2400 km dans les montagnes somptueuses du Kirghizistan, 1ère partie
Nous avons participé à l’un des voyages à moto organisés en Asie centrale par T3 Expérience, à la rencontre des paysages et des cultures du pays qui concentre les plus grandes réserves d’eau de la région.
Un petit groupe de chevaux traverse nonchalamment la piste en terre qui descend du col de Kazarman – de son vrai nom géographique, col de Kaldaman, il culmine à près de 3000 mètres. Le passage du petit groupe de motards que nous sommes dans ce coin de montagne n’a pas vraiment l’air de les inquiéter. Les troupeaux d’équidés du Kirghizistan ne sont pas sauvages, ce sont des chevaux élevés par les nomades qui viennent s’installer dans ces hauteurs durant l’été.
Au mois de juillet, la météo du Kirghizistan est censée être invariable: il ne pleut pas. Et comme le pays est doté de montagnes somptueuses et que les plaines se trouvent souvent à plus de 2000 mètres d’altitude, il ne fait pas trop chaud.
Cela fait de ce pays d’Asie centrale une destination de voyage idéale à moto, pour autant que l’on trouve un moyen de dénicher une moto sur place, ou une manière de faire parvenir sa propre moto là-bas. C’est exactement ce que proposait la société T3 (qui vient de prendre un nouveau départ, et a créé une nouvelle marque sous le nom de 3E), présente en Suisse et spécialiste des voyages à moto longs à très longs: les bécanes sont expédiées depuis la Suisse (et la France) par camion jusqu’à Bishkek, la capitale du Kirghizistan, et les voyageurs n’ont plus qu’à faire le trajet en avion.
Nous nous sommes inscrits à deux journalistes d’ActuMoto.ch pour l’un des voyages T3 au Kirghizistan, au mois de juillet. L’un des deux, l’auteur de ces lignes, est le rédacteur responsable d’ActuMoto et aussi le rédacteur en chef du magazine Moto Sport Suisse. Il a choisi de faire voyager sa moto personnelle, une Ducati DesertX (lire notre essai).
Le second est notre rédacteur et essayeur « Carlito », de son nom de baptême Charles Donzé. Ducati Suisse a accepté de lui prêter une Multistrada V4S (lire notre test au rallye Hard Alpi Tour) équipée de roues à rayons et de protections en cas de chute.
Et nous voici donc sur la route, ou plutôt la piste menant à la petite ville de Kazerman (on dit aussi Kazarman), en train de grimper en direction du col évoqué ci-dessus. Et s’il ne pleut pas, il a bien plu la veille et la nuit, et certains passages se révèlent délicats.
La rivière a en effet débordé sur la piste et y a creusé des rigoles en les remplissant de boue. Nos montures ont beau être des enduro de voyage, avec des roues hautes et des suspensions longues, nos pneus ne sont pour la plupart pas idéaux sur ce genre de terrain.
Nous passons un premier petit gué entouré des cailloux et de terre bien glissante, au pas. En contournant le bulldozer manié avec dextérité par un ouvrier kirghize qui est en train de remettre le cours d’eau dans son lit légitime. Puis vient un second gué, et là, la DesertX, du haut de ses 250 kilos avec pleins et bagages, décide de ne plus écouter la voix de son maître et se couche sur le flanc gauche.
Heureusement, un autre kirghize passant par là nous propose son aide. Et le temps de reprendre notre souffle, nous nous retrouvons au sec. L’attitude de ce gentleman est exemplaire de la manière dont se comporte la population locale vis-à-vis des étrangers et étrangères: curieuse de savoir ce que nous faisons ici, et toujours prête à tenter de discuter, par gestes s’il le faut, à proposer l’hospitalité et à aider si cela s’avère nécessaire.
Nous allons avoir deux ou trois autres occasions d’affiner notre équilibre sur des pistes rendues glissantes par la pluie lors de ce voyage. Dans l’ensemble rien de très difficile. Il suffit de diminuer l’allure, voire de poser les deux pieds, et de garder la tête froide. Et puis Arnaud, l’un des patrons de T3, qui est notre guide à moto pour ce périple dans les étendues du Kirghizistan, est là pour nous encourager, voire nous aider.
