La nouvelle V-Strom va dans la bonne direction
Les changements apportés au grand trail de voyage japonais, baptisé désormais V-Strom 1050, qui vont de l’esthétique au moteur, en passant par l’électronique. Ils le rendent plus susceptible d’être remarqué par les amateurs et amatrices d’enduros de voyage. Sans pour autant que la machine ne perde ses qualités avérées dans l’opération.
Il y a beaucoup de changements sur la nouvelle V-Strom 1050, dont nous avons testé la version XT, sur-équipée, même si rien de tout cela n’est révolutionnaire. A mon avis, on peut résumer cela par trois mots clés: esthétique, moteur, et électronique.
Pour le premier point, Suzuki a fait un la même chose que pour la Katana et a puisé inspiration dans son propre passé. En effet, on voit très vite une parenté visuelle avec les modèles de la série DR, tout particulièrement la DR Big. On ne discute pas des goûts et des couleurs, mais pour moi la V-Strom a grandement profité de l’opération.
J’ai toujours pensé que l’ancienne V-Strom avait l’air d’une moto gentille et efficace, mais sans aucun trait saillant. Mais la nouvelle, avec ses angles et ses arrêtes, a sa propre identité. J’apprécie le fait que Suzuki ait osé suivre suivre une voie qui lui est propre et présente une moto qui ne ressemble pas au troupeau des enduro de voyage.
Bien, la nouvelle V-Strom, même avec Euro 5
Au chapitre du moteur, on relève qu’il a été retravaillé dans les détails, avant tout pour qu’il passe les nouvelles normes Euro 5. Et il bénéficie pour la première fois d’un accélérateur électronique, qui va de pair avec des modes de pilotage électroniques.
Les modifications apportées à ce moteur et à ses caractéristiques me laissent tout d’abord songeur. Et je ne suis pas le seul: le couple maximal demeure à 100 Nm, mais ils sont atteints 2000 tr/min plus haut, à 6000 révolutions. Ce déplacement vers le haut peut sembler contre-productif sur un trail conçu pour le voyage, même si la puissance de pointe augmente et atteint 108 chevaux à 8500 tr/min.
Mais si l’on regarde de plus près la courbe de couple, on voit que la nouvelle V-Strom ne perd en couple que tout en bas de la plage des régimes. A partir d’environ 3500 tr/min, on a de manière presque constante jusque dans les hauts régimes 90 Nm à disposition, jusqu’au sommet de 100 Nm à 6000 tr/min. Et cette courbe est plus régulière et les valeurs de couple restent plus élevées qu’avant jusqu’en haut de la plage.
Pour la puissance, c’est là aussi très linéaire. Et après avoir parcouru les routes viroleuses autour de Ronda (E) je peux témoigner: la moteur de la V-Strom reste très agréable, avec peut-être une propension plus grande à grimper dans les tours. Et puis il a une jolie sonorité et il offre toujours assez de poussée, sans pour autant intimider son dompteur.
Modes A, B ou C
La V-Strom est à présent équipée d’un accélérateur électronique (et d’un tempomat). Cela a permis à Suzuki de proposer des modes de pilotage, qui ne s’appellent pas Rain, Road ou Sport, mais simplement A, B ou C. Ils influencent bien sûr la réponse à la commande d’accélération et la position des papillons. C est le mode le plus doux, A le plus agressif. La puissance maximale est la même dans tous les modes, et si la poignée d’accélération est ouverte à fond, les papillons le sont aussi, quel que soit le mode. A contrario, si la poignée est par exemple ouverte à moitié en mode C, les papillons ne le sont qu’à 40%, alors qu’ils le seraient à 60% en mode A. Dans mon ressenti, j’ai surtout apprécié les modes C et B, choisissant C pour la ville, et B pour la campagne. Mais A me semblait un peu trop direct dans sa réponse.
On peut changer de mode facilement, d’une poussée sur le bouton qui porte l’inscription «mode»! et on passe ensuite de l’un à l’autre avec les boutons-curseurs du du comodo. On peut le faire en roulant, mais il faut couper les gaz.
Une IMU à six, ou à 3 axes?
