Essai Harley-Davidson Nightster 975 – Le digne remplaçant du Sportster 883 ?
Harley-Davidson nous a proposé de tester sa Nightster 975, la veille de sa présentation officielle. Un privilège qui nous permet de vous proposer, en exclusivité francophone, notre ressenti sur ce nouveau modèle qui représente, désormais, la porte d’entrée du constructeur américain. Entendez par là qu’il s’agit de la moto la moins chère du catalogue, qu’elle peut-être bridée pour satisfaire aux exigences du permis «A limité» (ou «A2» en Europe) et qu’elle se montre facile et accessible. Cerise sur le gâteau: elle est sacrément fun! Allez, on vous emmène avec nous à sa découverte, sur les petites route de la Costa Brava.
Dimanche, 18h. Décollage de Genève pour Barcelone. Destination finale? Inconnue. Rien n’a encore filtré. Je sais simplement que mon point de chute est situé quelque part dans la région de Girona, une centaine de kilomètres plus au nord. But du voyage? Tester une moto dont, là aussi, je ne sais rien. Ou presque. Car les spécialistes marketing de Harley-Davidson, en pros du teasing, ont savamment filtré les quelques informations distillées. Un nouveau Sportster serait en approche. Seules informations, quelques images disponibles sur les réseaux sociaux. On y aperçoit une moto à l’allure ramassée, avec un phare rond enveloppé d’un carénage à l’avant et un réservoir de type «peanut». Comme à l’époque, pas si lointaine, des mythiques 883 et autres «Forty-Eight».
Lors du lancement de la Pan America 1250 Special, puis du Sportster 1250 S, Harley-Davidson avait laissé entendre que son nouveau moteur, le «Revolution Max», était appelé à être décliné en des cylindrées différentes. Le constructeur étasunien nous sortirait-il du chapeau un petit Sportster, simple et efficace? Je suis conscient de la chance que j’ai de pouvoir essayer cette moto avant sa présentation officielle et me réjouis de la découvrir.
Dimanche, 22h. Arrivée nocturne dans un petit hôtel qui, s’il a l’air charmant, ne laisse rien paraître de ses atouts. Mon arrivée tardive m’a fait louper la conférence de presse (ainsi que le traditionnel «American Barbecue» propre à chaque présentation Harley-Davidson) et je retrouve mes confrères en pleine digestion. Ceux-ci me briefent rapidement sur cette nouveauté «surprise» et je découvre, sur un communiqué de presse rédigé en allemand, quelques informations sur cette nouveauté.
Le nouveau venu de la catégorie «Sport» se nomme donc Nightster 975 et son moteur est bien une version allégée du «Revolution Max», qui a été downsizé à 975 cm3. La puissance délivrée est de 89 ch (à 7500 tr/min) tandis que le couple s’établit à 95 Nm, à 5750 tr/min.
Le poids est inconnu à l’heure ou je découvre la moto, tout comme de nombreux autres détails techniques. Tant pis pour la précision. Et tant mieux pour la légèreté de ce texte. La fiche technique de ce nouveau Sportster, disponible ci-contre, sera mise à jour en temps voulu et renseignera les puristes des chiffres sur les moindres aspects techniques et hautement essentiels, comme par l’exemple l’angle de colonne ou la capacité en huile du moteur.
Pour l’heure, ce qui m’intéresse, c’est la moto. Et je ne l’ai, pour l’instant, pas encore aperçue. Il me faudra pour cela attendre le lendemain matin. Ben oui, fallait pas arriver en retard.
Lundi matin, 8h. Après un petit déjeuner chargé en vitamines (il y a deux essais prévus dans la journée, avec une – rapide – prise en main de la nouvelle Low Rider ST, équipée du «Milwaukee Eight» 117), j’aperçois enfin cette fameuse Nightster. Enfin, je l’entends plutôt.
Le staff Harley-Davidson s’affaire à aligner les motos devant l’entrée de l’hôtel et le premier contact est donc d’ordre auditif. Et il est plutôt agréable. La sonorité du bloc 975T (son nom de code américain) est plutôt enjouée au ralenti, avec une tonalité assez grave, tout en rondeur. On est loin du «Potatao-potato» de l’époque (merci les normes Euro5) mais il faut reconnaître que la surprise est plutôt bonne.
Un Sportster accessible
Une fois que je l’ai béquillée, je suis étonné de me retrouver face à une petite moto. Rien de péjoratif ici, mais la moto est plutôt compacte. Bon point pour les jeunes permis qui s’y intéresseraient, elle ne se montrera pas trop intimidante.
