Essai MT-09 2021: thérapie de couple réussie
Nous avons pu rouler sur un peu plus de 240 km en Catalogne avec la dernière incarnation du trois-cylindre sulfureux de Yamaha. Son nouveau moteur a gagné en performances et en sensations. Et de manière générale la moto s’est affinée.
« Master of Torque », soit « Maîtresse du Couple »… Voilà comment Yamaha nomma sa série de roadster routier à la sortie de sa fameuse et néanmoins incomprise MT-01 en 2005. La marque aux trois diapasons continua sur sa lancée en étoffant ensuite sa gamme de nombreux modèles, jusqu’à l’arrivée en 2014 de la monture qui nous emmena aujourd’hui sur la Costa Brava, la sulfureuse MT-09 2021 (lire notre essai de la version 2018).
Le principe était simple, créer un roadster facile, au caractère bien trempé et dans un budget raisonnable, Yamaha avait trouvé la clé du succès.
Cette MT-09 fait peau neuve pour 2021 (voir notre article sur la présentation de cette dernière), et nous dévoile un cahier des charges digne du cinéma américain: plus léger, plus puissant, plus performant, plus écologique (passage aux nouvelles normes anti-pollution Euro 5). Sur le papier, tout semble destiné à nous visser un sourire sous le casque, c’est ce que je m’apprête à vérifier pour nos chers lecteurs et chères lectrices.
Voici un résumé de mon essai, face à la caméra, que vous pouvez aussi visionner, avec d’autres, sur notre chaîne YouTube.
Dès le premier regard sur cette moto, on sait à qui on a à faire: des lignes tendues, un design épuré (un peu trop à mon goût), une tête de fourche inédite mais toujours aussi agressive… mais c’est en plissant un peu plus le regard en direction des appendices de la belle qu’on se rend compte du travail effectué par les ingénieurs sur leurs best seller: les anciens freins ont laissé place à des étriers de R1, et la commande des gaz de cette dernière a également été subtilisée.
Les suspensions, qui sur la version précédente étaient selon certains son talon d’Achille, laissent place à une nouvelle fourche et à un nouvel amortisseur Kayaba, réglables dans tous les sens comme. La solution au problème du passé? il me tarde de savoir. En fait, la MT-09 ne partage avec son aïeule que le nom!
Le fameux moteur CP3 qui anime la MT depuis ses débuts en 2014 subit lui aussi une refonte intégrale, la plupart de ses organes ayant été remplacés. Le gain de 42 cm3 offre un regain de couple et de puissance à un moteur déjà plus que démonstratif, et on note au passage une perte de poids de 1,7 kg.
La plus belle innovation technique reste les roues de la nippone, très légères, pour lesquelles Yamaha utilise une technologie directement issue de la production MotoGP, rien que ça… Yamaha, faisant honneur à ses origines musicales, a aussi travaillé son échappement, avec une double sortie sous le moteur qui laisse s’échapper un mélodie agressive digne d’un concert de Metal.
Croyez-le ou non, la comparaison avec l’Akrapovic livré en option fait passer ce dernier pour un saxophone asthmatique… Je peux lire dans les yeux du directeur marketing de la marque que ma journée de demain sera caractérisé par du fun à tous les étages!
Jour J: on roule
Le temps en ce début de matinée nous rappelle que, même en Espagne, l’hiver sévit… Les averses d’hier ont laissé un bitume totalement détrempé, le tout accompagné d’une épaisse couche nuageuse digne d’un Genève à la même période. J’ai eu beau me lever aux aurores rempli d’espoir, rien n’y fait, pour le roulage d’aujourd’hui, nous devrons partager l’asphalte avec l’eau, agrémentée sur les hauteurs d’huile et de terre rouge… un programme de rêve.