D’autres nouveautés importantes sont à trouver au chapitre de l’électronique embarquée. La moto intègre une «IMU à six axes», à la place de l’IMU (acronyme désignant une centrale de mesures inertielles) précédente, que Suzuki décrivait comme utilisant 5 axes. A ce stade, il n’est pas inutile de rappeler quelques infos de base sur ces fameuses IMU et sur leurs «axes». Même si les constructeurs parlent couramment d’IMU à six axes, et que nous, journalistes moto, nous leur emboîtons régulièrement le pas, il n’existe encore et toujours que trois axes permettant de mesurer l’espace. Ce qui fait qu’on devrait parler d’IMU à 3 axes. Mais comme on mesure les accélérations dans chaque fois deux directions, par rapport au point zéro au centre de l’IMU, cela donne donc en tout six directions différentes, sur trois axes. J’en déduis que l’IMU précédente avait deux axes, et donc quatre directions, et que la cinquième était calculée (et pas mesurée) à partir de la vitesse.
On peut reprendre. Grâce à cette nouvelle IMU, la Suzuki dispose désormais d’un Hill Hold Control et d’un anti-soulèvement de la roue arrière en descente. Le premier des deux actionne le frein arrière durant 30 secondes lorsque la moto est à l’arrêt en pente. Suzuki a configuré ce système de façon intelligente, car on peut le désactiver très facilement, en tirant deux fois rapidement le levier de frein avant. C’est agréable lorsque l’on veut redescendre en marche arrière. Et cela aide lorsqu’il faut démarrer en dehors d’une route asphaltée.
L’anti-soulèvement doit servir lors de freinages en descente, et son nom officiel est «Slope dépendent Control System». On ne peut pas le désactiver, ce qui veut dire qu’on ne peut plus faire de stoppies. Mais qu’on ne peut plus non plus passer par dessus la moto en freinant dans ces situations.
L’angle ne compte pas partout sur la nouvelle V-Strom
Grâce à ces mesures de la nouvelle IMU, plus précises, l’ABS de virage, qui va de pair avec un freinage combiné, a pu être optimisé et devrait agir de manière plus fine. Le contrôle de traction, par contre, n’a pas accès aux données de ladite IMU, pour des raisons que je ne discerne pas. Satoru Terada, chef ingénieur de la marque, à ma question du «pourquoi», a juste répondu que cette fonction n’était pas nécessaire parce que la V-Strom n’était pas une moto faite pour aller sur circuit.
Sur ce point, il n’a pas tout à fait tort. Mais mon sentiment profond est que ce qui a porté cette décision n’est pas la question de savoir si une telle fonction était nécessaire, mais bien plutôt celle d’abaisser les coûts de fabrication et de développement. C’est dommage, mais ce n’est pas tragique. Durant notre parcours de test, le contrôle de traction a très bien rempli sa fonction. On peut en fait l’ajuster sur trois niveaux, et aussi le désactiver, le tout sans complication, en se servant du bouton «mode» et des boutons-flèches du comodo.
Ajustable
Le cadre est inchangé et les suspensions sont une fourche inversée KYB de 43 mm, entièrement réglable, et un amortisseur ajustable en précharge – avec une molette manuelle – et en détente. Dans son réglage de départ, la fourche est assez rigide, ce qui est parfait pour avaler des virages à un rythme soutenu. Mais pour aller taquiner le terrain, je règlerais tout ça de manière plus souple. En comparaison, l’amortisseur est moins dur, mais il offre un très bon compromis entre le confort et l’efficacité en conduite sportive.
En définitive, la nouvelle V-Strom est une moto bienveillante et facile à piloter. Elle privilégie un peu l’agilité par rapport à la stabilité. Cela a pour avantage qu’il suffit de très peu de force pour lui faire changer de direction. Il m’a par contre fallu un peu de temps pour m’habituer à ses réactions dans ces phases de pilotage, la roue avant donnant presque l’impression de tomber dans le virage. Mais dans ces cas, on peut encore stabiliser la machine à l’aide du frein arrière.
La V-Strom, de mon point de vue, est à présent une très jolie moto, qui se prêt aux longs voyages en toute décontraction, notamment grâce à son pare-brise protecteur et ajustable en hauteur, mais qui apporte du plaisir aussi quand on adopte un tempo sportif sur des routes viroleuses. Les changements apportés sont parfaitement légitimes et sont bien réalisés, et le moteur a heureusement pu garder son caractère et ses qualités en passant à Euro 5. Enfin le prix de moins de 16500 frs pour la XT, équipée de manière complète, est totalement justifié.
Texte: Patrick Schiffmann, Moto Sport Schweiz/moto.ch
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