Kawasaki 1000 Versys SE / Ducati Multistrada 950 S – Mise à jour 2.0
Conçues pour voyager rapidement et confortablement, les Ducati Multistrada 950 S et Kawasaki Versys 1000 SE ont fait le plein de technologie en 2019. Mais elles avancent des arguments bien différents pour séduire le motard.
La moto la plus vendue en Suisse – entre janvier et août 2019, si l’on cumule ses différentes versions – est une certaine bavaroise, particulièrement apte à passer du terrain à la route. Logique, au pays des plus belles routes alpines, qui a vu la naissance du couteau suisse. Une analogie avec cet outil multifonctions qui semble plus que pertinente, tant les trails de voyage se posent en maîtres de la polyvalence. Il est normal que chaque constructeur veuille se positionner en leader de cette catégorie en proposant sa vision de la machine idéale. De nos jours, pour séduire une clientèle de motards toujours plus exigeants, un trail doit savoir offrir un agrément hors du commun et faire preuve d’un équilibre parfait, entre caractère affirmé, efficacité redoutable, facilité d’utilisation et technologie de pointe.
C’est dans le cadre du traditionnel « Cervelat GP » (la sortie annuelle des rédactions de Moto Sport Suisse et Moto Sport Schweiz, autour de dix nouveautés phares de ce millésime 2019) que l’occasion s’est présentée de mener un comparatif entre ces deux trails. 3 jours et pas moins de 800 kilomètres, entre cols vosgiens et autoroutes allemandes, pour permettre de jauger au mieux ces deux motos. Car si elles font partie de la même catégorie et se retrouvent sur le même segment tarifaire, elles se différencient sur bien des aspects, à commencer par leurs entrailles. En effet, si la Ducati est classiquement mue par un bicylindre en V, puisant son ADN dans les racines de la marque italienne, la Kawasaki opte quant à elle pour un étonnant quatre-cylindres en ligne. Une motorisation plutôt rare dans cette catégorie des trails, mais qui prend tout son sens avec l’orientation purement routière de la japonaise.
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Renouvelée à 95% (seul ce fameux moteur n’a pas subi de retouches, mis à part une nouvelle gestion électronique de la poignée de gaz), la Kawasaki nous est arrivée en début d’année dans une nouvelle robe, très anguleuse, mais surtout un rien plus sexy que sa version précédente (voir notre test). Pas difficile, diront certains. Il faut laisser au constructeur nippon l’audace de suivre sa propre voie esthétique, rétorqueront les autres. Cette Versys 2019 adopte donc une allure osée, mais plus consensuelle que par le passé. Ce design est le fruit de l’imagination de la talentueuse Jiwon Seo, qui a su apporter une touche de féminité plus que bienvenue dans la refonte de ce modèle. Notre version d’essai est parée d’un coloris blanc et noir, plus sobre que le vert traditionnel, mais aussi plus élégant. Les feux de virage, intégrés dans les flancs de réservoir, ainsi que la différence entre les parties blanches satinées et certains plastiques noir mat lui donnent un petit air de crossover, qui viennent renforcer son côté baroudeur. La finition globale de la moto, excellente, renvoie une image premium… tant que sa rivale n’est pas béquillée à ses côtés.
La Ducati, plus fine, profite en effet d’un dessin plus harmonieux et se montre plus aguicheuse, un rien ostentatoire. Si la moto semble plus menue, sa ligne dégage une certaine agressivité. Son cadre définitivement rouge, quel que soit le coloris choisi, annonce la couleur. Avec un tel patrimoine inscrit dans ses gènes, le tempérament sportif est assuré. Parfois surnommée « Baby Multistrada », la petite sœur de la surpuissante 1260 évolue dans l’ombre du fer de lance de la marque italienne mais entend bien faire valoir ses arguments pour se faire une place dans cette catégorie très disputée.
