Ducati Hypermotard 950 SP: la version luxueuse de l’hybride sauce bolognaise
Depuis de nombreuses années, les marques s’affairent à mélanger les genres, dans le but de concocter des motos toujours plus adaptées à nos désirs. KTM lança la première pierre en 2006 avec sa 950 Supermoto, suivie de près par l’Hypermotard 1100. Les dés étaient lancés. J’ai voulu tester cette sorte d’hybride, à mi-chemin entre le supermotard bodybuildé et la sportive dépouillée. Gaz en grand sur les routes de Suisse romande, avec la version SP.
L’Hypermotard a été présentée lors du salon EICMA 2005. Elle cubait alors 1078 cm3, un bouilleur qu’elle partageait avec une autre hybride de la marque, la Multistrada. Elle passa ensuite par plusieurs cylindrées: la 796 vit le jour en 2009, et fut remplacée par la 821 en 2013, puis par la 939 en 2016. Avant de se transformer en la magnifique 950 testée ici.
Pourquoi hybride me direz-vous? Tout simplement parce que cette moto est le résultat d’un savant mélange entre un supermotard d’une part et une sportive. Le résultat est une machine axée 100% sur le fun, mais pouvant également accepter des trajets plus longs et plus rapides, sur des tracés plus larges que les tortueux cols qu’affectionnent en général les supermotards.
Il existe trois versions au catalogue du constructeur transalpin: l’Hypermotard, l’Hypermotard RVE et l’Hypermotard SP. C’est cette dernière, suréquipée, que Ducati Suisse a mise à notre disposition. La SP, comme Sport Production, est véritablement le haut de gamme d’une famille baignant déjà dans le luxe.
Prise en main et aspects pratiques
Le lieu du crime reste le même: Ducati Genève, où je débarque par un soir pluvieux afin de récupérer la belle. L’Hypermotard 950 SP m’attend fièrement, dressée devant l’édifice carougeois, dans sa robe rouge et blanche ô combien classieuse. Je m’approche et découvre les particularités de cette version de luxe. Les suspensions sont signées Öhlins et réglables sur tous les axes.
Les jantes d’origine ont laissé place à des pièces en aluminium forgées made in Marchesini. En plus de sublimer la ligne de la moto, elles amènent un gain de poids indéniable sur les parties mobiles. Le carbone a lui aussi fait son apparition, avec un garde-boue inférieur et un magnifique couvre-courroie à la finition impeccable. Moi qui me plaignais de l’absence de ce matériau lors de mon dernier essai de la Streetfighter V4s, me voici comblé !
Les explications sur l’utilisation des options électroniques faites par Xavier Hofer, saint patron de la concession genevoise, je me hisse sur la moto pour me rendre compte de la hauteur de selle de la bête. La pointe de mes pieds effleure à peine le sol, ce qui risque de rendre les manœuvres délicates. Stay calm. Je sollicite le démarreur et le bicylindre prend vie dans un ronronnement feutré, ce qui est plutôt rare pour une Ducati. Je passe la première et la moto prend ses premiers tours sur le bitume détrempé de la cité genevoise.
Les commandes tombent naturellement sous les mains et la position aussi droite que confortable. La selle, à l’allure étroite, offre même une assise assez confortable. Le moteur est d’une souplesse extraordinaire pour un twin de Bologne et reprend dès le ralenti sur un filet en usage urbain. Le rayon de braquage est, comme vous ne vous en seriez pas douté, minuscule. Il permet de faire des demi-tours sur moins d’une voie de circulation avec une facilité déconcertante ! L’exercice urbain arrive à sa fin et je vois déjà se dessiner devant moi le garage qui fera office d’hôtel pour la durée de l’essai.
Le lendemain, je reprends le chemin du travail avec la belle par les routes tortueuses du Jura. Sorti des encombrements urbains, le moteur me montre son allonge, soit la partie la plus intéressante de ce type de machine face à un supermotard pur jus. À aucun moment, le moteur ne semble à la peine sur route nationale comme le serais une Suzuki DRZ 400. J’adore, mais suis forcé de me retenir à cause de conditions météorologiques désastreuses qui, combinées aux pneumatiques Pirelli Supercorsa SP équipant d’origine la moto, rendent la liaison avec le sol peu optimale.
