Une R18 colossale et qui vous fait vibrer
Nous avons pu tester en exclusivité suisse le nouveau cruiser de BMW, avec son gigantesque moteur boxer refroidi par air et son style incomparable. La machine est vivante, pas sans petits défauts, mais on ne s’ennuie pas une seule micro-seconde à son guidon!
Quand on monte à bord d’une R18, on est sûr de vivre une aventure. Même si ce n’est que sur quelques kilomètres. Un peu comme sur une grosse Harley ou une Indian de bonne taille, mais à la façon allemande. Cette moto, un tout nouveau modèle pour 2020, est équipée du plus gros moteur boxer refroidi par air qui soit disponible (1802 cm3). Et nous avons eu le privilège de l’essayer durant quelques jours, grâce à l’exemplaire aimablement prêté par la concession Facchinetti Motos de Crissier, dans le canton de Vaud.
Le premier contact avec ce monument mécanique s’effectue de nuit, la concession étant déjà fermée quand je suis venu prendre la machine. La clé sans contact dans la poche, il suffit d’une pression longue sur un bouton du commodo droit pour donner vie au tableau de bord arrondi qui mêle un compteur avec aiguille et une petite fenêtre à cristaux liquides. C’est joli et sobre. Et puis on tire le levier d’embrayage en appuyant sur le contact, et l’immense twin prend vie. Il le fait en secouant moto et pilote de droite à gauche.
C’est l’effet du célèbre couple de renversement propre à ce genre de moteur. Mais ici, c’est facteur trois ou quatre par rapport à une BMW R NineT (pour donner un exemple). Et le moto vibre avec un bel enthousiasme au rythme de ses deux gros pistons.
On est assis passablement bas sur ce cruiser aux dimensions (pour ce qui est de la longueur) de porte-avion. Les premières manoeuvres sont donc à effectuer avec une certaine prudence. Surtout au vu du poids (345 kg en ordre de marche) de cet avion… pardon, de cette moto, et de la taille (19 pouces) de sa roue avant.
Au passage, il est bon de savoir qu’en déboursant un peu plus que les quelque 23650 francs que coûte cette First Edition, on peut équiper le monstre d’une marche arrière. Pour les manoeuvres, justement.
Passer le cap des manoeuvres à basse vitesse
Le guidon est bien recourbé et offre un bon bras de levier. Mais à basse vitesse, sur une R18, il faut aussi bien déplier les bras pour accompagner le mouvement quand on tourne. La R18 est une moto physique pour son pilote. Dès que l’on dépasse les 20 km/h, tout ça devient plus naturel et on ne sent plus vraiment le poids. Ou beaucoup moins.
On a à disposition trois modes de pilotage que BMW a appelé « Rain » (pluie), « Roll » et « Rock ». Pas besoin de faire un long dessin. C’est déjà pas mal en mode « Roll », mais encore plus réactif quand ça rock! Une petite rotation de la poignée des gaz vous propulse en avant sans effort dans une accélération digne de tout respect. Ca ne coupe peut-être pas autant le souffle que sur une hypersport dans les bons régimes ou une Triumph Rocket 3, mais c’est du costaud.
Le son d’aspiration qui émane alors du moteur est sympathique. Une sorte de gentil grondement d’un géant qui se réveille. Et les échappements se mettent eux aussi à vivre, sans pour autant agresser vos oreilles, ni d’ailleurs celles des passants. Certains trouveront que tout cela est un peu assourdi, mais perso je pense qu’il se passe de toutes façons bien assez de choses avec ce gargantuesque moteur sans qu’il soit à tout prix besoin de faire plus de bruit en se déplaçant.
On éprouve une petite surprise au moment de passer la deuxième. En effet, le sélecteur est placé juste sous l’énorme cylindre gauche. Il faut une botte ou une chaussure (et une pointure) pas trop massive pour trouver le levier et effectuer le mouvement vers le haut. Ou alors choisir de le faire avec le talon, mais dans ce cas il faut bien soulever l’entier du pied. Comme sur une moto américaine, grâce à un sélecteur à double branche. Cela ne rend en tout cas pas les changements de rapport très rapides.
On a six vitesses à disposition, et un peu plus de 5700 tr/min comme maximum. Mais c’est un peu un contre-sens d’aller plus haut que les 3500-4000 tr/min. Déjà parce que le couple maximum est atteint à 3000 révolutions, et ensuite parce que le taux de vibrations monte lui aussi. Et puis c’est un tel plaisir de foncer vers l’horizon sans le moindre effort!
En rétrogradant on utilisera exclusivement le levier avant. Avec un peu d’habitude, tout se passe bien, on le trouve à tous les coups avec la pointe du pied, sans les tâtonnements du début.
Et quand on veut tourner? eh bien il suffit de tenir compte d’abord de la longueur de la R18, et ensuite de la position basse de ses platines repose-pieds. Parce que oui, ça frotte facilement sur le bitume. Rien de dangereux, mais il vaut mieux adopter un style fluide. Le cadre de la moto est cela dit suffisamment rigide pour autoriser une conduite quasi sportive.