C’est tout l’intérêt et la beauté de ce voyage en Asie centrale: on part à la découverte, on vit de vraies aventures, mais les organisateurs font tout ce qu’il faut pour que cela se passe dans de bonnes conditions. Ils insufflent un esprit positif et incitent les participants à prendre le temps de faire ces découvertes, à ne pas rouler le plus vite du point A au point B sur l’itinéraire du jour, mais à s’arrêter, pour prendre des photos, admirer la vue, aller à la rencontre des gens du coin …
Notre voyage avait pour point de départ la capitale kirghize, Bishkek, une ville de plus d’un million d’habitants et d’habitantes. Avant de prendre la route, il y a une journée consacrée à la découverte de la ville, à l’achat éventuel de crédits sur les cartes SIM téléphoniques du Kirghizistan dans un distributeur, au change de devises qui seront utiles, par exemple, pour payer les pleins d’essence là où les cartes de crédit n’existent pas forcément. Et aussi à digérer l’arrivée tôt dans la nuit à l’aéroport international Frunze, à une vingtaine de minutes du centre-ville, et les quatre heures de décalage horaire par rapport à la Suisse.
La société T3 a requis les compétences d’un guide francophone venu d’Ouzbékistan, Rustam, qui n’est pas motard mais nous accompagnera durant tout le voyage, dans un 4×4 d’assistance qui transporte les bagages, des médicaments, de l’eau et une remorque et nous a rejoints à chaque étape du soir, et aussi lors des pauses repas de midi, que ce soit dans un restaurant ou pour un pic-nique.
Rustam est devenu un ami. Il est déjà venu une fois en Suisse avec son épouse, et il parle un français impeccable, appris à l’université, pas dans un pays francophone. Mais il est capable de réciter une fable de Lafontaine sans la moindre erreur. Il parle aussi couramment à la fois le russe, qui est la langue commune la plus répandue dans les cinq ex-membres de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), dont fait partie le Kirghizistan, et le kirghize, proche de la langue ouzbèke.
Il est donc notre interprète de choix, quand il est présent. Quand ce n’est pas le cas, sur la route, nous nous débrouillons comme nous pouvons, en apprenant deux ou trois expressions essentielles, comme celle de répondre en russe que nous venons de Suisse. Et le reste se fait avec des gestes. Peu d’habitants du Kirghizistan, en dehors des quelques grandes villes (la capitale, au nord, et Osh, tout au sud), savent s’exprimer en anglais. Mais cela vient, notamment parmi les jeunes générations.
Après une agréable journée de découverte des lieux intéressants et des particularités historiques générales du pays, donc, nous retrouvons nos motos dans le parking de l’hôtel Janaat, un cinq étoiles à Bishkek. Et vers 9h du matin, une fois équipés des vêtements et équipements protecteurs, et avec dans nos valises, nos sacs de moto et/ou nos vestes assez d’eau pour la journée, nous partons. En direction d’abord de la plus proche station d’essence, qui se trouve juste de l’autre côté du carrefour.
Arnaud nous a avertis: il faut en général commencer par donner de l’argent à la caisse, puis se servir à la pompe. Et si on a trop donné, on repasse par la caisse, qui est censée rembourser ce qui n’a pas été utilisé. Avec un peu de pratique, on arrive facilement à estimer de combien de Soms, la monnaie locale, on a besoin en fonction du nombre de litres d’essence qu’il faut acheter.
Puis vient le départ, pour de bon cette fois-ci, direction les plaines à l’ouest et au sud de Bishkek. On voit déjà des montagnes, imposantes et pour certaines couronnées de neige, pas loin de ces plaines. C’est là que nous allons!
La première journée est l’occasion de passer un premier col, nommé Töö Ashuu (transcription approximative) en kirghize. Ce qui veut à peu près dire: « col de la montagne aux chameaux ». En sachant qu’Ashuu veut dire col dans cette langue – et que Kul veut dire lac, apprendrons-nous plus tard.
Ce col est atteint par une route entièrement asphaltée, qui monte jusqu’à un peu plus de 3100 mètres d’altitude. L’ancienne version de cette route ne l’était pas (asphaltée), ou pas complètement, et elle grimpait encore un peu plus haut.
A présent, un tunnel en deux parties, long de plus de 2 kilomètres, permet de traverser le sommet. Il est mal ventilé et peu éclairé, et fortement fréquenté par des camions et des voitures. Ce n’est pas le tronçon le plus agréable de cette route. Mais la montée jusqu’à ce col donne à voir des paysages à couper le souffle, et la descente est aussi pas mal.