J’en profite pour analyser la protection qui, vous vous en douterez, n’était pas incluse dans le cahier des charges de la moto. Sur un trajet pluvieux, l’eau remonte dans votre dos par l’arrière de la machine, mais également par le bec de la moto, vous offrant au passage une douche supplémentaire. (Note du photographe: il est impossible de garder l’avant propre à cause de projections et c’est franchement ch… pénible.)
La protection face au vent est du même acabit, la position droite et la tête de fourche minimaliste mettant vos cervicales à rude épreuve dès que l’on force le pas, rendant les trajets autoroutiers assez contraignants. Cela tombe bien, ce n’est pas le terrain de jeu privilégié de cette moto.
La firme de Bologne a revu de fond en comble l’ergonomie à bord, ce qui offre bien plus de possibilités de mouvement sur la selle par rapport à l’ancienne version. L’éclairage, quant à lui, est impressionnant tant par son faisceau que par son éclat. C’est un réel plaisir de voir à quel point Ducati a évolué à ce sujet sur ses nouveaux modèles. Pour ce qui est de l’électronique, les Italiens ont greffé la centrale inertielle à six axes présente dans la Streetfighter qui, comme dans l’hyper-roadster, permet un pilotage sans la moindre crainte de décrochage involontaire. Même lors de la traversée d’une prairie bosselée (pardon, m’sieur Ducati), à aucun moment les assistances ne m’ont lâché. Technologie quand tu nous tiens…
Les modes moteur, facilement sélectionnables grâce aux commandes au guidon, offrent chacun un caractère moteur bien différent. J’ai pour ma part essentiellement utilisé le mode « Sport », qui correspondait le plus à mon style de conduite… bien évidemment ! L’ABS est paramétrable sur plusieurs niveaux, jusqu’à pouvoir faire de belles glisses en entrée de virage. On regrette l’impossibilité de déconnexion de l’ABS à l’arrière, genre supermoto, ce qui aurait sublimé le comportement de notre belle italienne.
Moteur, action, gaz !
Après plusieurs jours de pluie, le soleil tant attendu finit par faire une timide apparition sur nos reliefs helvétiques. Une occasion à ne pas laisser passer ! Je saute dans mon équipement tel un saumon remontant sa rivière natale et me dirige vers mon terrain de jeu favori: les cols! Je commence à mettre du rythme et cherche mes marques. La position, quelque peu déroutante, me fait commettre bien des erreurs. Heureusement pour moi, cette moto a la faculté de pardonner absolument tout à son pilote!
Le moindre de mes cafouillages est effacé par la machine, il faudra juste se méfier lors de freinages sur l’angle, car l’Hypermotard 950 tend à se relever à la prise des freins. Un freinage d’ailleurs très puissant pour la partie avant, qui est confié à des disques de 320 mm pincés par de beaux étriers 4 pistons à fixation radiale estampillés Brembo. Le freinage arrière de la même marque se montre plus timide, l’ABS se déclenchant de manière trop prématuré à mon goût.
Agile avec ses 198 kg tous pleins faits, mais aussi nerveuse, elle n’en est pas pour autant instable. Même à haute vitesse, la moto se laisse guider du bout des doigts. C’est dans cet exercice que la moto mérite son titre d’hybride, car même si la position dite « supermotard » s’applique très bien sur cette machine, le déhanché a également sa place, position dans laquelle je serai d’ailleurs le plus à l’aise tout au long de cet essai.
Une Hypermotard 950 fougueuse au-delà des 6000 tr/min
A ce rythme, le moteur, qui me paraissait trop lisse pour un twin Desmo, révèle son tempérament de feu. Il fait preuve d’une fougue inattendue en dépassant les 6000 tr/min, jusqu’à la coupure d’allumage! Le shifter, quant à lui, est précis et rapide, même lors de rétrogradages de plusieurs rapports en catastrophe, avant une courbe vue au dernier moment. Sur ce genre de terrain, le mot fun est celui qui ressort le plus du comportement de la bête. Malgré une puissance de « seulement » 114 ch, l’Hypermotard 950 vous force à toujours aller plus vite et a tendance à généreusement envoyer sa roue avant en l’air sur chaque irrégularité du bitume… nous sommes vraiment faits pour nous entendre!