D’ailleurs la selle (pilote uniquement, le Nightster 975 est une moto d’égoïste) culmine à 705 mm du sol, permettant de mettre les deux pieds bien à plat.
Le gabarit est loin d’être impressionnant mais la moto semble bien finie. En tout cas, lorsqu’on la regarde du côté droit. Le soin apporté au twin de 975 centimètres-cubes est évident, et son côté moderne propulse immédiatement le Nightster dans le 21ème siècle.
Mais si on se penche du côté gauche, c’est tout de suite un peu moins propre. La faute à de nombreux câbles, fils électriques et autres tubulures qui s’entrecroisent dans un joyeux fouillis. Un aspect par ailleurs relevé également sur le bloc de 1250 centimètres-cubes qui équipe les Sportster S et Pan America Special.
Si les garde-boues sont en acier, le choix du plastique pour certains éléments, comme le cache de la prise d’air, est tout de même dommage sur une moto de cette trempe. C’est un détail – et on comprend aisément qu’il ait fallu économiser des kilos – mais le métal fait partie de l’ADN de la gamme Sportster depuis 65 ans, au point qu’il soit difficile ne pas être heurté par la présence d’éléments en plastique.
Rassurons-nous, le superbe réservoir de type «Peanut» est bel et bien en métal, de sorte que les puristes de la gamme ne soient pas déçus… enfin, ça, c’est certainement avant qu’ils apprennent que ledit réservoir est factice. Il s’agit en réalité d’une simple (et fine) coque métallique, qui sert d’abri pour la boite à air. Le réservoir, d’une capacité de 11,7 litres, se trouve sous la selle. Une belle façon pour la marque d’abaisser le centre de gravité de la moto et de rendre les changements d’angles un rien plus vifs.
Visuellement, l’ensemble fonctionne parfaitement. Le Nightster bénéficie d’une ligne équilibrée, qui reprend un certain nombre de codes esthétiques de la lignée. A commencer par son phare rond, qui séduira sûrement davantage les puristes de la marque que celui, particulièrement clivant, de son grand frère, le Sportster 1250 S.
Un Sportster moderne
Niveau technologie, le Nightster 975 fait fort. Il y a bien sûr un ABS, mais également en contrôle de traction (déconnectable) et un contrôle de couple moteur, pour éviter que la roue arrière ne se bloque sur de forts rétrogradages.
Trois modes moteurs sont proposés de série («Rain», «Road» et «Sport»), qui influent sur la courbe de puissance, sur la réponse à la poignée de gaz ainsi que sur les degrés d’intervention des assistances. Enfin, le démarrage sans clé est de série, tout comme l’éclairage full LED.
Mais un «vrai» Sportster
A l’heure de s’asseoir sur la moto, il n’y plus de doute possible. La selle, qui promettait visuellement un semblant de moëlleux, se révèle moins épaisse qu’espéré. Mais il est honnête de prendre en considération le poids de l’essayeur, qui dépasse les 100 kg, dans l’équation. La finesse de la selle à l’entrejambe permettra elle aux plus petits gabarits de se sentir en sécurité à l’arrêt.
La position de conduite, elle aussi, est typique de certains des anciens Sportster. Et bien que j’aie un peu de mal à l’admettre, c’est un plaisir de la retrouver. Les repose-pieds sont en position centrale, ce qui place les jambes un peu en avant, avec un angle de quasiment 90° aux genoux. Les bras, eux, sont projetés sur l’avant, façon cramponnage de fortune.
Mais encore une fois, le poste de pilotage n’est pas intimidant. Le diamètre du guidon est raisonnable et les poignées ne sont pas trop épaisses, eu égard aux standards habituels de la marque. Le Nightster ne dégage pas autant que d’autres motos de la gamme cette impression de virilité due à une surabondance de lourdes pièces métalliques, souvent disproportionnées.
Seule la largeur dudit guidon peut surprendre, avec le fait qu’il faille basculer le buste vers l’avant pour l’attraper, bien sûr. On l’a dit: c’est un vrai Sportster!
Un Sportster… classique
Le contact est mis (enfin, enclenché, puisque la clé reste dans la poche) et le compteur s’illumine. Sans fioritures, le petit bloc est composé d’une grosse aiguille pour la vitesse, ainsi que d’une petite lucarne LCD. S’y trouvent une jauge à essence et un ordinateur de bord, qui peut faire défiler les informations d’une simple pression sur un bouton dédié. Kilométrage total et partiel, autonomie et horloge peuvent y être affichés.
