Essai rétro – La Ducati 851 Superbike, l’essence d’un mythe
ActuMoto.ch ouvre un nouveau chapitre aujourd’hui, avec des essais rétro: nous vous présentons ces motos qui ont alimenté nos rêves et montré la voie aux ingénieurs, pour créer les divas d’aujourd’hui! La première de cette nouvelle série est la « nonna » parmi les Superbike de Bologne.
J’ai la chance de monter en ce jour sur une des pierres angulaires de l’histoire de la firme de Bologne, la Ducati 851. Elle n’est d’ailleurs pas arrivée dans la gamme Ducati tel un cheveu sur la soupe; c’est le résultat d’une évolution commencée au début des années 80′.
C’est en l’an 1981 qu’est apparue la fameuse Pantha 600 SL, qui exhibait déjà son cadre treillis et qui devint le fer de lance de la marque, par son moteur en V à 90 degrés et ses gros freins Brembo. Il fallut attendre 1985 – et quelques saisons de course – pour voir débouler la Ducati 750 F1, la première « Racing Replica » monoplace dérivée directement de la compétition, avec moins de 200 kilos sur la balance et un énorme bagage technique sous les carénages. L’évolution en cours fit passer le bloc moteur à 4 soupapes par cylindre: le desmoquattro qui équipe notre essai du jour était né! Il fallut encore attendre 1988 pour voir apparaître la 851 en concession, son cadre étant une évolution de celui de la Pantha avec son bloc moteur porteur. Une machine bien en avance sur son temps.
Premier contact
Le ciel est aussi rayonnant que mon humeur, en ce matin de début septembre. En effet, j’ai rendez-vous chez mon acolyte et photographe Mathias, dans le but d’échanger ma 1198 contre la fameuse Desmo 851. Voilà de nombreuses minutes que j’use mes bottes en faisant des allers-retours devant ma superbike. Un doux son grave vient alors à mes oreilles, je me retourne et croise le regard de cyclope de la Ducati… elle est là!
Les présentations sont faites, ainsi que les innombrables remerciements adressés à Laurent Scotti, ce collectionneur passionné qui à bien voulu me laisser essayer son trésor du passé. Je commence à admirer le monstre, et tout y est: des cotes trapues, un design alliant rondeur et coups de serpe, ce feu avant carré rappelant les ténors de la fin des Eighties, et ce cul de selle issu du cubisme… une beauté!
Contact enclenché, la pompe à essence gave la rampe d’injection (déjà présente sur un modèle de 1992). Une légère pression sur le démarreur et l’italienne prend vie dans un mélange de vibrations et de bruits métalliques qui ne laisseraient personne indifférent. J’enclenche la première et laisse doucement filer la moto à la poursuite de mon photographe préféré, histoire d’immortaliser ce moment magique.
Première constatation: Ducati ne devait pas connaître le sens du terme « ergonomie »! J’ai les jambes vraiment très repliées à son bord malgré mon petit mètre septante-cinq. Mais les poignets, eux, ne sont pas trop bas. On est loin de la séance de torture qu’inflige une 916. Le premier bout de virage se dessine devant moi, j’esquisse une entrée et j’ai l’impression que la communication avec le châssis a été interrompue. Cebb, réveille-toi! cette mamie ne se laissera pas guider du bout des doigts telle une moto actuelle!
A la première escale, je jette un œil aux pneumatiques de la belle, et je constate qu’elle est chaussée d’enveloppes Touring légèrement déformées, qui ne doivent pas aider à la vivacité de la machine.
Puis c’est l’arrivée sur le fameux – mais trop court – tracé de la montée de Verbois, lieu de la course de côte genevoise depuis plus d’un demi siècle (elle aura lieu cette année, voir notre agenda), pour immortaliser la belle de manière dynamique. Je laisse le photographe trouver son spot et me concentre sur un léger chauffage des gommes. J’effectue un premier passage à allure nonchalante, histoire de comprendre le mode d’emploi de la 851 et surtout de trouver l’emplacement de mon compère.
