Essai Yamaha R1M, l’arme de circuit à la conquête des routes
Nous avons voulu tester le fleuron sportif de la marque aux trois diapasons, soit la version premium avec suspensions électroniques et pièces en carbone, hors des circuits.
YZF-R1, et sa variante premium la Yamaha R1M, s’il ne devait en rester qu’une, ça serait elle. Elle débarqua dans notre monde en 1998 et, depuis, elle ne cesse de donner la voie à la concurrence. De plus, sa dernière génération arrivée en 2015 accapare une grande partie des trophées, toutes compétitions confondues… nous avions d’ailleurs pu en juger nous-mêmes sur le circuit de Jerez, lors de la présentation de la dernière version mise à jour pour les nouvelles normes Euro 5, avec nul autre que le pilote suisse d’endurance Robin Mulhauser au guidon (lire notre essai).
Mais que vaut cette arme de guerre lorsqu’on la confronte à notre quotidien de motard routier? ActuMoto relève aujourd’hui ce défi, pour lequel Yamaha Suisse nous a fourni une R1M, fleuron de la marque aux trois diapasons.
Découverte de la machine
Par une belle matinée d’avril, je prends la direction du spécialiste Yamaha de la côte, la concession GBK située à Gland. La « M » m’attend sagement devant l’entrée, aguichant les passants par ses appendices carbones. Car si nous connaissons tous la R1, le modèle estampillé M, qui sera ma compagne pour cet essai, place la barre très haut en termes de raffinement esthétique et d’équipements. Les carénages moulés ont laissé place ici à des éléments en carbone, les designers ont même eu l’idée géniale de laisser une grande partie du carbone visible, pour le plus grand plaisir des yeux.
L’amortissement de la machine, confié à Kayaba sur le modèle standard, a laissé sa place au ténor en la matière, j’ai nommé Öhlins, représenté ici par le modèle électronique et pressurisé de la marque, les ERS NPX. Un grand avantage pour les conditions de l’essai en prévision! Seul point noir au tableau: le bagage électronique a un prix, et qui se paye sur la balance. La R1M pèse un petit kilogramme de plus que la version de base, malgré ses composants en carbone.
Dans le jeu des différences, on ne peut passer outre les réglages électroniques bien plus poussés. Premièrement le “YRC Setting“, qui permet un réglage complet de toutes les aides, voire même la déconnection d’une ou plusieurs d’entre elles, ce qui inclut ici sur la M l’amortissement semi-actif ou juste électronique. Une optimisation de choix pour une personnalisation de la belle selon vos goûts et vos talents de pilotage.
Deuxièmement, l’YZF est dotée du système « YRC Track »: ce système permet d’enregistrer les données vitales de la moto route faisant, et sa position sur la planète via Google Map grâce à la liaison GPS. Merci la technologie! Vous aurez après le ride un large éventail d’informations à votre disposition tel que l’angle d’inclinaison, la force d’accélération ou encore le régime moteur virage par virage. Grâce à cette acquisition de données, vous pourrez suivre point par point vos évolutions en piste tranquillement assis dans votre sofa…
La R1 est déjà un concentré de technologie mais là, on atteint les sommets. Je ne perds aucune miette de l’explication de Mr. Buclin, le sympathique patron de la concession qui sait prendre sur son temps pour m’expliquer les usages du tableau de bord de la Yamaha avant de m’en remettre la clé. Après quelques minutes, me voici enfin prêt à enfourcher cette divine monture!
Une prise en main urbaine
Contact: l’écran s’illumine et affiche les informations les plus essentielles (vitesse, deux trips, force d’accélération ou de freinage, température extérieure, température moteur, l’heure, ainsi que le mode moteur et suspension sélectionnés). Le tableau de bord, tout comme l’essentiel de la machine, n’a pas subi d’importantes révolutions depuis sa première apparition en 2015. On peut admettre que sa taille, face à la concurrence actuelle, est vraiment petite, mais reste bien lisible.
Une pression sur le commodo droit et le quatre cylindre à calage big-bang s’éveille avec ce bruit métallique si particulier qui fait tourner les regards.