Package électronique 2.0
Nos deux concurrentes font le plein d’électronique, s’ancrant désormais dans ce que l’on pourrait qualifier l’ère des « trails 2.0 ». La Multistrada 950, qui était déjà bien fournie à ce niveau, monte encore d’un cran cette année, voire de plusieurs avec la version S testée aujourd’hui. En effet, en plus des désormais classiques ABS (réglable sur 3 niveaux) et antipatinage (8 niveaux), elle se pare de suspensions semi-actives DSS (pour Ducati Skyhook System) et de feux de virage pour optimiser l’éclairage en fonction de l’angle d’inclinaison, grâce à une nouvelle Unité de Mesure Inertielle à 6 axes. Voilà qui devrait fortement limiter l’effet de bascule constaté sur le modèle 2018 lorsqu’on le brusquait, et offrir une tenue de route désormais exempte de tout reproche.
De son côté, la Versys a elle aussi pris en marche le train de la modernité et rattrapé son retard. Car là où l’ancienne version était restée simple en comparaison de la concurrence, du fait d’une électronique réduite et d’un équipement riche, mais peu au goût du jour, la nouveauté propose une liste longue comme un hiver sans moto. Kawasaki étant friand d’acronymes, place au KIBS, au KECS, au KMCF, au KQS et au KTRC. Plus simplement et dans l’ordre d’énumération, il s’agit d’un système ABS intelligent issu des sportives de la marque et prenant en compte l’inclinaison de la moto, de suspensions semi-actives, d’un système de gestion globale du moteur et de la partie-cycle supervisant les deux technologies précitées, ainsi que d’un shifter et d’un contrôle de la traction, lequel était déjà présent sur le précèdent modèle. Voici pour ce qui est des enchaînements de lettres bizarroïdes. L’équipement électronique se complète encore de deux réglages de puissance (Full et Low), de quatre modes de conduite (dont un entièrement paramétrable) et d’un embrayage antidribble.
Sur la Ducati, le pilote dispose également de quatre modes de conduite prédéfinis, agissant chacun sur l’ensemble des paramètres (suspensions, réactivité et assistances) en fonction de l’utilisation de la moto. Shifter, système Keyless, écran TFT de 5 pouces et aide au démarrage en côte sont de série. Nos deux machines sont en outre équipées chacune d’un régulateur de vitesse et de poignées chauffantes.
Questions d’argent…
L’investissement financier que demande l’acquisition de ces deux machines les placent également sur un pied d’égalité. La 950 S essayée ici (dans son coloris « Glossy Grey » qui impose un surcoût de 300 francs) est affichée à 17’690 francs, et nous a été fournie avec les packs « Touring » (valises rigides latérales, béquille centrale et poignées chauffantes) et « Sport » (silencieux Termingoni, cache de pompe eau en aluminium et clignotants à LED), coûtant respectivement 1100 et 1350 francs, ce qui porte le prix total à 20’140 francs. Si vous la jugez trop chère, la version de base est disponible à partir de 15’190 francs, mais il faudra faire l’impasse sur les suspensions semi-actives et les feux de virage, tandis que le tableau de bord sera un LCD plus conventionnel et que le shifter sera uniquement disponible en option.
Pour la Kawasaki, les choses sont (un peu) plus simples, puisque notre version d’essai, la Versys 1000 SE, s’échange contre 18’500 francs, auquel il faut ajouter les 1000 francs du pack Tourer, qui comprend entre autre les valises latérales, pour un tarif global de 19’500 francs. Là aussi, une version de base plus accessible (annoncée à 15’100 francs, mais en promotion actuellement à 12’990 francs), est disponible, mais sans les suspensions adaptatives, l’éclairage de virage, les modes de conduite et le tableau de bord TFT (remplacé par un classique LCD). Vous pourrez néanmoins rajouter le shifter, les protège-mains ou les poignées chauffantes, selon vos besoins.
