Essai – La Chief Bobber d’Indian, machine à émotions, se met à la page
Nous avons passé trois jours avec la toute dernière version du cruiser de l’autre marque américaine, dans sa variante Bobber, revu pour 2021 pour que son gros V Twin refroidi par air passe les normes Euro 5 et pour que son équipement de bord réponde aux derniers standards. Une moto lourde, basse, longue, et surtout attachante!
La Chief Bobber de la marque américaine Indian Motorcycle est une moto qui fait tourner les têtes. Elle est basse, longue, stylée, et elle ne passe jamais inaperçue. Nous avons voulu voir si l’expérience de conduite était à la hauteur du look, en en empruntant une, le modèle 2021, auprès du garage Biker Syndicate, représentant d’Indian pour le canton de Vaud.
Notre essai a duré en tout et pour tout trois jours complets, durant lesquels il n’a pas plu. Sur des routes cependant souvent froides et humides, et par des températures hésitant entre le creux de l’hiver et les prémisses du printemps (juste les prémisses).
Le premier choc fut électronique. Qui pourrait soupçonner, en voyant la nacelle du tableau de bord si menue que l’écran puisse afficher tant d’informations? C’est l’une des particularités de cette mise à jour pour 2021. Si visuellement la face avant a été rendue plus minimaliste, avec un phare « tout nu » et sans carénage autour, on a par contre fait un bon en avant en termes d’équipements.
Pour ne citer que quelques détails, le tableau de bord, en couleurs, est aussi tactile. On a le choix entre deux modes graphiques. Et l’on peut voir le régime du moteur, la vitesse, le rapport de vitesses engagé, mais aussi l’état de la jauge d’essence, le kilométrage total ou partiel, sur un plan horizontal, et même au niveau du dénivelé! Il y a bien sûr une horloge, une indication de la consommation d’essence… et un GPS embarqué. Vous avez bien lu.
Avec une telle richesse, il est au final assez logique que l’affichage prenne un peu de temps à … s’afficher lorsque l’on met le contact. On a oublié de préciser que l’on peut tout commander depuis les deux commodos sur le guidon, par le biais de deux gâchettes du côté gauche. Ou au choix directement avec les doigts sur l’écran, ce qui n’est pas recommandé en roulant.
Mais trève de distractions, fussent-elles plaisantes et graphiques. Faisons démarrer ce monumental V Twin américain. Il faut pour cela avoir la clé sans contact en poche. On note avec plaisir qu’une seule pression sur le démarreur suffit à ébranler – c’est le terme – les 1890 cm3 du moteur « Thunderstroke » refroidi par air et huile. Il est conforme aux normes anti-pollution Euro 5, et c’est le plus gros de la gamme Indian en Europe. Il équipe aussi les deux autres variantes Chief et Super Chief Limited, et toute une famille de baggers et de tourers: Springfield, Chieftain et Roadmaster. Avec leurs variantes de finition et d’équipement.
Ce moteur a une distribution culbutée. Ce qui veut dire, comme pour twin de ce genre, en entretien réduit à l’essentiel, la commandes des soupapes étant pneumatique. Et pour l’instant, il vibre, de manière très acceptable pour un tel colosse, et il gronde de manière régulière, propre, et malgré tout très vivante, sans pour autant casser les oreilles à tout le voisinage.
La position de conduite est comme la moto, basse et longue. Avec une selle à seulement 662 mm du sol, on n’a aucune peine à bien poser l’entier des pieds par terre. Le sous-signé mesure 1m70. Sur cette variante Bobber, les repose-pieds, d’origine, sont des commandes avancées. Ce qui veut dire qu’il faut déplier les jambes pour aller placer ses pieds là, devant. Mais ce n’est pas extrême non plus. Et il est possible d’adopter des commandes dites médianes, placées sous votre séant, en piochant dans le catalogue des accessoires.
Le guidon, lui, est assez haut, à peine recourbé vers vous, et pas trop large pour des bras proportionnés à la taille de votre serviteur. C’est ce qu’on nomme un « Mini Apehanger » (« mini-suspensoir à singe », littéralement), dans le jargon. Et pendant qu’on y est, on annonce tout de go que la selle, bien que minimaliste, est confortable pour les séants délicats.
Il est temps de relâcher l’embrayage qui, s’il n’est ni délicat à actionner ni brusque, demande tout de même une certaine force dans la main gauche quand il s’agit de débrayer. La Chief Bobber glisse doucement sur l’asphalte, martelant doucement l’environnement – vous, la route, les rétroviseurs – des pulsations de son moteur.
Une bonne surprise, à basse vitesse: la configuration du train avant fait qu’il est assez facile de tourner, et même de bien tourner. Même si la moto est du genre long. Faire demi-tour est à la portée de n’importe qui. Il faut juste peut-être un peu de patience et décomposer la manoeuvre en deux mouvements distincts si la route est du genre étroit. Mais la Chief Bobber est bien équilibrée sur ses roues et le guidon offre un bon bras de levier. Les plus de 300 kilos en ordre de marche de cette moto ne se font pas trop sentir. Parce que non seulement elle est basse visuellement et ergonomiquement, mais c’est aussi le cas de son centre de gravité.
Comme c’est une Indian de dernière génération, on peut choisir entre trois modes de pilotage. On le fait soit en posant un doigt sur les « boutons » du tableau de bord – mieux vaut le faire à l’arrêt – soit, si l’on roule, en utilisant les deux vrais boutons – en fait, plutôt des gâchettes – situés sur le commodo gauche.