Dans cette descente, nous croisons nos premiers chevaux pâturant librement, et aussi nos premiers étals de nomades vendant leurs production. Principalement des bouteilles de lait de jument fermenté, appelé Khimis, et des bocaux de boulettes sèches de lait caillé, très salées. Le premier a des vertus digestives fortes – il ne faut pas en abuser, ou alors s’assurer que les toilettes ne sont pas loin. Les secondes contiennent des sels minéraux qui rétablissent l’équilibre osmotique du corps, et on est censé les sucer lentement. Si on les croque, il faut s’assurer qu’une bouteille d’eau est à proximité.
Nous descendons dans la vallée de « Suusamyr », et nous arrêtons au bord du fleuve du même nom coulant dans cette vallée, pour un agréable pic-nic, fait de saucisses, de pâté, de poissons en conserve, de pain local, de tranches de melon jaune absolument délicieuses… et couronné par du café soluble ou du thé avec de l’eau cuite sur un réchaud à gaz. Il y a aussi du fromage, dont l’emballage assure en anglais qu’il est de « Swiss Quality »!
Nous sommes encore à plus de 2000 mètres. Il y a peu d’arbres, mais plein de prairies bien vertes, et des campements plus ou moins proches de la route, avec leurs yourtes typiques. Des sortes de tentes rondes que les nomades utilisent comme maisons durant l’été.
Le murmure de la Suusamyr incite à la sieste, mais nous avons encore du chemin à faire, dont un nouveau col, avant la (toute) petite ville de Talas, où nous attend une guesthouse pour la nuit.
En route, nous passons sous une arche flanquée d’une monumentale statue de Manas, le héros kirghize ayant uni les quarante tribus et unifié le peuple des nomades, avec ses gros biceps, son torse impressionnant et son arc. Une autre statue de personnage légendaire a remplacé celle de Lénine sur la place central de la capitale. Et il a aussi donné son nom à un aéroport et à des localités.
En arrivant à Talas, nous faisons tous le plein. La journée qui suivra totalisera beaucoup de kilomètres (plus de 300), dont la majeure partie sera comptabilisée sur des pistes non asphaltées, et en altitude. Et en attendant nous faisons connaissance avec la pension Baibol.
C’est une auberge avec un jardin décoré de sculptures sur bois originales, réalisées par le mari de la tenancière. Nous avons droit à une chambre double dans une maisonnette au sommet de la colline, avec WC-douche. Et prise de recharge pour nos appareils de communication et pour l’iPhone qui me sert de navigateur GPS.
Le principe de ce voyage au Kirghizistan est en effet de suivre la « trace » fournie par l’organisateur. Cela permet de se retrouver pour par exemple manger à midi, et de se faire secourir si on chute, car il y aura toujours soit Arnaud, soit le 4×4 qui passera par l’endroit où l’on se trouve en rade.
Mais comme plus de la moitié de l’itinéraire suite des pistes non asphaltées, au lieu d’un GPS classique, j’ai opté pour le téléphone, posé sur un support, et une appli spécialisée, souvent utilisée par les cyclistes ou les randonneurs: Mapout. D’autres participants utilisent plutôt l’appli Osmand, qui fonctionne aussi très bien. Et si l’on dispose d’un Garmin Zumo XT, on peut aussi l’utiliser, car il est adapté à la navigation aussi en tout-terrain.
Notre repas du soir est l’occasion de découvrir une tradition kirghize: la table basse. C’est très agréable, mais il faut savoir quoi faire de ses jambes! il y a juste la place pour les étendre complètement sous la table. Ou alors on se met en tailleur…
La nourriture dans ce pays est plutôt saine, faite de viandes d’agneau, de mouton, de vache ou de boeuf, bouillie, souvent, grillée, parfois. Et accompagnée de riz, de pâtes locales, glissée dans des sortes de raviolis. Il y a aussi de très bonnes salades et toutes sortes de légumes, et en règle générale pas beaucoup de piments. N’oublions pas non plus différents plats à base de yoghourt.
S’il n’y avait pas le pain, les crèpes, le beurre de jument et deux ou trois autres sucreries, et si les hôtes kirghizes ne prenaient pas très à la lettre la règle qui veut qu’un invité ne doit jamais manquer de nourriture, nous perdrions des kilos.