Fourche costaude, amortisseur court
La fourche télescopique, elle aussi monumentale, encaisse facilement ce que la route peut lui proposer, qu’il y ait des bosses, des trous, ou que l’asphalte soit régulier. L’amortisseur arrière, lui, a plus de peine. Il est taré rigide et le débattement n’est pas énorme (90 mm). Donc on en vient assez vite à rendre la main pour ne pas finir la journée avec un mal de lombaires caractérisé.
Les freins ont de la force; ils ont moins de mordant (à l’avant) que par exemple ceux de la R NineT dans la même gamme « Heritage » de BMW. Le dosage ne pose par contre pas de problème particulier. On dira juste que les gros disques de 300 mm et les deux étriers à 4 pistons sont routiers plus que sportifs.
Imperturbable même quand elle dérape
Ce qui est sûr, c’est que la R18 est stable, du fait de son empattement camionnesque et de sa géométrie très étendue (plus de 30 degrés d’angle de chasse). Il arrive que le gros pneu arrière dérape à l’accélération si la moto se trouve sur l’angle, mais tout revient très vite dans les clous. Surtout si l’on a le contrôle de traction activé. On signale que les deux aides électroniques au pilotage, ABS et contrôle de traction, sont assez basiques (et interviennent un peu tôt parfois sur l’arrière pour l’ABS), tout en étant efficaces. Encore une fois, la longueur de la R18 aide fortement à stabiliser ledit pilotage.
En mode Rain (on a essayé en conditions réelles, soit sous la pluie), la réponse à la poignée des gaz est plus douce. Mais la moto est de toutes façons imperturbable, même lors de bons freinages en entrée de courbe. Et de nuit, le gros projecteur à LED est dans la norme. Il éclaire très bien en feux de route, correctement en feux de croisement.
Si l’on doit se déplacer sur voie rapide, pas de problème pour le moteur, qui tourne presque paresseusement à 120 km/h juste en dessous des 3000 tr/min. Le régime moteur est visible sur la petite fenêtre digitale du tableau de bord, mais il faut choisir entre lui et d’autres infos, comme les km parcourus, la consommation instantanée ou moyenne d’essence, la tension de la batterie, etc. Il n’y a pas de jauge d’essence. Dans notre courte expérience, il devrait y avoir assez de benzine pour parcourir un peu plus de 200 km – à une allure rapide. La protection contre le vent est inexistante pour le haut du corps, et on se prend tout dans la figure. Il vaut mieux avoir un casque intégral de bon aloi! Les tibias, eux, sont parfaitement abrités par les deux monstrueux cylindres à plat. BMW propose déjà différents pare-brises au rayon des accessoires – douze très exactement.
Petits conforts et customisation
Les petits conforts typiques de BMW sont présents sur cette moto épurée. On a des poignées chauffantes ajustables (une option payante), des clignotants qui s’éteignent tout seuls – on les a déjà mentionnés, tout comme le contrôle de traction déconnectable – une aide au démarrage en côte, que l’on peut désenclencher, et une marche arrière optionnelle, que nous n’avons pas testée. Pas de régulateur de vitesse (mais ça va peut-être venir sur une version ultérieure), de prise USB, de connectivité avec un smartphone. On fait dans une certaine sobriété. Le bouchon de réservoir n’est pas articulé sur charnière, et il faut le poser pour faire le plein.
De nombreuses parties de la moto sont personnalisables: à la place des pots d’échappement dits en queue de poisson (« Fishtail »), on peut par exemple opter pour des exemplaires conique. On peut installer un guidon haut de type « Apehanger » (on est comme suspendu à lui avec les bras, à la manière d’un singe), une selle mono- ou bi-place, un dosseret pour le pilote, des cache-culasses noirs, un support de plaque léchant la roue arrière et rattaché au cadre postérieur, et ainsi de suite. De quoi alourdir encore un peu la facture, mais c’est le jeu.
Une R18 vivante (très)!
Après quelque 200 km parcourus au guidon de la R18 dans cette première édition, on retiendra que c’est une moto pleine de ce qu’on appelle du caractère. Elle n’est pas parfaite, elle est physique à manoeuvrer, elle vous fait bien ressentir trous et bosses et elle frotte en virage dès qu’on penche un peu sérieusement. Mais à son bord chaque ride est une aventure et une expérience pour les sens. La vue est bien sûr concernée au premier chef, avec ce monumental Flat Twin, avec les liserés peints à la main sur les flancs du réservoir et le garde-boue arrière, avec le logo vissé sur le réservoir, l’arbre du cardan exposé à la vue, les inscriptions « Berlin Built » (fait à Berlin) sur les réservoirs de liquide de frein et d’embrayage, etc.
L’ouïe est évidemment sollicitée, quel que soit le régime de rotation du moteur, qu’on accélère ou qu’on rétrograde – avec quelques explosions bien senties – et avec toujours ce grondement rond et puissant.
Le toucher n’est pas en reste, grâce entre autres aux vibrations de grande ampleur ressenties au guidon, dans les repose-pied et à travers la selle.
On a même droit à ce léger fumet d’huile un rien cramée propre aux gros boxer BMW refroidis par air et huile! Il nous tarde de réaliser un second essai, cette fois-ci sur une plus longue durée…
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