Tout comme le régime-moteur, même si on aurait préféré, pour les jeunes pilotes en phase d’apprentissage, un bon vieux compte-tour à aiguille. Mais c’est le prix à payer pour une instrumentation de bord simple, lisible et efficace. Et c’est aussi ça, la philosophie Sportster.
On ze road again
C’est la première fois que je roule dans cette régions de l’Espagne. Les tests se déroulent souvent plus au sud, dans la région de Malaga. Découvrir de nouveaux espaces au guidon d’une nouvelle moto est donc un programme réjouissant, même si le ciel est un peu couvert en ce matin d’avril.
Mais la température, de l’ordre de 14°, laisse présager le meilleur, d’autant que de belles éclaircies sont prévues dans la journée. J’enclenche la première dans un « KLONK » typique et j’effectue mes premiers tours de roues avec ce tout nouveau Nightster.
La route qui permet de quitter l’hôtel est étroite, et serpente beaucoup. Cela tombe bien, la moto semble assez agile. La roue avant est fidèle à la philosophie des Sportster d’antan, avec un diamètre de 19 pouces et un pneu de seulement 100 mm de large. Pour la faire tourner, l’important bras de levier offert par le large guidon prend tout son sens.
Les suspensions sont confiées assez classiquement à une fourche de 41 mm de diamètre (signée Showa) à l’avant, et à une paire d’amortisseurs à l’arrière. Dénués de tout réglage – à l’exception de la précharge à l’arrière –, ces éléments sont de bonnes facture et jouent bien leur rôle.
Soyons clair: le confort offert est loin d’être royal, et c’est toujours votre colonne qui fera office d’amortisseur ultime, les jambes n’étant pas en appui sur les repose-pieds. Mais on est tout de même loin de la sécheresse des modèles précédents, dont on pouvait parfois se demander s’ils n’étaient pas montés «rigides».
Au contraire, l’ensemble travaille bien et aucun effet de pompage exagéré ne vient perturber la tenue de cap lors des courbes rapides. La stabilité de la moto, à un rythme normal, est impossible à prendre en défaut. Le Nightster inspire confiance, d’autant que son moteur incite à mettre du gaz. Et que les routes de la région de Gérone, entre ciel et mer, ressemblent furieusement à l’image que l’on se fait du paradis des motards.
Un Sportster … sportif
Que personne ne s’emballe. Le Nightster est loin d’être une bête de course. Mais dans sa catégorie, il envoie plutôt du lourd. Le nouveau bloc de 975 cm3 est légèrement dégonflé par rapport à celui du Sportster 1250 S (il perd 32 chevaux et 30 Nm de couple dans l’opération). Mais il n’a rien perdu en vivacité et en caractère.
Plutôt souple (il peut reprendre sous les 2000 tr/min si on lui demande gentiment), ce twin monte avec une certaine hargne jusqu’à 9000 tr/min, en distillant au passage de belles sensations.
Sur les petites routes qui longent la mer méditerranéenne, entre Tossa de Mar et San Feliu de Guixols, il y a peu de lignes droites. Pas franchement le genre de route sur lequel on se projette d’office avec une moto de ce genre. Et pourtant. Dans ces enchaînements de virages digne des meilleures montagnes russes, le Nightster 975 se révèle un partenaire de choix.
On saute d’un virage à l’autre sur le gras du couple, soit entre la deuxième et la quatrième vitesse, entre 3000 et 6000 tr/min. La seule limite provient ici des cale-pieds, qui râcleront irrémédiablement (et très rapidement) le bitume.
Avec un angle d’inclinaison maximum de 32°, le Nightster 975 est le meilleur adversaire du Bobber 1200 (signé Triumph et essayé ici), qui a lui aussi tendance à ne pas vouloir tourner sans en profiter pour marquer son territoire d’une gerbe d’étincelles.
Les modes moteur, au nombre de trois, offrent chacun un caractère différent. Mais tous génèrent de petits à-coups à la remise des gaz. Imperceptibles en roulant à vive allure, ces légers soubresauts se remarquent particulièrement en ville, lorsque l’on doit se maintenir à faible vitesse, entre rond-points et colonnes de voitures.
Le passage d’un mode à l’autre, en revanche, est d’une simplicité désarmante. Une pression sur un bouton, et vous voilà sur le mode suivant. Pas de sélection, pas de validation, mais une efficacité maximale qui permet de switcher d’un mode à l’autre sans même regarder le commodo, quel que soit le rythme adopté.