Les deux motos, ainsi équipées, sont parées pour le voyage et se positionnent en-dessous de la barre psychologique des 20’000.-, pour autant que l’on choisisse l’italienne dans sa robe rouge, ce qui la ramène à 19’840 francs. Un tarif loin d’être anodin, mais intéressant au vu de la concurrence, et du niveau d’équipement proposé.
…et de retour sur investissement.
La Route des Crêtes, en Alsace, sera l’endroit idéal pour les départager. Sur ce ruban sinueux à souhait, la nouvelle partie-cycle de la Multistrada fait des merveilles.
Ses suspensions adaptatives DSS sont bluffantes d’efficacité. La liaison avec le sol est parfaite, et le train avant offre un retour d’information précis au pilote. Les deux disques de 320mm de diamètre à l’avant, pincés par des étriers radiaux à quatre pistons, offrent une belle puissance dans un feeling proche de la perfection. Le mode Touring, le plus utilisé lors de ces trois jours d’essai, est un excellent compromis. Offrant l’entier de la puissance disponible et un haut degré d’assistance (ABS et antipatinage), il permet d’attaquer sans arrière-pensée et de se faire plaisir en toute sérénité. Le mode Sport, un peu plus réactif, durcira l’amortissement pour offrir aux plus sportifs d’entre nous un meilleur contrôle de la machine, en réduisant le degré d’intervention des assistances. On regrettera juste des vibrations à partir de 5000 tr/min, qui deviennent gênantes une fois passé le cap de 7000 tr/min. Mais c’est le prix à payer pour un moteur si vivant. Le bloc Testatretta délivre une puissance idéale de 113 ch à 9 000 tr/min, avec un couple maximal de 96 Nm disponible 1250 tr/min plus tôt. Expressif et rageur, il incite à ouvrir les gaz en grand pour profiter de montées en régime progressives, mais assez vives, surtout au-delà de 7000tr/min. La sonorité d’origine, caverneuse et métallique, accompagne ces envolées lyriques dans une symphonie jouissive. A tel point que l’échappement Termigoni qui équipe notre moto de test semble presque superflu. Fougueuse, la Multistrada sait toutefois faire preuve de polyvalence et se montrer sage, mais à l’italienne, avec son caractère qui vous rappelle que la cavalerie est disponible et prête à bondir.
En face, la Versys 1000 vous emmène de façon plus sereine. Cubant 1043 cm3 et offrant plus ou moins les mêmes valeurs de puissance (120 ch) et de couple (102Nm), le quatre-cylindres est une force tranquille. Un choix de motorisation, curieux de prime abord, mais qui s’avère pertinent, tant ce bloc offre une onctuosité rarement vue sur un trail. Souple, il reprend dès 1500 tr/min pour s’envoler ensuite vers la zone rouge, à quelques 10’000 tr/min. La plage d’utilisation est large et la puissance y est délivrée de manière progressive. Contrairement à sa concurrente, les vibrations sont bien filtrées, et il faut vraiment coller ses jambes contre le réservoir pour les percevoir. Le shifter, plus doux que sur l’italienne, permet de passer les vitesses sans le moindre à-coup et ménage le pilote. Le freinage, désormais confié à des étriers radiaux et à des disques pétales de 310mm de diamètre à l’avant, offre un excellent feeling, et une puissance largement suffisante. Les suspensions semi-actives qui équipent la japonaise font, comme celles de l’italienne, preuve d’une efficacité redoutable. Le train avant semble rivé au sol et absorbe les inégalités de la route avec une aisance remarquable. La moto reste agile malgré un poids de 253kg, mais sur le rythme assez sportif de ce comparatif, elle demande plus d’effort à son pilote que l’italienne, surtout dans les épingles serrées. Les 23 kg d’écart se font ici sentir, et si la Versys jouit d’un comportement routier particulièrement sain, elle reste moins incisive que sa rivale.
