Dakar 2022 – 11ème étape : victoire en forme de revanche pour Kevin Benavides, Sam Sunderland prend le large au général
C’était la dernière grosse journée de ce Dakar. Une étape redoutée, qui devait faire parler la technique et les capacités en navigation des concurrents. Une étape qui aura redistribué les cartes, assurément. Si Kevin Benavides s’offre une belle revanche sur la spéciale du jour, c’est Sam Sunderland qui prend le commandement d’un classement général qui ne sera bientôt plus provisoire. Mais avec Pablo Quintanilla et Matthias Walkner en embuscade, personne ne peut prédire quelle marque, de GAS GAS, Honda ou KTM, remportera cette 44ème édition.
Il y avait – encore – beaucoup de sable au programme de cette onzième étape. 346 kilomètres de spéciale attendaient les concurrents, en forme de boucle autour de Bisha (Arabie Saoudite). Avec des dunes de sables aux densités fort différentes, qui devaient mettre à l’épreuve leur lecture du terrain et leur technique de passage. Sans compter, bien sûr, les multiples pièges de navigation.
Difficile, dans de telles conditions, de grappiller de précieuses secondes. Et c’est ici que la stratégie de certains pilotes fait sens.
«Les gagnants d’aujourd’hui sont les perdants de demain».
Une phrase que l’on entend souvent sur le Dakar, et qui signifie que le pilote s’élançant en premier – et qui aura la charge d’ouvrir la route – aura peu de chance de remporter la spéciale. Le rythme est forcément moins élevé lorsqu’on cherche sa route sur un terrain vierge de toute trace, et le pilote aux commandes de la spéciale se fera inéluctablement remonter par ses poursuivants.
Les top-pilotes l’ont bien compris, et certains n’hésitent pas, dès lors, à appliquer une stratégie de course bien précise. Il faut à tout prix éviter de partir devant sur les étapes difficiles, quitte à rendre la main volontairement la veille. C’est ce qu’il s’est passé hier, sur la 10ème étape, pour Pablo Quintanilla (Honda #7) et Sam Sunderland (GAS GAS #3). Respectivement en 2ème et 4ème position à seulement 19 kilomètres de l’arrivée, on les retrouve en 10ème et 17ème position à l’arrivée. Schéma presque identique pour Matthias Walkner (KTM #52), crédité du 6ème temps au kilomètre 258 de l’étape 10, et que l’on retrouve en 26ème position une fois la spéciale terminée.
Le calcul est simple : chaque départ étant espacé de 3 minutes, c’est autant de temps gagné par concurrent remonté pour le pilote concerné. Sans compter que les traces laissées sur la pistes donnent une bonne indication de la direction à suivre, qu’il «suffit» alors de confirmer d’un rapide coup d’œil sur le roadbook. L’étape du jour ayant été annoncée comme particulièrement ardue, c’est en toute logique certains pilotes ont donc décidé de «partir derrière», afin de mettre toutes les chances de leur côté.
Un trio de tête presque définitif
Au classement général, on retrouve donc les trois «perdants» de la veille. Sam Sunderland a repris la tête de la course, avec 6’52 d’avance sur Pablo Quintanilla et 7’15 sur Mathias Walkner. Une stratégie parfaitement assumée par le nouveau leader : «Comme vous l’avez vu, et je n’étais pas le seul dans ce cas, on a été plusieurs à la jouer tranquille hier pour avoir une bonne position de départ aujourd’hui. Le plan n’était peut-être pas le bon, on le saura demain. La course n’est pas finie tant que le drapeau à damiers n’est pas franchi. Comme on le sait, la navigation sur cette course est très relevée, je vais rester concentré et continuer à donner le meilleur de moi-même, ceux que les autres vont également faire. Je vais donc essayer de faire une étape propre encore demain et j’espère que cela le fera.»
Trois marques (GAS GAS, Honda et KTM) dans un mouchoir de poche de sept minutes, après 11 jours de course et plus de 3000 kilomètres de spéciales chronométrées : le niveau de ce 44ème Dakar est définitivement élevé. L’étape de demain, plutôt courte (164 kilomètres seulement), sera une sorte de formalité pour ces pilotes aguerris et, sauf casse mécanique ou grosse erreur de navigation, ce sera l’un de ces trois-là qu’on retrouvera sur la plus haute marche du podium, demain à Jeddah.