Le lendemain, après un café (ou un thé) et un petit-déjeûner consistant, nous entamons notre première piste. Ce qui veut dire notre première route non asphaltée. Cela commence par une gorge relativement large parcourue par une rivière. Nous nous dirigeons vers le col de Kara Buura, à plus de 3500 mètres d’altitude.
En chemin, nous nous retrouvons derrière un troupeau de chèvres – avec aussi des moutons et quelques chevaux. Il est dirigé par un petit groupe de bergers à cheval, et manifestement il remonte la même route que nous et occupe toute la piste.
Juste avancer avec la moto ne suffit pas, il faut faire comprendre aux animaux que nous avons vraiment l’intention de passer! Il vaut mieux émettre des cris courts et secs, de manière répétée, comme le font leurs pasteurs. Pour Charles, cela fonctionne et sa Multistrada passe. Mais pour moi, je finis bloqué à l’arrière du troupeau à l’entrée d’un petit pont sur la rivière Talas.
Le berger kirghize vient à mon secours et m’ouvre un chemin avec son cheval, nous faisant tous deux fendre les flots ovins. Une petite aventure …
On (Arnaud) nous a aussi mis en garde contre les camions qui descendent cette route après être sortis pleins de minerai (de l’Uranium!) de la mine qui se trouve à mi-hauteur sur la route du col. Ils ont tendance à prendre pas mal de place dans les virages et leurs freins ne sont en général pas de prime jeunesse. Mais tout se passe bien durant la montée.
Nous faisons « connaissance » au sommet d’un groupe de locaux dans des 4×4, qui veulent savoir d’où nous venons et ne parlent pas un mot d’anglais. Mais quand on vous pose la même question pour la trentième fois en deux jours, même en kirghize ou en russe, vous finissez par la comprendre!
En redescendant de l’autre côté, dans la vallée de la rivière Chatkal, nous avons l’occasion de savourer un nouveau pic-nic, cette fois-ci au confluent de deux cours d’eau. C’est magique, le soleil brille, le vent joue dans l’herbe et les feuilles des quelques arbres présents ici. Et le chauffeur de notre 4×4 d’accompagnement, Zafar, prend quelques minutes pour tenter d’attraper du poisson. Sans succès.
Nous suivons ensuite la vallée principale, retrouvant l’asphalte lorsque nous roulons dans les petites localités qui la parsèment, et faisant un nouveau plein dans une station qui ne propose que de l’essence avec un indice d’octane de 92. Nos machines ont normalement besoin de sans-plomb 95, voire 98. Mais un ou deux pleins de 92 ne posent pas de problème.
Quelques nuages accumulés se déchirent au dessus de cette vallée, et quelques gouttes de pluie se mettent à tomber. Le temps de sortir nos combis de pluie des valises, d’arriver tant bien que mal à les enfiler, de faire encore quelques kilomètres, et la pluie a cessé …
Notre destination pour la nuit n’est pas un hôtel ni une guesthouse, mais deux chambres chez un habitant du village de Terek Say, un peu plus à l’est. La famille concernée s’était proposée pour héberger des participants à un précédent voyage T3, au sortir de la pandémie de Covid-19, alors que les hôtels peinaient à rouvrir. Le contact a bien passé, et cette maisonnée figure toujours au programme.
A Terek Say, nous sommes salués comme il se doit par les enfants du coin à leur sortir de l’école. Dans la maison mentionnée ci-dessus, après une douche sommaire dans la salle de bain familiale au sous-sol, nous avons droit à un repas tout aussi opulent que ceux qui l’ont précédé durant ce voyage. Et nous établissons notre premier contact avec une infrastructure qui va changer notre vie au Kirghizistan: les toilettes turques!
Pour des occidentaux habitués aux sièges pour faire leurs besoins, cela demande un temps d’adaptation, surtout de la part des muscles des cuisses et des tendons des chevilles. Et puis la version avec fosse septique et sans chasse d’eau des toilettes turques a des conséquences pour ce qui est des odeurs. Mais la position est très naturelle.
Au moment du dessert, nos lits, de simples matelas bas complétés par de lourdes couvertures, ont été posés à même le sol dans nos chambres. Nous plongeons dans un doux sommeil en rêvant de lait de jument fermenté et de pistes de cols.
La journée du lendemain va nous emmener jusqu’à la deuxième ville du pays, Osh, tout au sud du Kirghizistan. Et ce sera aussi la journée la plus chaude de notre voyage, car nous allons redescendre en plaine, notamment dans la vallée de Ferghana, proche de la frontière avec l’Ouzbékistan, où l’on trouve d’anciennes mines de charbon, plein de champs cultivés et quelques-uns des plus larges fleuves de la région.
