Essai – une Speed Triple plus puissante, et nettement plus agile,
Nous avons pu essayer la nouvelle Speed en France, sur route et sur circuit. On nous promettait « La meilleure Speed Triple de tous les temps ». Et c’est le cas. Les changements apportés au moteur, à la répartition des masses, au châssis et à la position de conduite font que la « Speedy » 2021 est encore plus joueuse et clairement plus facile à manier.
C’est un peu une Speed Triple plus que Triumph nous a présenté dans le sud de la France: plus de chevaux (+30), plus de couple (+8 Nm), plus légère (-10 kg), et ainsi de suite. Nous avons pu essayer cette moto dans la région de Pau, avec une matinée consacrée à la route, direction les Pyrénées, et notamment le col de l’Aubisque. Et un après-midi teinté piste, sur le circuit de Pau-Arnos. En adoptant comme pneus des Pirelli Supercorsa SC2, au lieu des Metzeler Racetec RR du matin.
Les trois premiers constats sont que la position de conduite n’a pas fondamentalement changé, que la vision du tableau de bord n’est plus perturbée par les reflets du soleil, et que le moteur, toujours un triple en ligne, prend des tours de manière bien plus vive qu’auparavant. Ah, et le centre de gravité n’est plus aussi haut perché, et la moto est plus maniable à basse vitesse!
Mais sinon, on a bien affaire à une « Speed », avec ses deux phares avant en amande, son monobras oscillant et son cadre en doubles longerons d’acier, et la qualité de fabrication et les finitions sont absolument irréprochables, encore plus que sur l’édition précédente de cette moto – pour autant qu’on puisse en juger au bout d’une journée. Par contre, le pot d’échappement n’est plus, comme sur la version précédente (lire notre essai) en position haute sous la selle, mais retourne en position basse, comme sur les premières Speed Triple.
Cette nouvelle configuration permet de mieux centraliser les masses, ce qui donne un comportement plus intuitif en virage. On verra ce qu’il en est un peu plus tard, sur route comme sur circuit. Pour l’instant, il faut s’extraire de la circulation assez modeste du centre de Pau, et traverser plusieurs agglomérations. A chaque feu rouge, l’auteur de l’article peut poser les deux pieds (l’avant, pas tout le pied) à terre avec aise. Et le tricylindre est presque aussi souple à bas régime qu’un quatre-cylindre japonais. Il reprend à moins de 2000 tr/min sans protester, et sans à-coup.
Et puis la position de conduite est relax, à peine inclinée vers l’avant. Et la nouvelle selle, plus fine en largeur (pour poser plus facilement les pieds à terre), est aussi plus confortable que l’ancienne.
Les vraies réjouissances commencent au sud de Pau, après Jurançon (oui, comme le vin). Le nouveau moteur de la nouvelle Speed est tellement vif qu’il lève la roue avant à la moindre provocation du poignet droit. Mais le contrôle de wheelie est là et coupe court, sans brusquerie, mais avec autorité. Pas de ça gentlemen! Le mode de pilotage oscille entre Road, qui délivre tous les 180 chevaux de la machine, mais avec une réponse un rien lissée à la commande des gaz, et Sport, qui est plus nerveux mais qui est tout de même très facile à contrôler. On voit bien qu’il est très (trop?) facile d’atteindre des vitesses considérées comme illégales, sur ces larges routes lisses, sans que la moto ne bouge et avec très, très peu d’effort à fournir pour lui faire suivre les trajectoires voulues.
Puis l’on arrive sur les contreforts des Pyrénées, à Laruns, direction la station de montagne de Gourette et le col d’Aubisque (1709 mètres d’altitude), qui mène non loin de l’Espagne. Une route de montagne qui n’a rien à envier à celles des Alpes. Avec des tronçons au revêtement impeccable, et d’autres où le sel le dispute aux nids-de-poules et aux bouses écrasées et séchées. La météo est de notre côté, du moins pour la première partie de notre ascension, avec des nuages qui cèdent la place au soleil. Les premiers genoux à terre font leur apparition. Le moteur tricylindre en ligne est une vraie tuerie. Il accélère avec force et précision à chaque demi-rotation de la poignée droite, dans un feulement très plaisant aux oreilles du pilote, et pas pour autant désagréable pour les auditeurs externes.
