Bonnie and Klyde sont rentrés au Bercail après plus de 60000 km
Les deux Lausannois Amaia Uriarte et Marvin Ancian sont partis il y a deux ans de l’atelier participatif Rideshaper (dit aussi le Bercail), à Lausanne, direction l’Asie, sur une Bonneville refroidie par air et une BMW K 100 débarrassée de ses carénages. Ils ont fait des rencontres inoubliables, tant avec des hommes et des femmes qu’avec des routes et des paysages.
Bonnie and Klyde, ce sont les deux petits noms donnés par Amaia Uriarte et Marvin Ancian à leurs motos. Une Bonneville 800 (et donc Bonnie) et une BMW K 100 modifiée (d’où le K de Klyde). Ces deux Lausannois ont quitté la Suisse en avril 2018 à bord de leurs deux montures, direction l’Asie. Et deux ans et quelque 61000 km plus tard, ils sont de retour en Europe et en Suisse, riches de souvenirs, d’expérience et de rencontres. Nous leur avons demandé de nous parler de leur voyage.
Le départ était prévu le premier avril 2018. Mais une panne survenue juste avant le col du Simplon les a forcés à rebrousser chemin et à réparer, avant de pouvoir repartir pour de bon, deux semaines plus tard. Puis ce fut l’Italie, et la côte adriatique, avec les premiers pays qui ont défilé: Slovénie, Croatie, Kosovo (un petit détour de quelques nuits dans la capitale Pristina, ce n’était pas prévu), la Grèce… et le passage en Asie, dans cet immense pays qu’est la Turquie.
Ce grand voyage, financé par les économies des deux jeunes gens, n’avait qu’un but et une direction approximatifs, et pas définitif. Sa finalité résidait en fait essentiellement dans le voyage lui-même, dans les endroits et les personnes rencontrés.
L’itinéraire prévoyait des passages en Turquie, en Iran, en Asie centrale – là où se trouvent tous les pays finissant par « stan », commente Marvin avec un léger sourire – et en Asie du Sud-est, avec comme point ultime Singapour, l’endroit où la terre laisse la place à la mer.
« Au début, nous avions le sentiment d’être pressés par le temps, se souvient Amaia. Peut-être à cause de notre premier faux départ. Mais au fur et à mesure que les kilomètres passaient, cela s’est calmé, en Grèce, cela avait disparu. Au bout de deux semaines, on a aussi cessé de vouloir tout prévoir, et on n’a plus rien réservé pour passer la nuit. J’ai même l’impression que plus on avançait, plus on prenait de temps! »
L’itinéraire a ainsi de plus en plus pris des formes de boucles, de forêts de traits et de détours. Avec parfois une traversée en bateau à l’aventure, comme sur la mer Caspienne, ou un long trajet en train, qui a pu s’avérer plus dangereux pour les motos (en Inde) que les routes et les pistes.
Ce temps pris et disponible fut souvent un allié, quand il fallait par exemple résister à une petite ou une grosse tentative d’extortion au passage d’une frontière ou d’une autre formalité. « Nous avons été très peu confrontés à cela, précise Amaia. Mais les rares fois où cela est arrivé, par exemple au Laos, nous disions simplement que nous avions tout le temps que nous voulions et que nous allions juste planter notre tente en attendant que le personnage en question renonce à son projet. Et ça a toujours fonctionné. »
De manière générale, Amaia et Marvin ont pris le parti de choisir une attitude optimiste quant à leur voyage. Et de ne pas partir avec vissée au corps la crainte de l’étranger. « Quand on se dit qu’on doit faire attention vis-à-vis des gens qu’on ne connaît pas, on oublie qu’eux aussi peuvent avoir des raisons d’avoir peur de nous, commente Marvin. Et durant tout notre voyage, c’est une attitude que nous avons très peu rencontrée. Nombre de fois, des gens qui ne nous connaissaient absolument pas nous ont ouvert leur porte, celle de leur garage, nous ont offert à manger et à boire, ou un endroit pour dormir, et nous ont fait découvrir leur région… »
Il souligne le fait que leur tandem a traversé un grand nombre de pays officiellement musulmans. Pays dans lesquels, dans leur expérience, le devoir d’hospitalité envers l’étranger est une tradition. « C’était particulièrement vrai pour la Turquie, pour l’Iran et le Pakistan, note Amaia. En Iran, nous avons de plus rencontré des gens très cultivés, qui parlaient souvent une autre langue que la leur, comme l’anglais. Et nous avons pu beaucoup échanger, et apprendre beaucoup de choses sur ce qu’ils et elles vivent dans leur pays. »
Ailleurs, où l’anglais (sans même parler du français) se parle très peu, la langue a souvent été un obstacle à ce genre de lien. « Mais ce qui est sûr, c’est que nos motos, Bonnie et Klyde, ont été des aimants à public », continue Amaia. La cylindrée (grosse pour les endroits traversés), l’équipement et le projet ont en effet immanquablement piqué la curiosité des « locaux ».