Second passage, en haussant légèrement le rythme; j’arrive au virage sélectionné et tente un passage engagé, mais le pneu avant me rappelle à l’ordre. Il va vraiment falloir y aller cool. Les passages se suivent et on me fait comprendre qu’on a rempli le stock de portraits de ma monture du jour. Malgré tout, cette moto me saisit par sa rigidité et ses compétences. J’ai vraiment hâte de pouvoir l’exploiter sur un tracé plus en relief.
Les adieux se font et l’heure du repas approchant, je laisse la rouge parquée sous les yeux émerveillés des badauds. C’est impressionnant à quelle point elle attire le regard du piéton.
Une balade hors du temps
L’après-midi s’annonçant estival, je me décide à traverser la cité de Calvin en direction de la Haute-Savoie. C’est un exercice aisé aux commandes de la Superbike qui, en plus de repartir dès le ralenti, est aidée par une finesse digne des Supersport actuelles. Un demi-tour à effectuer? Passez votre chemin, car cette moto semble dépourvue de roulements de direction, tant son angle de braquage est camionnesque. En même temps, il est vrai que ce n’est pas ce qu’on demande à une grappilleuse de chrono.
La douane passée et les habitations écartées du paysage, je me décide enfin à explorer la partie droite du compte-tours… et là, surprise! Mais c’est que mamie Ducati 851 n’avait pas dit son dernier mot! Le couple me semblait jusqu’ici gentillet pour un tel cubage, et je me retrouve à présent avec un moteur rageur! La machine file sans vergogne en direction de son pic de régime. Il y a pourtant bien inscrit 105 ch sur la fiche technique. C’est un régal, tant pour les sensations que pour mes oreilles.
Le système de freinage signé Brembo se montre en accord avec les performances de la 851, tant qu’on apporte une pression vigoureuse sur le levier. La tenue de cap est impériale, mais ne laisse aucune place à l’approximation; dès que l’on donne à la moto une direction en courbe elle n’en sortira plus. A ne pas mettre entre toutes les mains…
La bulle offre une protection satisfaisante, et je ne suis pas obligé d’intégrer mon menton dans le réservoir. Je profite d’un besoin d’hydratation pour parquer la Desmoquattro sur une place de la vieille ville d’Annecy. Au gré de mes différents essais, j’ai pris l’habitude de jauger la beauté d’une machine au regard des passants. Et croyez-moi ou pas, cette moto a déchaîné les passions des petits et grands. Difficile de ne pas être sociable avec une moto qui interpelle autant.
Le temps passe vite lorsque la passion vous envahit, et mon planning du jour, étroitement lié à la marque de Bologne, me force à rebrousser chemin en direction de la ville du bout du lac. Les habituels embouteillages genevois me permettent de me rendre compte, à ma plus grande surprise, que la Ducati 851 ne subit pas les surchauffes rapides caractéristiques des twins italiens.
Côté pratique, une selle arrière de bonne facture est présente sous le capot de selle, alliée à des poignées larges et rétractables dans la coque. Espace qui peut d’ailleurs accueillir une combinaison de pluie et un antivol. On est aux antipodes de la course au poids et à la minimisation actuelle, avec 217 kg en ordre de marche. Mais c’était un record pour l’époque face à la concurrence.
Pour conclure
Une journée aux commandes d’une telle légende roulante intime le respect. J’ai pris un plaisir énorme sur cette Ducati 851, que j’espère vous avoir retransmis au long de cet article. Je remercie d’ailleurs le propriétaire pour sa confiance, Mathias pour son travail photographique ainsi que Xavier Hofer (Ducati Genève) pour le partage de ses connaissances de la machine. Elle fait partie de cette catégorie de motos avec de beaux défauts, qui en font leur charme. Je la quitte les yeux pleins d’étoiles, et me voici quelques minutes plus tard au guidon du V4 de la marque… pour un prochain essai ActuMoto (à lire prochainement). Un vrai choc générationnel !
Pantah…