Indian Challenger Limited, la bagger attitude
L’Indian Challenger Limited fait partie de la famille des ‘’Baggers’’ facilement identifiables par leur grande roue avant ainsi que des lignes étirées sur l’arrière leur donnant un effet visuel de vitesse même à l’arrêt, par une selle en position basse et une gueule agressive. La Challenger adopte cette recette tout en innovant grâce un nouveau moteur V2 à refroidissement liquide de 1800 cm3. Nous avons fait connaissance avec ce mélange détonnant sur les routes de Suisse.
Je n’ai jamais caché mon scepticisme face à ces Cruisers à l’américaine aux gros V2. Selon moi, ils sont plus aptes à rouler le long des grandes lignes droites des Etats-Unis que sur les routes sinueuses de nos contrées. Mais comme je ne suis pas insensible à leur charme esthétique, j’ai souvent soutenu que j’aurai plus de plaisir à en exposer un dans mon salon que de rouler avec. Ça c’était avant que je puisse tester la toute nouvelle Indian Challenger Limited (il existe aussi une sous-variante dite Dark Horse).
Tout va bien se passer
Pour lancer cet essai, je trace la route au guidon de ma grosse routière (d’une autre marque qu’Indian) et rejoins les collines surplombant la ville de Lucerne. J’ai rendez-vous chez l’importateur Indian, afin de prendre possession pour une semaine d’une Indian Challenger Limited.
Devant moi, le bagger en impose dans sa robe rouge pailleté; j’en fais le tour, ça prend du temps, l’énorme carénage m’interpelle alors que j’apprécie les lignes fuyantes de son arrière-train. Je la découvre tout en écoutant Luis, responsable du marketing de la marque en Suisse. Il m’informe sur quelques astuces, principalement concernant l’écran du tableau de bord. Pour le reste, me dit-il, « tu verras bien en roulant, pas de panique, tout va bien se passer ».
Je prends place à bord. La selle, accueillante, se trouve dans une position étonnement basse (672 mm). Les personnes de taille moyenne n’auront aucune peine à mettre les deux pieds bien à plat au sol. Je la relève de la béquille latérale, ouf, les quelques 381 kilos annoncés, tout pleins faits, sont bel et bien là. Devinant mes pensées, Luis m’assure qu’une fois en mouvement, le poids se fait oublier. Et la suite va lui donner raison.
Traversée de Lucerne en plein midi
Sur l’Indian Challenger Limited, la position est agréable, les marche-pieds ne sont pas positionnés trop en avant. L’impressionnant guidon d’une largeur de 88 cm dont l’extrémité se situe à pas moins de 30 cm en avant du té de fourche, n’oblige pas à relever les bras excessivement; des bras qu’il vaudra mieux avoir longs lors des manœuvres.
Mais effectivement, la première impression de lourdeur a disparu dès les premiers mètres. Après quelques minutes, je me retrouve en plein midi à l’entrée de Lucerne, que je vais devoir traverser. Pas question de se faufiler. Je suis le mouvement en souhaitant ne pas me tromper de direction afin d’éviter de devoir faire un demi-tour. Je prends confiance, la Challenger, certainement grâce à sa roue avant de 19 pouces, Bagger oblige, et à une monte en pneus d’une largeur contenue, reste relativement maniable. Il ne faut cependant pas perdre de vue ses dimensions hors normes. Mes pieds retrouvent tout naturellement leur place après chaque redémarrage. J’évolue à très bas régime, profitant de la souplesse et du couple du moteur. A croiser les regards des automobilistes lors des arrêts aux feux de signalisation, je confirme que l’Indian Challenger n’est pas l’engin idéal pour celui qui souhaite se déplacer en toute discrétion. Et encore je n’avais pas enclenché la sono!
A l’attaque des routes de montagne
L’épreuve de la ville est en passe de n’être plus qu’un souvenir. Mais de loin pas un mauvais souvenir comme je l’avais craint auparavant. Je me dirige en direction de Sarnen; la ville fait place à une semi-autoroute. J’en profite pour faire joujou avec la commande électrique de la bulle ; en position haute, la protection est bonne, seules quelques faibles turbulences sont ressenties sur le haut du casque. Les petits déflecteurs latéraux remplissent aussi très bien leur rôle. De plus, ainsi positionnée, la bulle ne gêne nullement la vision.
