Essai Yamaha Tracer 700 – What else?
PAF ! Un peu sonné, j’essaie de reprendre mes esprits. Faut dire que je me suis ramassé un uppercut en pleine tronche. Visuel, l’uppercut. Il y a des motos capables de donner une claque stylistique – et un sacré coup de vieux – à l’ensemble de leur segment, tant leurs lignes sont osées et novatrices. La nouvelle Tracer 700 est, clairement, de celles-là. Et renvoie illico la concurrence dans les cordes, sans ménagement.
Bien sûr, c’est une question de point de vue. Les deux optiques lenticulaires, surmontées de barrettes LED légèrement opaques, peuvent diviser. Il faut laisser à Yamaha le courage d’avoir osé ce look tranché. On aime, ou pas, mais personne ne restera indifférent face à ce style, affirmé, qui préfigure certainement l’évolution future de la Tracer 900. Certains trouveront cette nouvelle face avant trop avant-gardiste, quand d’autres n’hésiteront pas à lui donner le qualificatif de «mini R1 sur pattes». Il faut avouer que cela apporte à cette Tracer, qui se positionne comme une porte d’accès à l’univers Yamaha, une touche de sportivité plutôt bienvenue.
Un design soigné pour une moto simple
Si le regard de la moto peut surprendre, l’œil du pilote est flatté par les finitions, d’excellente facture. L’arrière est particulièrement soigné, avec un feu LED ciselé et un support de plaque aussi effilé que discret. Rien ne dépasse, pas même le pot d’échappement, logé sous le bras oscillant.
Dans cette livrée « Phantom Blue », le coloris bleu mat des flancs de carénage offre une certaine touche d’élégance, et renforce le côté classieux de la moto. Seuls les autocollants, non vernis, vous mettront peut-être sur la voie du prix – plutôt compétitif – de la «petite» Tracer. Affichée en dessous des 9500 francs, elle se veut accessible. Ici, pas d’antipatinage, pas de modes de conduites ni d’écran TFT, mais l’essentiel pour rouler. Un moteur joueur. Une selle confortable. Une partie-cycle qui met en confiance. Une bulle réglable. Et une facilité de prise en main déconcertante. Le grand écart pour séduire tant les jeunes permis que les amateurs de longues virées semble réussi. Sur le papier en tout cas.
Première impression
En réalité, ce n’est pas une moto que j’essaie, mais plus probablement une pocket bike, tant la machine semble petite. J’exagère à peine. Le millésime 2020 de la Tracer 700 semble avoir sérieusement rétréci au lavage, et c’est d’autant plus flagrant lorsqu’elle est garée à côté d’autres modèles de la même catégorie. Mais cette compacité lui confère l’avantage de se rendre peu impressionnante – en terme de gabarit – et se laisser apprivoiser plus facilement. Un bon point si c’est votre première moto.
Il faut souligner que, si Yamaha a décidé de faire l’impasse sur une technologie embarquée de pointe, elle n’a pas pour autant délaissé les aspects pratiques. On trouve en effet de solides poignées pour le passager, des points d’ancrage pour sangler des bagages à l’arrière de la selle, ainsi que des pare-mains, à l’esthétique très travaillée. Une barre transversale, ajourée, prend place au-dessus du guidon et permettra de fixer facilement divers accessoires. Bien pensé! Un emplacement dédié peut, en outre, recevoir une prise USB dans le retour du carénage. Une option, mais peu onéreuse (35 francs hors main d’œuvre). En option, également, la béquille centrale. Certainement écartée pour contenir le poids de la moto, elle est pourtant indispensable pour l’entretien du kit chaîne. Dommage, on loupe le sans-faute de peu. Pour les voyageurs, le montage de valises rigides (2x20l) est possible pour un peu plus de 1500 francs, hors pose. De quoi donner des envies de prendre le large, pour autant que les prestations dynamiques soient à la hauteur du packaging.
Prise en main déroutante de facilité
Au moment d’enfourcher la petite Tracer, l’impression est délicatement familière. On se sent immédiatement à l’aise, un peu comme à la maison. Le sentiment de la connaître depuis toujours est là, impalpable, mais perceptible. Les commandes, simples et d’une douceur exemplaire, tombent naturellement sous la main. Certains reprocheront une trop grande proximité entre le klaxon et la commande des clignotants, mais aucune erreur – sonore – de manipulation n’est venue entacher ce test. La selle, qui culmine à 840 mm du sol, semble relativement confortable. La hauteur de l’assise est compensée par la finesse de la moto et n’est finalement pas si impressionnante que supposée. Une selle basse (- 20 millimètres) est disponible au catalogue des accessoires, mais il faudra alors revoir ses exigences au niveau du moelleux.