Une grande partie du trajet s’est fait sur des routes, du moins pour ce qui est du nombre de kilomètres. Et comprenez, des routes asphaltées. « Mais il faut tenir compte aussi de l’état de la chaussée, tempère Marvin. Parfois, les pistes en terre étaient plus faciles à rouler que ces routes. » Les routes, et les pistes empruntées pour découvrir telle vallée ou tel endroit, furent elles aussi des rencontres. Avec des paysages, des sensations. Marvin et Amaia se souviendront ainsi toute leur vie de la Pamir Highway, une route qui parcourt les « pays en -stan » et dont la partie sud flirte avec la frontière afghane.
La basse vallée du Mustang, au Népal, celle de Spiti au nord de l’Inde, la région du Touchéti en Géorgie, furent des endroits magnifiques, mais où les motos furent mises à rude épreuve, avec des traversées de cours d’eau apparus soudainement à cause de la fonte des neiges, avec plein d’autres imprévus, aussi. Quant à leur passage au nord-est de la Turquie, vous pouvez en lire le récit sur notre article.
Les deux partenaires se sont bien entendus durant ces deux années. « Nous avions déjà fait un petit voyage ensemble à moto, et auparavant aussi sans moto, sac à dos, note Amaia. Notre chance, c’est que nous sommes sur la même longueur d’onde pour pas mal de choses. Et notamment pour les questions pratiques et de confort. On aimait bien trouver un endroit à peu près propre pour dormir, et avoir notre intimité. » Ils ont été côte à côte presque sans discontinuer, sauf durant un moment où la jeune femme a fait une retraite en Inde. L’Inde a par ailleurs été une expérience particulière, à la fois très positive, et par moments très négative. Le trafic absolument chaotique fut un choc, le fait qu’il y ait toujours beaucoup de monde partout, et l’inertie de la société indienne dans son ensemble en ont créé un autre.
« Mais là aussi, nous sommes tombés sur des personnes extraordinaires », souligne Marvin. Un motard les a ainsi tirés d’une situation qui aurait pu mal se terminer, après un petit accrochage sur une voie rapide. Marvin et Amaia sont restés en contact avec lui, par le biais d’un groupe WhatsApp.
Et quand ils sont arrivés en Indonésie et en Malaisie, il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait alors de rentrer en Europe, que le voyage n’allait pas se poursuivre immédiatement. Bonnie et Klyde ont été expédiées par bateau vers Barcelone, et Marvin et Amaia, après avoir passé quelques jours de vacances (car ils ne considèrent pas leur voyage jusqu’à ce point comme des vacances, mais comme une façon de vivre), ont quant à eu pris l’avion.
Ils ont débarqué au sud de l’Europe en pleine crise du coronavirus. « C’était compliqué de récupérer nos motos à Barcelone, se souvient Amaia. Je parlais la même langue que mes interlocuteurs, mais on n’était pas sur la même planète, je n’ai jamais été face à autant de complications du genre bureaucratique. On a du se confiner au Pays Basque, là où habitent mes parents, et y faire transférer les motos. Nous voulions revenir en Suisse par la route. Ce dernier bout de notre voyage était presque plus l’aventure, était presque plus compliqué que tout le reste! »
De retour en Suisse, ils vont repartir profiter de l’été, à moto, direction le sud, en restant en Europe. Et ils aborderont la question de la recherche d’un travail pour l’automne.
Si vous voulez en savoir plus sur leur aventure, vous pouvez consulter leur blog. Marvin et Amaia, Bonnie and Klyde ont suscité un certain intérêt chez pas mal de médias, dont la RTS (la radio et la télévision), dont aussi certains médias plus spécialisés, comme votre magazine moto en ligne préféré (lire notre premier article), comme Moto Sport Suisse ou le magazine suisse Roaditude. Et vous pouvez aussi découvrir Rideshaper-Le Bercail, l’atelier participatif, notre partenaire de l’annuaire des professionnels de la moto.
Absolument génial leur aventure. Les photos, les vidéos, l’itinéraire… c’est génial.
J’ai adoré les suivre pendant ces 60000km