Je goûte et apprécie le confort de suspension ainsi que celui de la selle. Le petit dosseret me cale idéalement le bas du dos. Je roule à 100 km/h en 6e. Le gros V2 ronronne alors à 2500 tr/min. La cartographie moteur propose 3 réglages différents: les modes Pluie, Normal et Sport. La sélection se fait via l’écran central et tactile, de même que l’activation ou non de l’anti-patinage. Depuis mon départ, et selon les conseils de Luis, je cruise sous le mode Normal, réglage recommandé au moment de se mettre en main la bête.
A l’approche des premières routes de montagnes, je passe en mode Sport avant d’attaquer les premières courbes du col du Glaubenberg. Le moteur devient alors plus réactif. Le son des échappements une fois dans les tours, se fait plus rageur. On ne ressent que très peu de vibrations. La Challenger, grâce à son cadre alu, garde sa trajectoire avec précision. La moindre rotation de la poignée droite vous propulse en avant avec force. Pas besoin de monter dans les tours, le terrain de prédilection du moteur se situe entre 2000 et 4000 tr/min. Il suffit d’enrouler en 3 et 4e.
Et les freins me direz-vous? Et bien dans ces conditions d’utilisation, les freins avant remplissent fort bien leur tâche. Leur efficacité ne fléchit pas tout au long de la descente du col. Il ne faut pourtant pas perdre de vue que vous avez près de 400 kilos hors passagers et bagages à ralentir. Les freinages demandent donc de la poigne pour être vraiment efficaces. Le bémol se situe au niveau du frein arrière: tout d’abord son maniement n’est pas aisé puisqu’il faut soulever le pied du marche-pieds pour l’actionner. Et c’est à ce moment qu’on se rend compte de son manque d’efficacité.
À ma grande surprise la garde au sol est bonne et permet quelques fantaisies. Comme bien d’autres motos d’un poids élevé, la Challenger n’apprécie pas d’être brusquée, d’arriver debout sur les freins dans une courbe. Dans ces conditions le transfert des masses vous fera part de sa désapprobation en vous éjectant de votre trajectoire. La garde au sol vous montrera alors ses limites. L’Indian demande une conduite en finesse. Un passage en courbe sur le filet de gaz et à ce moment, l’anti-patinage aidant, vous pourrez remettre rapidement la patate afin de profiter du fabuleux couple de 178 Nm.
Me voici maintenant sur la route du Schallenberg. Comme lors de chacun de mes passages, je reste admiratif face à la beauté de la région et de ses nombreuses fermes magnifiquement fleuries. La Challenger avale les grandes courbes avec précision. Sa partie cycle ne rechigne pas à l’effort tout en offrant un excellent confort. La boite 6 vitesses est précise. Chaque changement de rapport est accompagné d’un gros « klonck ». On est au moins sûr que le rapport est bien rentré. Son maniement est aisé et le point mort facile à trouver. La transmission par courroie se fait quant à elle totalement oublier. La commande d’embrayage assisté est ferme mais pas trop et ne propose pas de réglage, à l’opposé de la commande de frein qui elle en est pourvue. La fluidité de la circulation me permet de maintenir un rythme soutenu. Je rejoins Thoune puis continue ma route en direction de la vallée du Simmenthal.
Tout au long de mon cheminement, je suis attristé par le fait que bien des motards croisés n’ont pas répondu à mon signe de la main. Visiblement, pour certains, être au guidon de ce genre de motos vous écarte de la grande famille des motards!