Premier constat après quelques longueurs: la position de conduite est accentuée sur l’avant, et la selle est dure. Mais c’est en somme ce que l’on attend en montant sur une hypersport, non? Malgré cela, je me sens à mon aise sur cette moto en terrain urbain, la R1 réussissant étonnamment cette tâche. Il faut juste faire attention lorsqu’un feu croise votre chemin, la hauteur de selle de 860 mm demande une certaine prudence.
Le moteur, malgré une puissance atteignant les 200 étalons, ne rechigne pas à évoluer bas dans les tours, mais le mode moteur A, étant le plus brutal, ne rend pas l’exercice simple. La moto donne l’impression de sauter en avant à la moindre torsion de votre poignet droit. Ce désagrément disparaît dès que l’on passe sur un autre mode. Le seul point réellement dérangeant en ville sur cette machine est la rapidité de montée en température: le poste de pilotage se transforme en sauna après seulement quelques arrêts rapides. Je n’ose même pas imaginer cela en pleine canicule… Heureusement, j’arrive enfin sur la route du lac et la jauge revient à un niveau usuel.
A l’épreuve du quotidien
Le but premier de ce test est de vous donner un retour sur cette machine au quotidien, et j’avoue qu’un petit rictus se forme sur mon visage alors que je m’approche de la superbike au petit matin. Mon trajet pour aller au travail n’est autre que la célèbre route blanche.
Départ à froid donc, mais les Pirelli Rosso Corsa équipant la machine offrent un regain de confiance dans ces conditions scabreuses. Les rétroviseurs sont un réel atout sur cette machine, car c’est une des seules sportives où on arrive à voir ce qu’il se passe derrière nous, sans avoir besoin d’une chorégraphie. Petit plus, malgré leur taille, ils ne dénaturent pas la R1.
Pour rester sur le chapitre de la visibilité, plusieurs déplacements nocturnes m’auront appris que l’esthétique racing de la bête d’Iwata, si belle soit-elle , freinera même les plus aguerris. Que l’on soit en feu de croisement, ou en grand phare, le faisceau de lumière ridiculement étroit vous force à chercher la route à chaque courbe.
Pour passer les points négatifs en revue, la consommation gargantuesque de la moto peut aussi être un frein à vos envies de déplacements utilitaires. Ce moteur, dont le comportement rageur et coupleux a permis à la Yamaha d’acquérir ses lettres de noblesse, consomme autant de carburant qu’un V8 américain, et quelle que soit votre façon de l’utiliser. Je n’ai jamais réussi à atteindre la barre des 200 kilomètres avec un réservoir, la réserve s’allumant entre 150 km et 170 km.
La protection du pilote est en revanche vraiment excellente pour une moto aussi minimaliste. Votre buste est bien protégé par la face avant, et aux allures légales sur autoroute, je ne subis que peu de remous parasites. Un jour pluvieux me conforta dans mon sentiment de protection, car mes jambes trouvent elles aussi place derrière les flancs de la machine, et je n’arrive que légèrement humide à destination. Bravo!
Une seule chose me dérange vraiment lorsque je tente de transformer la superbike nippone en utilitaire: son âme de guerrière n’a que faire de votre permis, et il faut constamment avoir un œil sur le compteur pour éviter de remplir les caisses de l’état. Le couple moteur, son bruit, ainsi que la morphologie de la moto vous poussent toujours à aller plus vite. Il faut savoir garder la tête froide à son bord!
Son terrain de jeu, les cols
Le week-end commence, je laisse derrière moi mes obligations professionnelles et décide d’aller titiller la belle dans un environnement plus propice à la sportivité. Une dernière vérification météorologique me fait tomber du lit. La pluie est annoncée pour le début d’après-midi, il ne va pas falloir trop traîner. Une boucle dans le Jura voisin agrémentée d’un petit tour sur la montée des légendes me semblent propices à analyser tout ça.
Le passage des suspensions en réglage plus ferme se fait d’une facilité déconcertante, d’un simple clic sur la molette de droite. Dès les premiers virages, je comprends tout de suite pourquoi la belle est si populaire dans le milieu du sport. La R1 est d’une facilité presque insolente, légère, et d’une précision redoutable. La maniabilité de l’engin est juste démoniaque, la moto tournant sur son point de pivot à chaque pression sur le cale-pied intérieur, c’est extraordinaire. La position de conduite, qui n’était pas des plus confortable en ville, est ici un atout majeur. La place sur la selle est de bonne dimension, rendant les déplacements du pilote très aisés.