Je monte en selle, les deux pieds bien à plat sur le bitume, cette moto semble presque rabaissée tellement elle est accessible pour mon petit mètre septante-cinq. Un léger mouvement sur la clé et l’écran de la belle s’illumine, offrant d’ailleurs toutes les informations nécessaires à vos déplacements quotidiens, que ce soit niveau consommation, température, ou trip kilométrique, tout est d’ailleurs personnalisable facilement même en roulant depuis la molette qui se situe sous votre pouce droit, la belle idée.
Nous quittons timidement l’hôtel de Porta Fira à Barcelone, pour une boucle d’environ 240 km sur un tracé choisi par la marque. Au menu, cols tortueux, petit passage sur la côte et essai urbain. Ce qui frappe dès les premiers tours, c’est la légèreté de tout l’ensemble, mais plus particulièrement du train avant de la MT: la sensation me rappelle un peu le premier contact avec le second opus des modèles de Super Duke 1290. Un feeling déroutant, mais qui, en usage conventionnel, limite les efforts du buste pour guider la moto. C’est un argument indéniable pour une utilisation quotidienne.
Yamaha ne nous avait pas menti lorsqu’ils nous narraient le travail effectué sur la machine pour réduire le poids, qui passe à 189 kg en ordre de marche. L’ergonomie générale à été elle aussi sublimée, ce n’est pas une révolution en soi, mais on est très agréablement assis à son bord, la selle est large, confortable, et laisse une bonne place au pilote pour se mouvoir. Le guidon est quant à lui de bonne dimension, aux antipodes des roadsters sportifs actuels. Les commandes tombent naturellement sous vos doigts et sont faciles d’utilisation.
Quatre modes de conduite sur la MT-09 2021
Je profite d’ailleurs de cette torpeur matinale qui agit encore sur notre groupe pour essayer les différents modes de conduite. Au nombre de 4 pour la réponse de la poignée droite. Le légendaire mode 1 est toujours présent, la clé du bonheur pour tous les afficionados de la « 09 ». Mais il est maintenant utilisable et précis grâce au tout nouveau Ride by Wire emprunté à sa cousine superbike.
Le mode 2 sera lui un mode routier, laissant une pointe d’agressivité de coté, et ravira à mon avis le commun des mortels. Le numéro 3, sera dédié aux plus doux d’entre nous, et le 4ème du nom, nous le garderons pour les conditions de roulage précaires, car il limite la puissance moteur à 100 chevaux.
En temps normal, ce dernier mode n’aurait jamais dû quitter le magnifique et lisible nouvel écran TFT de 3,5″ équipant le roadster en ce matin du 23 Février 2021. Mais ma mission de vous offrir un test complet de cette moto, mixée avec mon tempérament d’enfant turbulent, en avaient décidé autrement…
La cité catalane disparaissant enfin dans les rétros qui, en outre, offrent une visibilité correcte, le rythme augmente peu à peu. Même si l’état de la route reste rempli de pièges. Rouler “sur des œufs“ avec un train avant aussi réactif est quelque peu déconcertant, l’avantage proféré par la légèreté de l’avant de la moto se transforme ici en handicap. Enfin, attendons de voir ses réactions lorsque la langue d’asphalte aura pris quelques degrés supplémentaires.
Nous effectuons notre premier arrêt dans l’enceinte du monastère de Santes Creus, un édifice magnifique, datant du 12ème siècle, et situé à Aiguamurcia, une cité surplombant la province de Tarragone (pour la minute géographie). Dès lors je checke le trip kilométrique de la moto, et là, surprise, nous avons déjà effectué plus d’une centaine de kilomètres avec cette MT.
Il n’y a pas à dire le confort est réellement présent à son bord, le positionnement guidon/selle/cale-pieds est parfaitement adapté à mon gabarit de Monsieur tout le monde.
Qui plus est, aucun des organes du pilote n’est parasité par des vibrations, tout comme le reste de la moto d’ailleurs, un plus pour le confort. Sachez que le guidon, ainsi que les repose-pieds, sont réglables. Cette MT veut décidément conserver son titre de best-seller Yamaha!