La piste qui sort de Terek Say fait bien vite place à une route asphaltée. Une pause le temps d’une photo souvenir sur une colline surplombant un lac de retenue d’eau, et nous repartons en direction du sud-est, via Jalalabad – pas la ville pakistanaise, celle du Kirghizistan! En chemin, le mercure (façon de parler) grimpe jusqu’à indiquer 38 degrés sur nos tableaux de bord. Lors d’une pause pour acheter de l’eau et des provisions, un autochtone nous fait cadeau d’une pastèque non vendue. Un apport de fraîcheur plus que bienvenu!
Notre route longe à plusieurs reprises la frontière ouzbèke. On nous a prévenus: prière de ne pas prendre de photo en ces lieux, sous peine d’attirer l’attention, et peut-être la réprobation, ou pire, des militaires. Bien que cette région d’Asie centrale connaisse une paix certaine, il y a des tensions qui subsistent, notamment autour de la gestion des ressources en eau!
A Oezgen, ville dont le centre est occupé par un marché plus ou moins permanent, la circulation devient infernale et il faut jouer des coudes pour passer les voitures et les camions. Osh n’est pas beaucoup mieux, juste avec des routes un peu plus larges.
Un nouvel hôtel « de luxe » nous attend à destination, un autre représentant de la chaîne Janaat. Et celui-ci possède une piscine! Le lendemain matin, notre guide Rustam nous propose une visite guidée du Mont de Salomon, tout proche de la ville. Mais la plupart d’entre nous préfère profiter d’un peu de repos à l’hôtel!
Notre trajet du lendemain, le cinquième jour de notre voyage, va nous emmener vers la partie la plus méridionale du Kirghizistan, non loin d’une nouvelle frontière, cette fois-ci avec le Tadjikistan. Et aussi le plus proche des plus hauts sommets de la région ceux de la chaîne dite du Pamir. On parle de hauteurs dépassant régulièrement les 6000 mètres.
Pas de tout-terrain pour cette partie de notre itinéraire, mais de longs bouts plus ou moins droits, avec des passages de magnifiques cols plus ou moins hauts. Et un premier contact direct avec la police nationale!
Apparemment, Charles et moi (surtout Charles) roulons un peu trop vite dans les localités. Comprenez: 70 km/h au lieu de 60 ou 50. Deux agents des forces de l’ordre du Kirghizistan, garés au bord de la route avec un radar mobile dernier cri nous font signe de nous arrêter.
Ils ne parlent que très peu l’anglais. Le plus jeune, qui est le moins gradé, nous fait un grand sourire en demandant d’où nous venons. Et son sourire devient étonné quand nous donnons notre réponse habituelle (la Suisse). Son aîné, à l’air plus sévère, montre du doigt le radar, puis nous distribue une petite brochure rappelant les principales règles de circulation dans ce pays, et le tarif des amendes pour excès de vitesse!
Fort heureusement, ce sera seulement un avertissement pour cette fois-ci, accompagné d’un salut militaire bien raide et d’un regard très ferme. Nous sommes tellement soulagés que nous ne pensons même pas à photographier cette scène. Mais nous avons compris la leçon et nous passons devant le radar suivant (environ 50 km plus au sud) à une allure tout ce qu’il y a de plus réglementaire.
Nous faisons une autre rencontre fort sympathique, au carrefour principal d’une petite ville où nous nous ravitaillons en essence et en denrées alimentaires. Un minibus avec des plaques vaudoises trône sur l’espèce de parking au bord de la route.
Un couple de jeunes gens en sort, accompagnés d’un chien. Ils parlent français! Chloé et Sevan sont partis de Suisse, ils sont en route depuis 21 mois, nous expliquent-ils, tout aussi étonnés de voir des motos avec des plaques VD. Leur chien a été adopté au Monténégro.
Ils ont créé un blog qui permet de suivre leur aventure, ONERIDEAWAY.
Ils vont dans la direction opposée, comptant poursuivre leur exploration du Kirghizistan, mais ils nous suivent sur quelques kilomètres en direction de Sary Tash, pour partager notre pic-nique de bord de rivière. Et nous prêter des chaises de camping.