Au fil des kilomètres, je me familiarise avec cette Challenger, son poids, sa corpulence ne sont plus des handicaps. À l’assaut du col du Jaun je commence à m’amuser avec. Alors oui, par deux fois les marche-pieds frottent au sol, sans pour autant me mettre en danger. Mais quel pied, je n’aurais pas imaginé avoir autant de plaisir à son guidon en la découvrant il y a quelques heures. Les bras s’allongent à chaque sortie de virage. Le bruit à l’échappement, accompagné par quelques pétarades lors des décélérations, rappelle immanquablement certaines anciennes Harley sans toutefois être trop envahissant.
Je retrouve l’autoroute pour la fin du parcours. La journée a été longue et malgré le grand confort qu’offre ma monture je commence à ressentir la fatigue après plus de 600 kilomètres effectués depuis ce matin. Et demain c’est un nouveau « challenge » qui nous attend, mon Indian et moi.
Bienvenue au club
A mon réveil le ciel est sombre ; nous avons prévu une sortie avec les membres du Moto-Club La Côte, une belle journée en perspective. Malheureusement, le temps de me préparer, la pluie se met à tomber, va falloir assurer au guidon de la Challenger.
Mon arrivée provoque l’étonnement général. J’en profite pour prendre les premières impressions à chaud. Les avis sont très partagés, certains adorent cette Indian Challenger Limited, d’autres n’aiment pas. Mais ce qui est sûr c’est qu’elle ne laisse personne indifférent, le carénage étant la partie la plus controversée.
Je profite que tout le monde est autour pour en faire la présentation générale.
Présentation
Fourche inversée de 130 mm de débattement, étriers Brembo radiaux 4 pistons, doubles disques semi-flottants de 320 mm, le train avant est digne d’une sportive. Seule la roue de 19’’ surprend dans cet entourage. La suspension arrière fait appel à un amortisseur Fox à ajustement hydraulique d’un débattement de 114 mm. Le simple disque flottant arrière mesure 298 mm de diamètre. Il est pincé par un étrier radial 2 pistons. La roue arrière est une 16’’.
Le nouveau moteur Powerplus refroidi par eau est bien sûr la pièce maîtresse de l’ensemble. D’une cylindrée de 1768 cm3 exactement, il développe 121 chevaux à 5500 tr/min. Mais plus que la puissance c’est bien le couple impressionnant de 178 Nm à 3800 tr/min qui forge le principal trait de caractère de l’Indian Challenger Limited. Ce moteur dont l’étude provient d’une société suisse peut se prévaloir d’une belle présentation. L’inscription ‘’1901’’, année de création de la marque, gravée sur les carters et le cache du filtre à air n’est autre qu’un pied de nez à sa concurrente de Milwaukee créée en… 1903 !
Avec une consommation mesurée de 5,9 litres au cent, le réservoir d’une capacité de 22,7 litres assure une autonomie de 380 km. À l’usage, il faut éviter de faire confiance à l’indicateur d’autonomie assez fantaisiste. L’ouverture de la trappe se fait via une commande située sur le côté droit du carénage.
Les valises sont pourvues d’un verrouillage centralisé. Mais à l’instar d’autres membres de la famille ‘’Bagger’’ n’essayez pas, même en pensée, de glisser votre casque à l’intérieur, sauf peut-être si vous roulez en Cromwell de la belle époque.
Des coffrets disposés de chaque côté du carénage viennent compléter l’offre de chargement. Celui de droite est équipé d’une prise USB vous permettant de recharger votre smartphone tout en roulant. Le constructeur annonce une capacité totale de chargement de 68 litres.
Crash-bar, démarrage sans clé, Cruise-Control, pare-brise électrique font partie de l’équipement d’origine, contrairement aux poignées chauffantes mesquinement proposées en option sur une machine frôlant les 34500 francs!
Les deux cadrans vous informent sur la vitesse, le régime moteur, le rapport engagé. Une jauge à essence vient compléter le tout. L’écran tactile de 7’’ permet de paramétrer les fonctions de la machine. D’un doigt, même ganté, il est facile de personnaliser les différentes informations. Connexion Bluetooth, GPS, ordinateur de bord, système audio, rien ne manque sur cette Indian Challenger Limited. Le niveau du son de ce dernier s’adapte automatiquement à l’ambiance sonore. Si la puissance est largement suffisante, la qualité du son pourrait être meilleure.