Nous réveillons les 3-cylindre, après cette courte pause, pour reprendre la longue route qui nous reste à parcourir dans la campagne catalane. Notre guide a sûrement dû abuser de la caféine lors de notre arrêt, au vu de son rythme. J’en profite pour aider les producteurs d’huile locaux en tentant de rester au contact de notre hôte, suivi de très (trop) près par mon homologue italien. Toutes les excuses sont bonnes non?
La nouvelle version du CP3, le bouilleur de la MT-09 2021, est d’une générosité déconcertante autant en sensations qu’en performances. Le moteur reprend aisément dès 1000 tours/minute, jappe hargneusement dès la barre des 5000 tours atteinte et monte vertigineusement vers le rupteur atteint aux alentours de 11000 tr/min.
L’allonge et le couple de ce triple sont réellement appréciables en mode attaque, le tout combiné à un shifter “up and down“ rapide et précis.
Je n’arrive décidément plus à faire disparaître ce rictus sous mon RX-7V Racing…. L’électronique de la moto (une centrale inertielle à six axes, aussi rapide que celle montée sur la R1), ajustée personnellement à son niveau le plus faible lors de cette utilisation, se définit en seulement trois lettres: « F. » « U. » « N. »
La maîtresse du couple se dresse généreusement sur sa roue arrière à chaque rotation un peu agressive de la poignée, et le « Slide Control System », comprenez le système de contrôle de dérive du pneu arrière, me met la MT-09 à l’équerre sur chaque bande de peinture humide que je croise, sans aucun risque de high-side.
Cette moto est un vrai jeu vidéo! Je reste malheureusement sur la retenue en entrée de courbe, ce satané train avant est décidément trop vif à mon goût. Il ne me donne aucune confiance, et le chef a dit «évite de tout casser pour ta première…» On va tenter de relever le défi.
Notre épreuve du Tourist Trophy espagnol nous emmena du côté de la cité balnéaire de Sitges, une ville encastrée entre les collines catalognes et la mer Méditerranée, à mi-distance entre la ville de Tarragone et la cité du siège du FC Barcelone pour nos amis footeux.
Au passage, j’ajoute que je n’ai pas grand chose à dire à propos des nouveaux freins. La dosabilité est bonne, le point d’attaque clair. La puissance est là aussi, mais, pour le sous-signé qui est habitué à des sportives pur jus, il faut tirer le levier à fond pour avoir un freinage digne de ce nom (selon mes goûts).
240 km sans plein avec la MT-09 2021
Je me rapproche du staff des accompagnants pour leur préciser que mon voyant de réserve, à ce rythme porcin, est allumé depuis environs 30 kilomètres, et que je ne me sens pas de pousser cette moto jusqu’à l’hôtel malgré son poids contenu. On me précise que notre rythme de conduite fausse quelque peu les indications de la jauge, et que je pourrai atteindre l’arrivée sans difficulté. Détail qui s’avéra correct, j’ai effectué presque 240 km dans la journée sans rajout de matière fossile.
Nous nous retrouvons donc dans un restaurant du port de la ville, le soleil est au beau fixe, l’air marin et les crustacés… tout ici nous ferait oublier le sinistre climat planétaire actuel, si ce n’est notre sujet de conversation, le départ du champion italien Fausto Gresini, paix à ton âme grand monsieur…
Un autre sujet reste à notre tablée helvétique, nous tentons de comprendre pourquoi cette moto est sur-réactive de l’avant… notre constat est simple, c’est un cocktail de facteurs entre une roue avant hyper légère, et la réduction de la longueur de la fourche entrainant un basculement de l’assiette de la machine. Mais la discussion tourna vite au débat, les râleurs confrontés aux optimistes de l’essai qui, eux, adorent ce feeling.
