Essai des Tiger 1200 de Triumph, le confort en ligne de mire
L’écosse en avril? Pour l’essai d’une moto? Lorsque nous avons reçu l’invitation à l’essai des nouvelles Tiger 1200, nous nous sommes demandé ce qui est passé par la tête des organisateurs chez Triumph. Pourquoi choisir un lieu à la météo aussi incertaine pour mettre en valeur cette nouvelle cuvée? À la fin de cette journée de roulage, la réponse m’a paru évidente: lors d’un voyage, vous ne choisissez pas la météo, ni l’état des routes que vous allez emprunter, mais la moto et l’équipement, oui.
La marque anglaise Triumph nous a conviés pour une fois pas au sud de l’Espagne, mais en Ecosse. Pour faire l’essai de la gamme de ses maxi-trails de grande cylindrée, les Tiger 1200.
Après l’arrivée à l’hôtel, notre séjour débute comme de coutume avec une présentation complète de la moto et ses nouveautés. Cette fois ci, Triumph nous plante le décor en listant les mérites de la cuvée précédente, avec ses divers records et résultats dans les quelques courses où les motos ont été engagées. Rien de bien impressionnant, surtout que la plupart concernaient la petite soeur, la Tiger 900 en version Rally.
Si nombre de ces résultats concernent surtout la petite soeur, la Tiger 900, il y a tout de même le record de la plus grande distance parcourue à moto en 24 h, réalisé au guidon d’une Triumph Tiger 1200 GT Explorer, pour un total de 4012 km (lire notre article)!
On ne se posera pas la question de l’utilité de ce record, mais il faut tout de même reconnaître que ce chiffre est impressionnant. Le réservoir de 30 l et le confort du pilote semblent jouer un rôle important dans l’obtention de ce record.
Mon historique avec les modèles Tiger 1200
L’équipe marketing de Triumph nous présente cette nouvelle cuvée comme une version plus poussée et aboutie de la version précédente. Je me réjouis de tester l’impact des changements sur la moto, car mon expérience avec la cuvée 2021 n’était pas super positive: j’avais trouvé la version Rally lourde, le cardan un peu violent pour une conduite à basse vitesse, les suspensions pilotées ineffectives dans mon ressenti quel que soit le réglage, et je sentais un manque important de feeling sur le train avant.
Sur la version GT Pro, que j’ai aussi pu tester durant un petit road trip dans les Dolomites, rien de particulier à signaler par contre, à l’exception des vibrations dans le guidon, et la faible hauteur des cales-pieds du pilote.
Autant vous dire que je ne m’engage pas dans cet essai avec des étoiles plein les yeux! Mais est-ce que Triumph va réussir à me faire changer d’avis sur ces modèles avec les quelques mises à jour proposées?
Concernant les détails techniques de tous les changement apportés par Triumph sur ces modèles, je vous incite à lire notre article. Ici, je vais plutôt vous transmettre mon expérience et mon ressenti lors de la conduite des différents modèles. Et cette expérience commence le lendemain de la présentation, par une matinée au ciel gris et au bitume détrempé.
Les premiers tours de roue, en Rally Explorer
Lors de la première montée en selle, je suis au guidon de la version Rally Explorer, avec son gros réservoir de 30 litres. Et comme sa sœur en version Pro, la selle est haute, très haute, même pour un trail. Habituellement, du haut de mes 1m81 et avec mes longues jambes, je n’ai aucune difficulté à poser les 2 pieds à plat.
Ici, surprise, je dois faire attention pour pouvoir toucher du bout des orteils les 2 pieds en même temps. Je prends donc note de ne poser qu’un seul pied lorsqu’il faudra s’arrêter, sans quoi je risque de finir plutôt sous la moto que dessus.
Mais c’est aussi une excellente situation pour utiliser la nouvelle fonction de rabaissement électronique de la suspension arrière! Une pression d’une seconde sur le bouton « Home » me permet de descendre l’assise de 20 mm, même moteur coupé. Juste ce qu’il me fallait pour me sentir plus à l’aise!
Notre départ est accompagné par une cornemuse, dans une ambiance de folklore écossais. Dans l’allée qui mène à la route principale, je me rends compte que la poignée de gaz ne m’est guère utile à cette allure: le ralenti de la moto la maintient à une allure autour des 10 mph (16 km/h) environ! Intéressant.