Direction le démarreur, pour laisser le CP2 s’exprimer. D’une cylindrée de 689 centimètres-cube, le bicylindre en ligne offre un peu moins de puissance que sa devancière (de l’ordre d’un petit kilowatt), pour s’établir à 54 kW. Soit quelques 74 chevaux, disponibles un peu plus bas dans les tours (à 8750 tr/min exactement). Le prix à payer pour rendre ce moteur compatible Euro 5. Mais largement suffisant pour emmener les 196 kilos tous pleins faits de la bête.
La sonorité, à l’arrêt, est à l’image de la moto. Valorisante de prime abord, mais finalement assez discrète. Une sorte de compromis idéal entre plaisir auditif et préservation du voisinage. La moto se laisse facilement apprivoiser et les premiers kilomètres à son bord sont d’une facilité déconcertante. Le pilotage de la Tracer 700 s’avère instinctif, et met immédiatement le pilote en confiance.
On ze road again
Qui dit test dit route. Beaucoup de route. Les 1800 kilomètres parcourus en deux semaines semblent évocateurs du plaisir pris par l’essayeur que je suis, au guidon de la petite Tracer. Pour les trajets urbains, elle est tout simplement idéale. Extrêmement maniable, elle se faufile avec aisance dans la circulation intense de l’hypercentre genevois, continuellement congestionné. La moto est haute, et offre une posture droite qui permet au pilote de dominer la route et d’anticiper les dangers potentiels – piétons kamikazes comme ouvertures de portières intempestives. Dans ces conditions, le petit bicylindre sait se montrer vif et réactif, pour s’extraire avec fougue des bouchons quand le feu passe au vert. D’autant que la connexion avec la poignée de gaz est parfaite, et incite à ouvrir en grand dès que l’horizon se dégage!
Si la puissance n’est pas démoniaque, elle s’avère largement suffisante. Le CP2 n’est en revanche pas un élève modèle en ce qui concerne la souplesse. Sous les 2500 tr/min, il vous signifiera son mécontentement par des cognements revendicateurs. Mais ensuite, il fera preuve d’une belle générosité, et les envolées seront franches. Tant mieux, car on prend plaisir à lui rentrer dedans sur les belles et sinueuses routes de montagne que compte notre patrie.
Cet essai m’emmènera du bout du lac de G’nève au val d’Hérens, ou encore à la vallée de Joux par les crêtes du Jura, me fournissant l’occasion de tester la Tracer 700 sur tous types de routes.
A commencer, bien sûr, par le rectiligne et palpitant ruban asphalté, parsemé de viaducs, de tunnels et de limitations aberrantes, qui mène au paradis valaisan. L’occasion de découvrir le plus gros défaut de la Yamaha. Les vibrations, bien présentes dès le milieu du compte-tours, ne m’avaient jusqu’alors pas gêné outre mesure. Mais, calé à vitesse constante, elles se montrent bien désagréables, surtout au niveau des mains, et provoquent des fourmillements dont on se serait bien passé. Si elles font partie intégrante de la Tracer 700 et peuvent même lui donner un petit côté hargneux fort appréciable dans les cols, elles décourageront le plus motivé des pilotes qui souhaiterait s’infuser 8h de ce régime au départ des vacances. Dommage, d’autant que la selle se montre – comme prévu – confortable, permettant d’envisager de longues étapes sans la moindre inquiétude. Et que la consommation moyenne (vérifiée) se stabilise à 4,2 l aux 100 kilomètres. De quoi voir venir avec les 17 litres du réservoir. Si les protèges-mains design se révèlent étonnamment assez efficaces, la petite bulle, ou plutôt le déflecteur, offre pour sa part une protection à la hauteur de ce qu’elle laissait présager. A savoir pas grand-chose. Bénéficiant d’un système de réglage très pratique – avec une seule main, même en roulant – elle sera à remplacer impérativement pour une version plus haute, et surtout plus large, afin d’affronter les longs voyages avec plus de confort.
Le paradis des motards
Heureusement, une fois sur les lacets menant au barrage de la Grande-Dixence (itinéraire disponible ici), on retrouve rapidement le sourire (et des sensations aux bouts des doigts). Le moteur est enjoué et fait preuve d’une belle vivacité. Les 74 canassons sont volontaires, mais exigent d’être cravachés pour les exploiter pleinement. Heureusement, les vitesses passent en douceur et le levier d’embrayage ne requiert que peu de poigne.