Le moteur, quant à lui, brutalise déjà la partie cycle dès 4000 tr/min, et se montre plus que présent à partir de 6000 rotations. Mais c’est en dépassant le cap des 8000 tours-minutes que l’on entre dans l’univeRs avec un grand R: la graduation du compte-tours change alors de couleur, le moteur explose littéralement, et ne faiblit pas, jusqu’à atteindre la coupure d’allumage qui intervient aux alentours de 14000 tours. Le tout accompagné d’une mélodie métallique qu’on ne pourrait confondre. Je vois au fond une courbe se dessiner, il serait temps de voir ce que valent les freins. Et là encore, c’est une bonne surprise! La moto est très saine lors des phases de décélération, le mordant est présent, et le feeling au levier est on ne peut plus naturel, descendant tout juste de sa concurrente Honda, qui ne m’avait pas charmé sur ce point. Je suis ravi du comportement naturel de cette dernière. La Yamaha est équipée de disques de 330 mm, pincés par des étriers Nissin. Une preuve qu’il n’y a pas que Brembo dans la vie!
L’ABS, réglé ici bien plus faible que lors d’une utilisation calme de la moto, s’est fait très discret. Je n’ai senti la pédale de frein arrière vibrer à son déclenchement que deux petites fois.
Le plus choquant à bord de cette moto est la confiance qu’elle donne au pilote, et donc la vitesse qu’on est capable d’atteindre à son bord. Les courbes rapides s’enchaînent, et à aucun moment je n’ai l’impression de rouler au-dessus de mes bottes.
Peut-on cruiser en R1M ?
La question fait sourire, mais qu’en est-il? Je décide donc de partir une journée à son bord, direction les préalpes bernoises. Deux courageux ont répondu présents à mon appel, sans savoir vraiment où je comptais me rendre. Moteur en mode doux, je tente de régler les suspensions au plus doux aussi pour essayer d’avoir un peu de confort, à allure stabilisée. La R1M, accompagnée de son grognement sourd, traverse les paysages campagnards de notre beau canton de Vaud. Les kilomètres s’enchaînent et je ne me plains pas encore de la selle, à ma plus grande surprise. Mais j’ai beau tenter de régler électroniquement les suspensions de la machine depuis mon départ, la machine reste raide comme la justice.
J’arrive au pied du col du Jaun en début d’après-midi, le soleil timide a laissé place à un épais manteau gris clair, et la température descend en chute libre. Je me rends d’ailleurs compte que la température extérieure affichée au compteur est fausse, affichant facilement 4 à 5 degrés de plus que la réalité, le bouilleur quatre cylindre ne doit pas y être étranger! L’arrêt ne fut que de courte durée en haut du col, les flocons s’étant mêlés à notre petite escapade. Nous rebroussons donc notre chemin à la recherche de températures de saison!
Le bilan de cette expérience est simple: la moto n’est peut-être pas conçue pour cet usage, et reste quand même très raide, mais j’ai effectué environs 450 km à son bord, sans pour autant réellement me plaindre du manque de confort.
L’heure est à la conclusion
Cette R1M est la version la plus aboutie d’une sportive au-dessus du lot, et un véritable bonheur au quotidien, si on arrive à faire abstraction du confort quelque peu spartiate. Qu’on soit clair, c’est le prix à payer pour pouvoir rouler avec une telle machine. Proposée au tarif de 29890 francs, c’est 7900 francs de plus que le modèle de base. Le prestige a un prix. Cette moto m’a vraiment plu, et reste, à mes yeux, la Japonaise la plus attachante que j’ai pu tester.
Si vous désirez en savoir plus sur cette moto je vous laisse visiter le site de Yamaha Suisse , ou tout simplement en visitant un de nos partenaires de la marque dans l’Annuaire des professionnels de la moto, comme Badan Motos à Genève, Facchinetti Motos à Crissier, Moto Bolle à Morges ou Chevalley Motos à St-Légier.
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