Le côté rageur du bicylindre est accentué par une sonorité très sèche, presque métallique par moments. Sans doute le faux réservoir, en aluminium, qui fait caisse de résonance avec sa boîte à air. Pas désagréable, loin de là, mais cela peut vite fatiguer sur les longues étapes. Les vibrations, elles, vous ficheront la paix. Le Nightster est loin d’en être dénué (elles arrivent aux alentours des 5000 tr/min), mais vos mains et vos pieds en seront exemptés, travail d’isolation sur les poignées et les cale-pied oblige.
Un Sportster qui vous fera multiplier les arrêts
Heureusement, Harley-Davidson a pensé à tout. D’une part, le confort offert par la selle vous poussera à profiter de chaque occasion pour vous arrêter et prendre en photo la moto (ainsi que vous dégourdir un peu les jambes, tant qu’à faire).
D’autre part, l’autonomie offerte est relativement restreinte. Avec moins de 12 litres sous la selle, pas besoin d’être devin pour comprendre que les 200 kilomètres par plein seront difficilement atteints. Ma moto d’essai, qui n’avait que les trois quart du réservoir rempli en début de journée, est tombée en réserve après une soixantaine de kilomètres seulement.
Une information à prendre avec des pincettes, sachant que la consommation n’a pas pu être mesurée sur cet essai espagnol qui n’aura duré, en tout et pour tout, que 102 kilomètres. Cela sera à vérifier lors d’un test ultérieur en Suisse.
D’ailleurs, en parlant d’arrêt, il me reste à évoquer les freins. Parce qu’une masse de plus de 200 kilos ralentie par un simple disque à l’avant, cela pourrait effrayer les plus novices d’entre nous. Là aussi, les ingénieurs de Milwaukee ont bien travaillé. Le disque paraît petit, mais il ne faut pas perdre de vue que la roue avant est en 19 pouces, soit un diamètre plus important que ce à quoi nous sommes habitués.
Signé Brembo, le disque avant mesure bien 320 mm de diamètre. Pincé par un étrier 4 pistons à fixation axiale, il stoppe efficacement la bête, en conciliant puissance et dosabilité. L’attaque au levier n’est pas trop brutale, ce qui évitera de se faire surprendre par un freinage d’urgence par définition imprévisible.
Le frein arrière, simple ralentisseur, souffre pour sa part d’une course un poil longue, qui rend son utilisation peu efficace.
Un Sportster d’entrée de gamme… premium
Ce Nightster 975 est une sacrée bonne surprise. Son moteur est jouissif, son équipement technologique est au point et sa partie-cycle inspire confiance. Son look «classique» permettra peut-être aux puristes de la marque de se réconcilier avec l’appellation «Sportster », tant le 1250 S – si performant soit-il – semblait s’être éloigné de la philosophie originelle de la lignée. Mais pour cela, il leur faudra mettre le prix.
Car il reste un détail. Et il est de taille. Le prix d’abord annoncé du Nightster 975 en Suisse est de 15700 frs dans sa version noire, auxquels il faut rajouter 300 frs si l’on désire un modèle gris ou rouge (un coloris qui ne concerne que la peinture du « réservoir »). Soit 16000 frs tout rond.
Si la progression de ce nouveau Sportster est fulgurante sur le plan technologique, elle l’est également sur le plan tarifaire. Le Nightster a beau être la Harley-Davidson la moins chère du catalogue 2022, elle reste positionnée à un tarif qui la met en concurrence avec de nombreux autres modèles.
S’il n’y a que peu de doutes concernant l’engouement suscité par le Nightster sur le marché helvétique, il y a fort à parier qu’il rencontrerait un véritable succès commercial avec un prix d’appel plus accessible. Un prix calqué sur celui pratiqué aux USA, à tout hasard. Car à 12150 francs (l’équivalent actuel des 12999 dollars exigés de l’autre côté de l’Atlantique pour l’acquérir, même si le calcul est simpliste), le Nightster 975 offrirait sans doute à la marque américaine de très beaux scores de vente en Suisse, avec comme principal avantage supplémentaire de rajeunir une partie de sa clientèle.
Aux dernières nouvelles, il semble que Harley-Davidson soit devenu conscient de ce problème, car le prix le plus récent de ce modèle est de 14500 francs, dans le coloris de base. Plus d’infos sur le site du constructeur.
C’est pas très clair…..
La boîte a air? Est sous le réservoir factice ou sur le côté comme on voit sur les photos ???
Bonjour,
La boite à air est bien sous le réservoir factice. C’est la prise d’air que l’on voit entre les cylindres.
Salutations motardes.