Le perdant du jour, c’est Adrien Van Beveren (Yamaha #42). Leader du général hier et 3ème à s’élancer ce matin, le pilote français n’a pas fait de miracles et doit se contenter d’une 15ème place.
La faute à une erreur de navigation, qui se paie cash au classement général : «Au kilomètre 4, j’ai cherché un way-point qui ne s’est pas ouvert… je ne suis pas sûr qu’il était au bon endroit. J’y ai lâché beaucoup de temps, ça m’a mis les nerfs et je suis parti à fond. J’étais à 200 % et je me suis fait quelques chaleurs, donc je me suis un peu calmé, et ensuite j’ai aussi failli tomber en panne d’essence. La sanction est lourde, mais j’ai vraiment tout donné. Je n’ai aucun regret». Une spéciale au goût amer pour le pilote Yamaha, qui touchait presque du doigt, le matin même, une première victoire sur le Dakar. Mais rien n’est joué et tout peut encore arriver.
Et alors, cette 11ème étape ?
On en oublierait presque de parler de la spéciale du jour. La victoire de cette onzième étape est adjugée à Kevin Benavides (KTM #1), et elle a sans doute une saveur très particulière pour le tenant du titre. Victime d’une casse moteur la veille, alors qu’il était dans le top 5 au classement général, le pilote argentin a pu repartir ce matin, en utilisant le «Joker» mis en place par l’organisation. Une option qui le met hors-course pour le titre (avec une pénalité de 11h pour changement de moteur) mais qui permet au pilote de démontrer qu’il aurait sans doute pu jouer le podium final, en remportant la spéciale du jour, avec 4 petites secondes d’avance sur Sam Sunderland (GAS GAS #3).
Joaquim Rodrigues (#27) place sa Hero Motorcycles sur la troisième marche de ce podium d’étape, à 2’26, tandis que Matthias Walkner (KTM #52) et Ricky Brabec (Honda #2) complètent le top 5 du jour, à respectivement 4’54 et 5’22.
Du côté de la Suisse
Notre « Suisse de cœur » Jonathan Chotard termine cette étape en 52ème position, et remonte au classement général. Il occupe désormais la 64ème place, à un jour de l’arrivée. Il nous raconte, à l’arrivée de la spéciale, les difficultés qu’il a traversées :
«Une étape de plus ! Mais une belle, belle journée ! Avec des dunes de toutes les tailles, dont certaines difficile à passer à cause d’un sable hyper mou. Un truc de malade, avec la roue avant qui s’enfonçait jusqu’au garde boue. C’était dur physiquement, je me suis ensablé une dizaine de fois, c’était vraiment épuisant de relever la moto, surtout avec mes douleurs au dos. Mais l’ambiance dans les dunes était magique, avec une tempête de sable d’un autre monde. C’était superbe ! »
Nicolas Monnin, de retour au bivouac, nous parle de cette onzième étape, tant redoutée:
«Cette fameuse étape 11, qui était annoncée difficile, s’est révélée… très difficile ! La navigation n’était pas évidente, mais je m’en suis bien tiré. Ce n’était pas facile de piloter dans cet environnement, il y avait des dunes immenses, des dunes moyennes, des dunes toutes petites, mais avec parfois un sable très mou… Vraiment très compliqué. Pour moi, ça s’est bien passé, mais j’ai bien transpiré, ça n’a jamais été facile. Il faut être malin, viser juste, comprendre où le sable est le plus porteur, et surtout il faut oser y aller. Mais les sensations étaient là et le feeling aussi. Les paysages étaient magnifiques, le décor était tellement beau que je me suis arrêté pour prendre des photos. Je voulais profiter de cette avant dernière étape, et surtout des dernières dunes.
J’ai pu venir en aide à un motard italien, qui était en difficulté. Il était complètement ensablé, je l’ai aidé à sortir sa moto, j’ai essayé de le calmer et de le faire boire, et quand il a enfin pu repartir, on a fait un bout de route ensemble. Une belle rencontre dans les dunes !
Au final, je m’en sors bien, c’était une belle étape, il y a eu quelques chutes, quelques échecs sur certains franchissements très technique, mais on s’attendait à une journée comme ça. Maintenant, il faut que je prépare pour demain, la spéciale est courte, mais il y aura plus de 500 kilomètres de liaison et ça va être éprouvant. Mais c’est la dernière ligne droite !»
Nicolas est 112ème de l’étape, et pointe en 113ème position au classement général! On est avec toi pour la dernière étape, Nico !!!
Plus d’infos sur le site du Dakar.