Vie à bord
A l’aise quelque soit le type de route, les deux motos invitent au voyage et soignent leur équipage. La protection apportée est au niveau de ce que l’on est mesure d’attendre de telles machines. Les jambes sont à l’abri du vent et les bulles font leur travail. Toutes deux réglables (d’une seule main pour la Ducati ; avec les deux sur la Kawasaki), elles protègent bien leur pilote, avec un léger avantage pour la japonaise, quand l’italienne renvoie quelques turbulences sur les épaules.
Une fois à bord, on se sent immédiatement à l’aise. Les deux assises culminent à 840mm et sont accueillantes. Si l’on est assis « sur » la Versys, on a l’impression de prendre place « dans » la Multistrada, bien calé contre la selle passager qui fait presque office de dosseret. La position de conduite est naturelle et il y a de l’espace pour les jambes, mais votre fessier ne sera pas accueilli de la même manière. La selle de la Multistrada se montre en effet plus ferme à l’usage. Si c’est un avantage pour placer la moto dans les enchaînements rapides, ça l’est nettement moins lorsqu’il s’agit de d’avaler 300 kilomètres d’une seule traite. Le passager est, lui aussi, mieux accueilli sur la japonaise, à ceci près que son positionnement sur la selle arrière l’éloignera davantage du pilote que sur la Ducati. Question de goût.
La capacité d’emport est plutôt bonne sur les deux motos. Pas de vide-poche dans les retours de carénage, malheureusement, mais deux sacoches d’une bonne contenance (même si la valise droite de la Ducati est légèrement amputée à cause de l’échappement). Pas très pratiques du fait de leur forme, un casque intégral rentrant néanmoins dans chacune. Dans l’idéal, les sacs intérieurs adaptés (fournis avec le pack Tourer chez Kawasaki, au rayon des accessoires chez Ducati) permettront d’optimiser l’espace disponible.
Les commodos, offrant de multiples fonctions, sont plus harmonieux sur la Ducati, à l’exception du bouton des poignées chauffantes, inaccessible sans lâcher la poignée de gaz, et de la commande du feu de route, trop proche du levier d’embrayage et que l’on peut enclencher involontairement en roulant. Toutefois, le fait que Ducati ait intégré un rétroéclairage des commodos apporte un avantage non négligeable à la nuit tombée.
Hautes vitesses
Après les petites routes de l’est de la France, place à l’asphalte allemand. Enfin, aux plaques de béton qui constituent la majeure partie des autoroutes. Parfait pour tester la vitesse de pointe des motos, mais également pour mettre à l’épreuve leur stabilité sur un revêtement parfois assez éloigné de nos standards helvétiques. Une épreuve où la Ducati se montre à son aise. Faisant preuve d’une stabilité impériale, même au-delà de 200km/h, elle laisse sur place une Kawasaki qui commence à osciller dès 160 km/h, pour vraiment se mettre à bouger à partir de 180 km/h, obligeant le pilote à rendre la main. Dans ces conditions, les régulateurs de vitesse sont de précieux alliés. La japonaise reprend l’avantage sur ce terrain, avec la possibilité de le couper par une simple contre-rotation de la poignée de gaz, ce que ne permet pas l’italienne.
Très proches sur de nombreux points, ces deux trails ont donc des caractères bien différents, des designs opposés et des usages spécifiques. En clair, la Ducati Multistrada 950 S s’adresse plutôt à ceux qui veulent voyager vite, tandis que la Kawasaki Versys 1000 SE sera pour ceux qui veulent voyager loin. Mais quel que soit votre choix, le plaisir est assuré.
La conso cest laquelle?
Et l autre?
Bonjour,
Malheureusement, cet essai a eu lieu dans le cadre d’un comparatif avec 9 autres motos, et il n’a pas été possible de calculer les consommations de chaque moto. Mais nous y reviendrons dès que nous en aurons l’occasion.