Il y a une différence notoire entre ces trois modes, qui correspondent en gros au mode pluie, au mode route standard et au mode sport. Le premier délivre des accélérations très douces, le deuxième en donne nettement plus, mais de manière arrondie, et le troisième répond avec beaucoup de vivacité au plus petit des mouvements de rotation de l’accélérateur – il vaut mieux l’oublier quand on cruise en ville.
Pas de contrôle de traction à disposition, juste l’ABS légalement obligatoire. Mais la Chief Bobber est tellement longue que l’anti-patinage n’est pas forcément utile. Quand on ouvre les gaz en grand en sortir de virage, la moto se remet droite toute seule du fait de sa longueur et de son poids.
La position avancée des repose-pieds fait qu’il faut adopter un style de conduite un peu différent en virage, en utilisant surtout le haut du corps. Il est possible de prendre un peu d’angle avant que les cale-pieds ne viennent frotter l’asphalte. Mais pas énormément. Indian ne donne pas d’indication précise sur l’angle maximal. Disons que c’est nettement mieux qu’une Indian Scout, par exemple, la petite soeur au moteur de 1130 cm3 destinée notamment aux jeunes permis. Et lorsque ça frotte, les tiges des cale-pieds le font en premier, en guise d’avertissement, et les cale-pieds se redressent en pivotant.
A la demande de certains clients, le concessionnaire peut éventuellement « raboter » la partie la plus à l’extérieur des repose-pieds, pour grappiller encore un ou deux degrés. Et l’on peut aussi faire installer en accessoire les commandes médianes, qui sont placées un peu plus haut.
Ce qui est sûr, c’est que le cadre, les suspensions et les pneus, de gros Pirelli Night Dragon, permettraient d’aller clairement plus bas que ce qu’autorisent les repose-pieds. Tout est très stable et précis.
A l’accélération, pas de souci, la moto est basse et le débattement arrière n’est pas immense, donc très peu d’effet de tassement. Juste le son sympathique du gros V Twin qui aspire l’air dans une trépidation grave du plus bel effet, selon nous. Au freinage, il y a quelques oscillations de l’avant si l’on tire fort sur les freins antérieur. Ou plutôt le frein antérieur, puisqu’il n’y a qu’un disque. La fourche télescopique non inversée est peu freinée. Mais vu l’angle de direction bien ouvert, la largeur du pneu avant et le relatif peu de mordant de l’étrier – sans oublier la longueur et le poids de la moto – cela ne perturbe pas plus que cela la trajectoire.
C’est une autre histoire pour le frein arrière. Il est plus mordant. Actionné avec une certain force en plein virage, il induit des mouvements peu agréables du pneu arrière, si l’on roule sur un revêtement froid et humide. Il en faut beaucoup plus pour le faire décrocher, et l’ABS veille au grain, notez bien. Mais la sensation désagréable d’assister à un mouvement de ciseaux incite immédiatement à relâcher la pression. Il est vrai que la Chief Bobber n’est pas vraiment faite pour une conduite sportive ni pour du Flat Track.
A un rythme enjoué, si pas exactement sportif, cette Chief Bobber est cependant saine et rassurante, et on peut se faire plaisir sans arrière-pensée.
Les bosses, creux et vaguelettes du bitume sont avalés avec étonnamment peu de drame. La fourche souple, le cadre costaud et les bons pneus expliquent cela. C’est même confortable, plus qu’on pourrait l’imaginer en voyant la moto. Là encore, cela dépend bien sûr du rythme choisi pour cruiser.
La moto que nous avons essayée, de son nom complet la Chief Bobber Dark Horse, était parée du coloris Sage Brush Smoke, une sorte de vert sombre relativement mat, du plus bel effet. On peut aussi l’obtenir en noir ou en gris sombre. Avec une déco de « chef indien » (forcément) sur les flancs du réservoir d’essence, et des finitions noires pour le moteur (réhaussées d’accents crhomés discrets), les échappements, les roues et les suspensions. Le prix de départ est fixé à 24490 francs, sans les frais de transport ni ceux de mise en service.
Il est bien sûr possible de personnaliser la Chief Bobber, par exemple en la dotant de platines repose-pieds placées en avant, au lieu des simples tiges repose-pieds. Pour plus de confort. On peut aussi adopter des respose-pieds en position médiane plutôt qu’avancée. Et si l’on n’est pas content de quelques soupçons de degrés d’inclinaison éventuellement manquants, selon Biker Syndicate, on peut même « raboter » le bout desdits repose-pieds, une opération à ne pas effectuer soi-même!
Les accessoires disponibles vont des sacoches en cuir à la prise de recharge USB, aux différents pare-brise et à des ajouts purement esthétiques. Côté selle, on peut rendre la Chief Bobber biplace en ajoutant une petite selle passager. Avec ou sans dosseret. Cette moto est aussi disponible dans deux autres variantes, la Chief (Dark Horse) tout court, qui est un poil moins chère (dès 22490 frs), qui arbore des jantes à bâtons, avec un pneu avant de taille différente (19 pouces), et la Super Chief Limited (dès 26990 frs), qui a les mêmes roues que la Bobber, mais qui est biplace d’origine, dont les coloris sont moins sombres et qui est d’emblée plus adaptée au touring léger avec ses sacoches d’origine et son pare-brise amovible.
Pour plus d’infos, vous pouvez consulter le site suisse d’Indian Motorcycle, ou vous adresser notamment à notre partenaire de l’Annuaire suisse des professionnels de la moto, Indian Lausanne – Biker Syndicate, à Crissier (VD). Vous pouvez aussi découvrir nos test d’autres modèles d’Indian, comme par exemple la FTR 1200 R Carbon.
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