Après les présentations il est temps de prendre la route; la pluie s’est calmée mais la chaussée étant détrempée je passe en mode Pluie. Quelle différence, je me retrouve avec un moteur ayant perdu tout son caractère, victime d’une castration totale. Je repasse vite au mode Normal, bien mieux adapté aux conditions climatiques du jour.
Séance de musculation
Le G.O. du jour nous emmène en direction de la Vallée Verte en Haute-Savoie. Les conditions s’améliorent mais la chaussée tantôt sèche tantôt humide incite à la prudence. Le haut niveau de confort présente dans ces conditions un désagrément. On semble isolé, incapable de ressentir les sensations ou les avertissements que pourraient fournir les pneumatiques, des Metzeler Cruisetec au demeurant irréprochables. Dans ces cas, il vaut mieux faire preuve de sagesse et rendre la main.
Tout au long de la journée notre guide nous fait découvrir une bonne dizaine de cols dans les environs de Morzine. Je n’ai pas compté le nombre d’épingles négociées, mais mes bras s’en souviennent. La Challenger, même si elle ne démérite pas, devient lourde à manier dans ces conditions. Bien sûr, on n’achète pas un bagger pour faire des courses de côte me direz-vous. Mais cette expérience me permet d’affirmer qu’à son guidon presque tout est possible. Je suis tout de même satisfait de poser ma monture en fin de journée après plus de 300 kilomètres de petites routes de montagne.
Les jours suivants, je retrouve des routes plus adaptée à la Challenger. Tout en parcourant le pays d’Enhaut, le col des Mosses, le Pillon, Les Diablerets, le Col de La Croix, je profite de son excellente capacité à enfiler les grandes courbes dans un confort royal. La Challenger se sent à l’aise sur ce genre de parcours, là où je n’aurais pas imaginé l’emmener avant le début de cet essai.
Séance nocturne avec les phares de l’Indian Challenger Limited
Ne reculant jamais devant l’effort à la tâche, c’est à la nuit tombante que je pars en direction de la Vallée de Joux pour une balade nocturne.
L’éclairage avant entièrement à LED ainsi que la signature visuelle bien reconnaissable assurent une vision nocturne confortable. Il n’y a guère que l’éclairage des bas-côtés qui pourrait être amélioré. Par contre le basculeur croisement/grand feu est trop éloigné de la poignée. Il aurait été judicieux de l’inverser avec la commande de l’avertisseur sonore. L’illumination du sol au moment de mettre ou couper le contact est certes un magnifique coup de frime. Mais on aurait préféré trouver en lieu et place des commandes rétro-éclairées bien plus utiles, surtout sur une machine de ce prix. La luminosité de l’écran tactile s’estompe automatiquement dès qu’il fait plus sombre, comme par exemple au passage d’un tunnel. Cette fonction, comme bien d’autres, est déconnectable. L’éclairage arrière, quant à lui, cohabite avec les clignotants. La tête d’indien surplombant le garde-boue avant n’est pas lumineuse contrairement à ce qu’on trouve sur d’autres modèles de la marque.
Fin de l’aventure
Après l’immuable séance photos, il est temps de la restituer. Départ par l’autoroute jusqu’à Lucerne, le cruise-control bloqué à 120 km/h; à cette vitesse il semble que la Challenger peut vous emmener au bout du monde, confortablement installé, les haut-parleurs diffusant un air de country.
Après plus de 1800 km passés à son guidon, je sais maintenant que l’Indian Challenger Limited est bien plus polyvalente que sa face digne d’un camion américain ne le laisse augurer. Avec elle, vous profiterez du confort mais aussi de la possibilité d’enrouler le long des routes sinueuses en toute quiétude, notamment grâce au couple distribué plus que généreusement par ce nouveau moteur.
Et si une fois un gros Bagger trône dans mon salon, ce sera proche de la sortie, prêt à bondir !
Hello Grégoire. Superbe l’article sur Indian. Merci et cordiales salutations.