Les freins avant, des disques Brembo de bon diamètre, complétés par des étriers haut de gamme Stylema et un maître-cylindre radial, sont impériaux. Leur puissance est impressionnante, mais leur dosabilité est sans faille. Et le feedback, excellent. On peut bien sûr ajuster l’écartement du levier (comme celui du levier d’embrayage), mais aussi régler – trois positions à choix – l’action même du levier sur la pompe. La force reste rigoureusement la même, mais on a une sensation plus ou moins brusque quand les étriers mordent les disques. Bref, c’est de la haute couture.
La nouvelle position de conduite, surtout induite par la nouvelle selle, donne un bon appui en virage, lors des changements d’angle, et il y a suffisamment de place entre l’avant et l’arrière de l’assise pour que les plus ou moins grands et grandes parmi les pilotes se sentent tous et toutes à leur aise. Pour ce qui est du confort, c’est bon, mais il va falloir juger la chose au bout de cette journée de test, quand on rentrera du circuit à l’hôtel, sur les motos, et sur des routes nettement plus ennuyeuses, car majoritairement rectilignes!
Un ABS de virage salvateur
Dans les derniers kilomètres avant Gourette, les virages se resserrent et deviennent plus imprévisibles dans leur géométrie. Et l’asphalte est moins impeccable que jusque là. La Speed Triple plus (appelons-la ainsi pour simplifier les choses) est presque trop facile, et l’on doit prendre garde à ne pas adopter un pilotage trop enthousiaste. Mais les erreurs de trajectoire se corrigent sans drame, en plein contrôle. Le fait que l’ABS, que l’on ne peut légalement et techniquement plus désactiver, tient compte de l’inclinaison de la moto pour calibrer son action. Un freinage panique plein angle ne se termine donc pas, en règle générale, par une moto qui se redresse d’un coup et file tout droit, mais par une Speed Triple qui continue à suivre la ligne choisie, tout en ralentissant de manière conséquente, et bien sûr sans blocage de roue. On précise que, pour la route, le freinage est combiné: une action sur les freins avant va occasionner, de manière plus ou moins présente selon les données récoltées par la nouvelle central inertielle à six axes et les algorythmes de l’ABS de virage, le freinage aussi sur la roue arrière.
Et les derniers kilomètres avant le col nous font cadeau d’une route bosselée à souhait, qui tournicote avec le vide sur le bord extérieur, et là, alors que de la neige se met à tomber (de manière très modérée) le réglage des suspensions Öhlins de la nouvelle 1200 RS se révèlent un peu fermes. Plus que sur le précédent modèle, semble-t-il. Selon la vitesse adoptée, la poupe transmet des coups désagréables au cavalier, et l’avant n’est pas en reste non plus. Nous apprendrons plus tard (sur le circuit, en parlant avec le mécano Triumph) que nos machines de test avaient été réglées sur « Sport », au lieu de « Normal », sans même parler du réglage appelé « Confort ». Mais on verra que quelques clics dans la bonne direction suffisent pour faire une grande différence. Et que la fourche inversée, en apparence identique à celle du modèle 1050, est en fait plus souple sur ses réglages les plus confortables. On compliment au passage les poignées chauffantes, des accessoires installés sur nos motos, qui contrebalancent bien la chute des températures.
Durant toute cette première partie du test, la boîte de vitesses s’est pour ainsi dire fait oublier. On passe les rapports sans effort, c’est précis, et c’est facile en faisant usage du quickshifter bidirectionnel installé de série sur cette moto. Passer les rapports avec l’embrayage, qui est assisté et anti-dribble, est presque aussi simple, car il suffit de peu de force.