Trêve de bavardages. Nous enfilons à nouveau nos heaumes de fibre pour une balade digestive en direction de Barcelone, sur les routes côtières implantées dans les falaises surplombant l’immensité liquide qui nous sépare du continent africain. Nous adoptons un rythme en adéquation avec l’environnement routier assez chargé du bord de mer. A ce rythme-ci, Mode 3 enclenché au niveau caractère moteur, je flâne entre mes collègues du jour, la MT virevoltant d’un angle à l’autre sans le moindre effort, un moment fort agréable.
Les derniers kilomètres du retour se feront par voie rapide, ce qui nous permettra de profiter encore du confort de bord de ce roadster, hormis la pression du vent sur le casque caractéristique à ce type de machine, le moteur ronronnant nonchalamment sur le dernier rapport.
Nous approchons alors du dernier spot de prises de vue proposé par la marque, un site industriel équipé en éclairage rien que pour nous, Yamaha nous aura vraiment chouchoutés pour cet essai!
Mais un malaise vient à moi alors que je tente de repasser le comportement de la belle en mode agressif, plus moyen de changer le mode, ou de rentrer dans les settings de la moto, voyant de défaut allumé, l’équipe de la marque s’affaire autour de ma monture mais rien n’y fait.
Un passage à l’atelier s’impose. J’apprendrai plus tard qu’il n’y avait rien de grave d’après les experts. Il s’agirait d’un problème fantôme que les véhicules actuels subissent par moment, défaut de jeunesse ou résultat de la torture journalière? je profiterai de la moto de mon compère pour cette dernière activité, devrais-je être honoré d’avoir la première mondiale de la panne?
En conclusion
L’ancienne MT-09 est morte, longue vie à la nouvelle! cette moto est à mes yeux une vraie réussite de la marque aux trois diapasons, qui affûte encore son fer de lance face à une concurrence toujours plus nombreuse et agressive. Proposée au tarif de 9990 frs pour la version de base et 2000 frs de plus pour la version SP premium (non présente ici).
C’est un argument de poids face à sa concurrence européenne, avec une Tuono 660 placée à 12000 francs, pour n’en citer qu’une.
Seuls bémols à mes yeux: le feeling du train avant ainsi que, vous vous en douterez, l’esthétique. Malgré la toute nouvelle tête de fourche présente sur la machine, j’ai toujours le sentiment lorsque je croise une MT que le mécanicien du coin à remonté la moto avant son départ en vacances, laissant ici et là traîner des appendices esthétiques un peu bizarres.
Mais bon, lorsqu’on choisit une MT, c’est un peu comme les anciennes BMW GS ou votre sex-friend du lycée, vous ne l’avez pas choisi pour son physique non? Je finis ces quelques lignes depuis ma chambre d’hôtel, la tête remplie de souvenirs de cette magnifique journée. Je remercie Yamaha Suisse pour l’invitation à ce test, et vous invite à aller remplir votre bon de commande chez votre concessionnaire voisin !
Vous pouvez trouver cette nouvelle MT-09 2021, annoncée au prix de 9990 frs, notamment chez nos partenaires de l’Annuaire des professionnels Badan Motos, à Genève, Facchinetti Motos à Crissier (VD), Moto Bolle à Morges ou Chevalley Motos à Saint-Légier (VD).
Sympa ton article, agréable à lire. On partirait bien rouler sur cette version de la 09.
Echangerais-je ma Tracer actuelle contre cette mouture ? Mmmmh… si j’étais plus jeune, peut-être, enfin sans doute ! Mais à l’aube de la soixantaine, ma Lava Red de 2016 comble amplement mes envies de sensations fortes, d’évasion et de… confort !
J’aime tellement lire ce genre de commentaire . Je suis débutant motard et des commentaires comme les tiens jean louis où on ressent de la passion me donnent réellement envi de rejoindre la famille des motards au plus vite !!!