Léo a un souci depuis un peu plus d’une journée: quand il fait chaud, l’essence remonte et va jusqu’à déborder de son réservoir. L’orifice d’évacuation de son reniflard est manifestement bouché. Arnaud, et Séb, notre garagiste-concessionnaire de la marque de Bologne, ont exécuté une première réparation sur le parking de l’hôtel à Osh. Mais ça n’a pas suffi.
Au final, avec un bout de tuyau coupé sur un dispositif de poche à eau et avec un joint torique fourni par nos campeurs vaudois, et qui vient de matériel de plongée, la réparation tient!
Juste avant notre dernier col de la journée, nous sommes « assaillis » par une nuée de petits kirghizes qui nous ont repéré du bord de la route. Ils sont curieux, ils n’ont manifestement pas dû voir beaucoup de motos, et pas non plus beaucoup de voyageurs comme nous à moto. Là aussi, les bases linguistiques communes sont minces. Mais le plaisir est grand.
L’un (ou l’une) après l’autre, ils s’asseyent sur l’une de nos motos avec les yeux qui pétillent. Un collègue prête même son casque, qui semble encore un peu grand pour la tête de son nouveau « propriétaire ».
Je fais l’erreur de proposer aux gamins de mettre le contact et de faire tourner le moteur de ma DesertX, en leur montrant comment on utilise la poignée des gaz. Et aussitôt, le premier assis ouvre ladite poignée en grand, dans un rugissement de V2 en colère. Il faut toute la patience du monde pour faire comprendre au jeune gars en question qu’il n’est nul besoin de toujours ouvrir les gaz à fond …
Quand les douze jeunes candidats et candidates sont tous passés au moins deux fois en selle, je remonte sur ma moto, les salue tous et toutes avec un grand sourire et me hâte de mettre la première, histoire de ne pas devoir proposer un nouveau passage sur la selle à toute cette jeunesse, qui me ferait sans aucun doute arriver à notre destination après la tombée de la nuit! Ou en tout cas après l’apéro!
Nous arrivons sur un haut plateau (pas loin de 3000 mètres d’altitude) du Kirghizistan, avec un petit village parcouru par des fils électriques aériens et où seule la route principale est goudronnée. Au loin, on distingue nettement des sommets enneigés, qui ont l’air formidables.
Le plus connu d’entre eux semble juste devant nous. C’est le Pic Lénine (plus de 7100 mètres). Il a été renommé Pic Ali Abu Ibn Sina. Ce qui n’est autre que le nom complet d’un des pères de la médecine moderne, le Perse Avicenne! Pour la petite histoire, il existe un sommet voisin plus haut de quelques centaines de mètres. Il a été surnommé « Pic Staline », bien sûr.
Sary Tash est aussi le premier endroit où nous faisons l’expérience de la yourte, cette tente traditionnelle du Kirghizistan et d’autres pays d’Asie centrale, toute ronde qui sert de chambre ou de salle de repas ou de réunion chez les Kirghizes. Nous n’y dormons pas, mais y prenons notre repas du soir, concocté par la tenancière de la guesthouse qui nous héberge. Et auparavant, nous y organisons un petit apéro commençant par un shot de vodka!
On nous avertit que l’approvisionnement en eau courante est perturbé dans notre guesthouse. Pas question de prendre une vraie douche. Et les toilettes intérieures sont remplacées, pour les gros besoins, par des toilettes turques fonctionnant avec une fosse.
Pas grave, la fatigue fait que nous endormons comme des moutons, en comptant les chevaux! Les chevaux du Kirghizistan, bien sûr.
Et puis demain, on se réveille tôt (6h) pour aller prendre des photos des motos devant le pic Lénine, qui est encore couvert par des nuées ce soir, et qui en théorie devrait se découvrir aux aurores.
Et demain, la route sera longue. La plus longue de ce voyage: plus de 430 kilomètres repassant par Oezgen et Jalalabad, pour aboutir à Kazarman après avoir franchi le col de Kaldaman. Mais ça, ce sera pour un prochain article sur les beautés du Kirghizistan, la suite de ce premier texte!
En attendant, voici encore quelques images de cette première partie de notre voyage au royaume montagneux du Kirghizistan
Pour en savoir plus sur les voyages proposés par la nouvelle compagnie d’Arnaud Baldet, « 3E », que ce soit dans la région du Kirghizistan ou ailleurs dans le monde (Amérique du Sud, Afrique australe …), vous pouvez suivre ce lien.
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