Dans les quelques moments où l’on n’a pas besoin de se concentrer sur les trajectoires, les freinages et les ré-accélérations, on peut admirer le nouvel écran de bord. Comme le précédent, il est en couleurs. Mais l’esthétique de l’interface, et aussi un peu son fonctionnement, est revu en profondeur. Tout d’abord, le pavé TFT affiche ses infos directement sur la surface de l’écran, sans une couche de verre laissant passer des rayons de soleil et ajoutant des reflets. L’affichage est dont lisible en tout temps, sans ces reflets, même lorsque le soleil brille fort. Et on a privilégié une forme ronde, qui fait qu’on repère au premier coup d’oeil la vitesse, le régime du moteur, le rapport de vitesses engagé et le mode de pilotage choisi: Road, Sport, Rain (encore plus doux, puissance maximale limitée à 100 ch), ou encore Track ou Rider. Les deux derniers ne sont accessibles que lorsque l’on est à l’arrêt. Track donne des interventions de l’ABS, du contrôle de traction et de l’anti-wheelie qui sont réduites au minimum. Et Rider est là pour vous laisser personnaliser un mode de pilotage: on peut choisir le niveau de puissance et les courbes de puissance et de couple, ainsi que le degré d’intervention de l’ABS et du contrôle de traction.
On peut passer d’un mode de pilotage à un autre en roulant (ou à l’arrêt pour Track et Rider) simplement: une pression sur le bouton « m » sur le commodo gauche, puis on fait défiler les modes avec le petit joystick situé lui aussi sur la partie gauche du guidon, et pour sélectionner, on appuie sur ce joystick pendant quelques secondes – en coupant les gaz. Il est aussi possible, en allant farfouiller dans les menus, de changer les réglages de l’ABS (deux disponibles, Road ou Track) et du contrôle de traction (Rain, Road, Sport, Track, ou désactivé), mais c’est un peu plus laborieux.
A part ces indications de base, il y a aussi l’heure, et la température de l’air extérieur. Si on veut en savoir plus sur par exemple la consommation d’essence ou les kilomètres parcourus, il faut ici aussi aller chercher dans les menus avec le joystick. Si on se « perd », un bouton avec le dessin d’une maison, sur le commodo droite, est là pour que tout rentre dans l’ordre. Une fois que l’on a trouvé la conso et/ou les totaliseurs kilométriques, on peut le laisser affiché sur l’écran, le « rond » donnant le régime et la vitesse se « décale » en 3D sur le côté, pour faire de la place au nouvel affichage – tout en restant bien visible. C’est assez bien trouvé. On reste par contre un peu songeur sur la manière dont certaines indications courantes ont été traduites en français. Le mot « Range », qui désigne l’autonomie restante, est devenu « Plage » dans la langue de Molière!
La nouvelle Speed Triple 1200 RS est aussi une Speed Triple plus pour ce qui est de son équipement de série, puisqu’il y a un tempomat ajustable, des commodos rétro-éclairés, une clé sans contact qui fonctionne même avec le bouchon du réservoir d’essence, et la connectivité, via un module Bluetooth, est à bord sans qu’il soit besoin de dépenser plus. La connectivité fonctionne avec un smartphone, un casque muni d’un intercom, et même une GoPro.
En piste Monseigneur!
Mais nous n’avons pas pu tester. Pas le temps de jumeler chacune des huit motos de notre essai (deux étant celles des guides) avec huit smartphones, il fallait rouler, et le timing était relativement serré, car le circuit de Pau-Arnos nous attendait.
Ce circuit est lui aussi une tuerie, avec des virages en parabole ou l’on monte et l’on redescend, des contours à l’aveugle, un « tire-bouchon » en descente digne de Laguna Seca (mais plus sec et plus étroit), des rampes d’envol pour roue avant quand le pneu arrière redescend, des variations d’assiette de la piste pour compliquer tout ça, et relativement peu de mètres en ligne droite. Ca tombe donc bien au vu du type de moto que nous essayons. On l’a dit, il y a changement de pneus, qui se rapprochent des slicks, et sont donc bien chauffés avant l’entrée sur la piste. Mais, pour les premières sessions, pas de changement de réglage des suspensions de nos Speed Triple plus, qui sont déjà sur Sport.
Dans cet environnement, on se rend encore plus compte du fait que la nouvelle Speed s’est rapprochée des caractéristiques de sa petite soeur, la Street Triple 765, et notamment pour ce qui est de l’agilité et de la vivacité. La 1200 n’a pas d’amortisseur de direction, et il arrive fréquemment, si l’on est un peu « lourd » avec le guidon, qu’il se mette à rapidement osciller. C’est fréquent à l’accélération, si l’on s’accroche à lui à rebours de ce que l’on devrait faire. Il faut juste clamer ses battements de coeur et se concentrer, et tout redevient très stable. Et si ça ne suffit pas, on ajoute deux clicks sur les suspensions! C’est vite fait et cela apporte des changements notables dans le comportement de la moto. Au freinage, la nouvelle position de conduite et la nouvelle répartition des masses de cette Speed Triple plus font que le phénomène est pour ainsi dire inexistant.
