Portrait : Niels Velema, de la moto chinoise au back-flip
Niels Velema habite Genève. Plus connu sous le pseudonyme de Niels FMX 420, il a longtemps côtoyé Mat Rebeaud. Sur le terrain duquel il a appris, notamment, à passer le back-flip. Portrait d’un freestyler passionné et ambitieux.
A 25 ans, Niels Velema est un enfant du monde. Originaire des Pays-bas, il n’y a pourtant jamais vécu. De par le métier de ses parents (sa maman est diplomate), il a grandi de pays en pays, s’enrichissant des cultures et des langues dont regorge la planète. Il en parle aujourd’hui plusieurs, dont… le chinois ! Une qualité qui lui vaut d’ailleurs son métier actuel : en attendant de pouvoir développer le FMX pour espérer en vivre un jour, Niels officie en qualité de guide touristique et emmène chaque jour des touristes dans la région de Chamonix. Un travail qu’il apprécie, mais qui lui permet surtout de développer son projet, celui de créer un terrain de FMX (motocross freestyle), en région genevoise.
Retour en Chine, il y a une dizaine d’années. Niels a toujours eu, de son propre aveu, « un gros kiff » pour les motos. Une passion qui n’est malheureusement pas du goût de ses parents, qui jugent alors la pratique trop dangereuse. A 14 ans pourtant, celui qui étudie à l’école internationale locale passe un marché avec un copain, qui possède une petite moto chinoise. Typée cross, cubant 110 cm3 et, de son propre aveu, pas très fiable. Contre l’avis de ses parents – moyennant quelques semaines d’argent de poche – il récupère enfin sa première machine. « Elle était en sale état », raconte Niels. « La chaîne sortait tous les kilomètres, il fallait la remettre à la main, c’était infernal. Mais en même temps, ça a été la meilleure façon d’apprendre les bases de la mécanique ! » rigole-t-il. La petite moto est alors cachée dans la forêt, et, chaque matin, le jeune garçon fait mine de prendre le bus scolaire. Avant de foncer récupérer sa monture pour filer, cheveux au vent, sur le chemin qui coupe à travers bois pour le mener à l’école. Un stratagème qui ne durera, on s’en doute, pas très longtemps. Vite repéré par ses professeurs, il sera forcé d’avouer ses escapades à ses parents qui, compréhensifs, l’autoriseront à continuer de rouler, mais de manière plus prudente. S’ensuivront une Honda CR 125, partagée avec un camarade sur un terrain spécialement aménagé (ou plutôt un simple champ travaillé à la pelle) et deux KTM : une 125 SX de 2003 et une 530 EXC de 2011, sur lesquelles il pourra désormais s’adonner à sa passion.
A 19 ans, il pose ses valises en Suisse. Il ne la quittera plus. Genevois de cœur, il prend ses habitudes sur le terrain du Moto-Club « Les Meyrinos », à Sézegnin. Il enchaîne les jumps et s’essaie au freestyle, en commençant par des figures basiques. La vente de ses deux motos avant son départ de Chine (les autrichiennes sont rares dans l’Empire du Milieu) lui ont permis, une fois sur sol helvétique, d’acheter une nouvelle moto et un fourgon pour la transporter. Ce sera encore une KTM. Mais, cette fois-ci une 250 SX de 2017, spécialement préparée par FMX Forever pour la pratique du freestyle. Au menu notamment, un sélecteur raboté pour favoriser les mouvements sur la moto, un cadre arrière coupé et ressoudé afin de laisser place à de larges orifices de préhension, ou des suspensions revues pour cet usage… extrême.
Désireux de développer davantage le freestyle, il prend alors contact avec Mat Rebeaud. Le champion du monde FMX, vainqueur des Red Bull X-Fighters en 2008, lui propose de venir s’entraîner sur son terrain, à Payerne. Niels ne se fait pas prier, et dès ses premiers tours de roues sur les rampes du Vaudois, prend de l’assurance en passant des figures encore inédites pour lui. « Je montais tous les week-ends pour rouler. Parfois, même le soir après le travail. J’avais vraiment envie de progresser ! » me lance le jeune freestyler. Fin 2018, l’occasion se présente pour lui de rouler au Supercross de Palexpo, en compagnie des meilleurs pilotes FMX de la planète.« Deux semaines avant – pile – j’ai eu le déclic et j’ai passé le back-flip. D’abord dans le bac à mousse (ndlr : une réception composée de plus de 60000 cubes de mousses, spécifiquement prévue pour apprendre cette figure), puis sur le dur, sans filet. Je l’ai passé plus d’une vingtaine de fois, sans soucis. » Pas de back-flip, cependant, pour Niels lors du show genevois. Simple question de bon sens, la figure étant encore trop fraîche dans son apprentissage du freestyle.
L’année suivant, le genevois d’adoption continue son apprentissage et perfectionne sa technique. Mais en août 2019, il se fracture la main lors d’une mauvaise réception, pendant la Red Bull Race Day de Granges (SO). Une fraction de seconde de déconcentration, qui aura suffi pour anéantir ses projets immédiats. Il lui faudra du temps pour se remettre, et entre-temps, Mat se sera séparé du bac à mousse qui équipait le terrain de Payerne. Le Payernois maîtrise le back-flip à la perfection et n’en a plus l’usage. Mais pour Niels, cela signifie qu’il n’a plus de possibilité pour s’entraîner à cette figure spécifique. A moins de parcourir des centaines de kilomètres pour rallier l’Espagne. Dans son esprit, un projet commence à germer. Et s’il essayait de pallier au manque, dans la région, de lieu pour la pratique du FMX? Alors, quand, par hasard, il rencontre un passionné de moto qui lui propose d’utiliser son terrain pour créer un terrain de FMX, son sang ne fait qu’un tour. Situé à Gex, en France voisine, l’emplacement n’est qu’à quelques kilomètres de la frontière genevoise. Idéal pour Niels, et certainement pour de nombreux pilotes. L’idée est de créer au moins deux rampes, avec deux réceptions, pour que l’on puisse enchaîner les tricks à longueur de journée. Niels a déjà le terrain – privé pour le moment – et une rampe mobile. Reste à créer les réceptions, à coup de bulldozer. Cela devrait être fait d’ici deux ou trois mois, « quand le terrain aura dégelé ».
Pour la suite, il faudra – immanquablement – des sponsors. Car Niels déborde d’idées : piste de cross, circuit enduro, rampe spécifique avec bac à mousse, voir même circuit de glace pour occuper les lieux l’hiver. « Je suis déjà ambassadeur KTM », précise Niels. « Ils m’aident pour l’équipement, pour les pièces. Mais pour voir les choses en grand, j’ai besoin de l’appui de grandes marques. Je suis convaincu du potentiel qu’offre la région, et du nombre des pilotes qui seraient intéressés par un tel terrain à proximité pour venir s’entraîner ! » Des discussions sont d’ailleurs en cours avec le Moto-Club des Meyrinos, afin de construire une réception sur le site. Ne resterait alors plus qu’à amener la rampe mobile de Niels, afin de faire profiter les plus jeunes de l’infrastructure, et des conseils du freestyler. « D’après ce que je sais, nous ne sommes que deux, en Suisse, à passer le back-flip. Je veux pouvoir m’entraîner le plus possible, pour continuer à progresser et apprendre de nouvelles figures. » termine le jeune homme. Un double back-flip ? Je n’obtiendrai pas de réponse, mais un petit sourire se dessinant au coin de sa bouche ne laisse que peu place au doute. Sa drogue, à Niels, s’appelle FMX. Elle est légale mais sévèrement addictive.