pour rouler.
Je ne l’ai eue qu’une petite demi-heure entre les jambes, mais ce furent des minutes de pur bonheur. Qui plus est, on ne ressent même pas la nécessité de vouloir accélérer tant le plaisir de la conduire est présent.
Le seul petit défaut que j’ai ressenti est parfois de la dureté au passage des vitesses.
Autrement, le léger roulis décrit dans l’article est un peu plus marqué en duo, mais probablement qu’un réglage adéquat des suspensions améliore cette sensation.