Le nouveau moteur et la nature tortueuse de ce circuit donnent une grande latitude pour le choix du rapport de vitesses. On peut faire presque tout le tour en restant en deuxième, avec laquelle on atteint plus de 180 km/h. Et la première, bien que plus courte que sur la version précédente, a encore pas mal d’allonge. Mais on peut aussi profiter du gros couple présent relativement tôt dans la plage des régimes pour monter systématiquement un rapport, ce qui fluidifie automatiquement l’expérience et permet de moins user des freins. Freins qui, comme sur route en mode Road pour l’ABS, sont très performants aussi en mode Track. L’ABS (actif seulement sur l’avant) se déclenche bien plus tard que dans le mode Road et autorise des dérapages de l’arrière sensibles avant d’intervenir. Et il le fait sans brusquerie. Sur l’avant, avec des SC2 et les étriers Stylema, en contrainte, il est de toutes façons difficile pour qui n’a pas un niveau de pilotage élevé d’arriver au stade où le pneu va glisser au freinage.
Pour le contrôle de traction et l’anti-wheelie (ce dernier n’est pas paramétrable séparément des modes de pilotage aux réglages prédéfinis), en mode Track, on a amplement de quoi faire avant que la poussée ne soit réduite ou interrompue. On voit souvent, dans les ré-accélérations après des virages serrés, le témoin de l’anti-patinage qui se met à clignoter, sans pour autant que l’on sente vraiment quelque chose dans le pneu arrière. C’est la preuve que les ingénieurs britanniques ont bien calibré ces aides au pilotage.
On l’a compris, le circuit de Pau-Arnos est assez physique, pas tellement en raison des vitesses élevées que l’on n’y atteint pas, mais au contraire du fait des innombrables changements de trajectoires et de rythme qu’il impose si l’on veut aller vite. Et malgré cela, la Speed Triple 1200 rend l’exercice presque facile… presque. En tout cas, c’est très, très fun!
Avec son nouveau moteur, qui ajoute de la puissance, du couple et de la vivacité par rapport à l’ancien, avec ses suspensions toujours polyvalentes et de qualité, son système de freinage performant sur route comme sur piste – pour des pilotes amateurs novices ou expérimentés – et avec son nouveau châssis bien plus réactif sans pour autant être instable ou nerveux, on gagne sur tous les tableaux. Sauf si on est un inconditionnel des pots sous la selle.
A présent, pour changer la roue arrière, il faut déposer le nouvel échappement. C’est une complication dont on se passe sans doute. Mais le rééquilibrage des masses qu’il implique, avec un centre de gravité placé plus bas, est un plus pour le comportement de la moto. Et chez Triumph, on explique qu’il était envisagé au début du développement du nouveau modèle, de l’équiper avec un pot bas très court, comme sur la Street Triple. Mais la partie non prévisible de l’évolution des normes Euro (pour les limites de rejets d’émissions polluantes, notamment) a fait qu’il a fallu changer le plan!
Le prix est annoncé à 18500 francs pour le marché suisse. C’est un peu plus (environ 1300 francs) que pour la précédente Speed Triple RS. Mais les équipements supplémentaires standard, les efforts faits pour encore améliorer la qualité de fabrication et surtout le gros plus en performances le justifient.
La nouvelle Speed Triple 1200 RS est disponible en Suisse dès la fin du mois d’avril, dans les deux coloris « Sapphire Black » (noir avec des accents rouges) et « Matt Silver Ice » (gris avec de discrètes décos jaunes). Vous pouvez consulter bien sûr le site suisse de Triumph Motorcycles, ou vous adresser à nos partenaires et concessionnaires Triumph de l’Annuaire des professionnels de la moto, Triumph Lausanne (à Crissier) et Triumph Fribourg – Motos Vionnet, à Sâles.
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