Le freinage offre un excellent feeling. Confié à un double disque «pétale» de 282 millimètres de diamètre à l’avant et un simple disque de 245 millimètres à l’arrière, il s’avère suffisamment puissant. Son mordant est par contre un poil incisif, et peut vite faire plonger la fourche, au réglage d’origine plutôt «confortable», lors de freinages appuyés. La position de conduite, buste légèrement penché sur le large guidon, permet d’attaquer sans arrière-pensée, avec un train avant qui offre un bon retour d’informations. Les suspensions, justement, sont réglables en détente et en précharge. Elles font preuve de souplesse et offrent un confort bienvenu, tout en avouant leurs limites si l’on tente de trop augmenter le rythme. Ce n’est pas parce que la Tracer 700 possède un faux air de R1 qu’elle peut prétendre aux mêmes velléités sportives que sa grande sœur de sang. Mais pour autant, elle est vraiment joueuse et offre de belles sensations, entre partie-cycle agile et caractère moteur enthousiasmant. Une belle réussite, et un chef d’œuvre d’équilibre.
A un rythme plus raisonnable, imposé par l’état de la petite «route des Montagnes» qui serpente entre Bassins et le col du Marchairuz, on ne peut que louer le confort offert par le combo «selle moelleuse + suspensions souples». Dans ces conditions d’adhérence dégradée, la petite Yamaha sait mettre son pilote en confiance. Le châssis équilibré et la répartition des masses y sont pour beaucoup, mais les pneus d’origine jouent également un rôle essentiel. Les Michelin Pilot Road 4 offrent en effet un très bon ressenti, sur le sec comme sur le mouillé. Même sur des petites pistes caillouteuses, il n’a pas été possible de les prendre en défaut. A l’heure où il n’y a pas de petites économies, il convient de saluer le choix, en première monte, de Yamaha. Il n’y a certes, pas d’antipatinage (qui aurait pu rassurer un jeune utilisateur), mais preuve en est que ce n’est pas nécessaire, tant les enveloppes pneumatiques font preuve de prévenance.
By night
Le tableau de bord, LCD à affichage négatif, est une bonne surprise. Complet, il affiche en tout temps l’heure, le rapport engagé ainsi que la jauge à essence. D’autres informations peuvent également défiler, via la commande au guidon : deux trips, consommation moyenne et instantanée, température du moteur, ainsi que la température extérieure. Attention, cette dernière peut se montrer farfelue, passant de 23° en roulant à plus de 30° une fois la moto arrêtée. Très lisible en plein jour, même avec des lunettes de soleil, il s’avère cependant aveuglant de nuit, allant jusqu’à perturber le champ de vision du pilote. Un simple réglage de l’intensité jour/nuit aurait permis de régler ce petit problème.
De nuit, toujours, on peut compter sur un éclairage puissant, bien qu’un peu éblouissant sur les éléments de signalisation routière. Étroit en code, il éclaire suffisamment loin en feux de route et mériterait de pouvoir coupler les deux pour offrir une couverture lumineuse optimale. Bien sûr, pas de rétro-éclairage des commodos sur cette Yamaha Tracer 700, mais le positionnement des commandes est suffisamment intuitif pour s’en passer.
A quoi bon avoir plus ?
La question qui est posée est la suivante: a-t-on besoin de plus? Plus de puissance, plus de couple, mais aussi plus de poids? Plus d’électronique et de débauche technologique, mais aussi plus de risques de panne? Peut-on se faire plaisir en 2020 avec une moto neuve à moins de 10000 francs? Pour ma part, la réponse est sans ambiguïté: Yamaha a conçu avec la Tracer 700 une moto simple, mais aboutie, qui offre une facilité d’utilisation déconcertante, de belles capacités d’évasion et une bonne dose de fun à l’usage. Ne lui manque qu’une paire de valises et une bulle haute pour vous emmener au bout de vos rêves.
Infos sur le site de Yamaha Suisse.
Je lis votre essai après avoir reçu la mienne. Je l’ai commandée apres un essai qui m’a mis la banane sous le casque. Cette moto signe le retour des moto simples et légères tels les trails des années nonante avec des évolutions technologiques plus récentes. Phares LEDs, ABS, suspensions réglables, bulle reglable. La puissance est suffisante pour tous les jours et s’amuser sur les petites routes le weekend et finalement pas si chère face à sa concurrence qui apparait maintenant très datée. Je suis par contre mesuré pour les jeunes permis avec un frein moteur dont il faut se méfier au retrogradage pour ne pas bloquer la roue tout comme l’Abs qui tarde à se déclencher le tout autorisant quelques travers qui pour ma part me plaisent beaucoup et ajoutent au côté joueur du moteur. J’ai aussi essayé la tiger 900 bien plus chère et équipée mais finalement pas pour moi. Plus efficace certes mais terriblement lineaire et finalement sans âme.