Je reçois une invitation à me rendre dans les tréfonds de la Savoie. C’est le moment parfait pour jauger les aptitudes au voyage de de l’Hypermotard 950. Je trace donc un petit itinéraire de 500 kilomètres, qui me permettra d’analyser ses talents de voyageuse.
Et là encore, l’hybride de Bologne ne cesse de m’impressionner par sa polyvalence. La selle, loin du supplice habituel sur ce type de machine, s’avère même confortable et votre fessier en acceptera la compagnie le temps d’un plein. Le confort du poste de pilotage n’est à mes yeux gâché que par de légères vibrations sur les cale-pieds à mi-régime, et par une protection d’échappement prenant la place de votre pied droit en position dite standard. Pas de quoi crier à la torture.
Concernant l’autonomie, et malgré son esthétique minimaliste, le réservoir contient 14,5 litres de carburant. Ce qui permet, avec une consommation vérifiée de moins de 7 l/100 km, d’autoriser 150 kilomètres avant l’allumage du témoin de réserve. Bien appréciable lors de ce genre de balade. L’arrivée à destination se fait sans encombre, mais une question taraude mon esprit: que reste-t-il aux roadsters aujourd’hui ?
Ce dimanche ensoleillé marquant le dernier jour d’essai intensif de cette Ducati, je décide d’écouter les dires de ma troupe motarde du week-end, et de laisser la position supermot’ aux ténors de la catégorie pour me concentrer sur un positionnement plus conventionnel. Je découvre que, quoi qu’en dise votre conscience, il peut être productif d’écouter son entourage. Les trajectoires deviennent d’un coup beaucoup plus fluides et le rythme atteint enfin le niveau que je recherchais.
Encore une bonne surprise. Même en pleine frénésie routière, je me sens chez moi aux commandes de cette Hypermotard 950. L’avant incisif, aidé par la géométrie de la moto, ne donne jamais l’impression de vouloir vous faire faux-bond. J’enchaîne les kilomètres et les courbes à un rythme endiablé, me laissant porter par la voix rauque du twin.
Le retour à la réalité est, encore une fois, ce satané voyant de réserve, qui me force à calmer le jeu jusqu’à la prochaine fontaine de sans-plomb. Les derniers kilomètres se faisant en ligne droite, je laisse le compte-tours accroché aux sommets, pour découvrir une stabilité à haute vitesse à faire pâlir une grosse routière teutonne. Cette moto est vraiment bonne sur tous les fronts!
Supermoto, mais pas seulement
J’avoue avoir commencé l’essai de cette fabuleuse moto avec beaucoup de curiosité, et avoir été plus que surpris par les qualités routières de cette machine. A une époque où notre exutoire passionnel est sous la haute surveillance de Via Secura, il est bon de pouvoir prendre du plaisir à des vitesses « politiquement correctes ». Et du plaisir, cette petite bombe en a à revendre ! Il est même pratiquement impossible de rester sérieux à son bord!
Avec un tarif de 18190 francs pour cette version SP (soit 4200 francs de plus que la version standard de l’Hypermotard 950, affichée à 13990 francs), on égale certes le prix d’une sportive, mais avec la certitude de pouvoir en exploiter les performances. Ducati reste la seule marque à oser ce défi, là où KTM et Aprilia ont d’ores et déjà renoncé à cette aventure qu’est le supermotard musclé. Cette moto est disponible en version 35 kW (47,5 ch), pour ravir les détenteurs du permis « A limité ».
Je quitte cette moto avec, comme à mon habitude, l’envie de la voir compléter ma collection!
Plus d’info sur le site de Ducati Suisse, que je remercie pour la mise à disposition de l’Hypermotard 950. Et merci également à Ducati Genève pour l’accueil et les conseils.
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