D’autant plus que même lors du démarrage, le filet de gaz n’est pas nécessaire, puisqu’il est ajouté par l’électronique de la moto dès la relâche du levier d’embrayage. Voilà qui facilite les passages techniques à basse vitesse en Offroad!
Par contre si vous souhaitez justement évoluer en off-road avec cette moto, il faudra enlever le caoutchouc présent sur les cales pieds. Cela se fait aisément, sans outils, en tirant dessus vers le haut.
Cette manipulation sera indispensable si vous utilisez comme moi des bottes assez imposantes. L’espace disponible au niveau du sélecteur de vitesse est assez restreint, et avec mes bottes mi-touring mi-enduro, je ne suis pas très à l’aise pour monter les rapports.
Évolution en milieu urbain
Sur les quelques km de routes citadines qui nous permettent de sortir de Glasgow par le nord, je peux tester plusieurs choses. La première est son capteur d’angle mort (de série sur les variantes « Explorer »): ici pas de nouveauté me direz-vous, et c’est tout à fait juste.
J’espérais une augmentation de la visibilité du voyant lumineux, ou de son rythme de clignotement pour indiquer un danger. Mais pas d’amélioration de ce côté.
La deuxième chose que j’aime essayer est la vitesse minimale du régulateur de vitesse. Encore une fois, pas de changement: minimum 29 mph (47 km/h) et 3ème rapport. Et aussi, pas moyen de changer de rapport lorsque le régulateur est enclenché.
Rien de surprenant non plus mais un peu dommage, surtout que le régulateur de vitesse n’est pas adaptatif, alors que les concurrentes proposent cette option et le passage des rapports à volonté.
Sans régulateur, le shifter up & down se montre d’une douceur exemplaire. Il nous permet de passer de la 1ère à la 5ème vitesse tout en restant à moins de 50 km/h, le tout sans à-coups.
Lors de cette partie urbaine, je me rends compte que la moto est toujours en position basse, comme je l’avais demandé au départ de l’hôtel. Puisque je n’ai pas dépassé les 50 mph (environ 80 km/h) la moto n’est pas remontée automatiquement.
Plutôt pratique dans ce cas de figure. Je suis moins convaincu dans un cas d’utilisation plus mixte, comme par exemple en Suisse où vous partez d’une ville, pour faire 5 à 20 min de routes ou d’autoroute, pour revenir dans une ville. Dans ce cas il faudra penser à chaque fois à rabaisser la moto avant de vous arrêter à un stop, sous peine de vous faire surprendre par la hauteur de la machine.
Je trouve que l’implémentation de cette hauteur adaptative est mieux réalisée sur la BMW R 1300 GS, car invisible de l’utilisateur. Pourquoi de pas proposer cette implémentation automatique aux possesseurs de Triumph?
L’équipe marketing nous a clairement expliqué que cela est un choix de leurs part, dans un souci de vouloir préserver la géométrie de la moto tant que le pilote ne demande pas clairement à la rabaisser. En ce qui me concerne, je suis plutôt d’avis de laisser le choix au pilote de ce qu’il veut, automatique ou à la demande, car chaque solution présente ses avantages selon l’utilisation.
Les routes écossaises
Je ne sais pas pour vous, mais je n’avais jamais mis les pieds (ni les roues) en Ecosse. Et je dois dire que j’ai été surpris par l’état global du réseau routier: les nids de poule, les graviers souvent présents, les chaussées réduites par la végétation ou des morceaux de bitume manquant, les routes de type montagnes russes même en plein virages… On peut dire qu’avec tout ça, les motos doivent se montrer à la hauteur et leurs pilotes très vigilants!
Et pour cela, je dois dire que la moto a su aider son pilote, notamment grâce à un bon retour d’information du train avant. Bien sûr, la version GT donne un meilleur ressenti avec sa roue avant de 19″, mais la version Rally s’est bien améliorée par rapport à la version Rally 2021.
Malgré la route mouillée et toutes ses imperfections, la fourche fait très bien son travail, maintenant la roue avant collée au sol.
Dans cette situation, je me dois de tester d’autres réglages des suspensions: je change donc de « Confort » au 1er incrément, à « Sport » au 2ème incrément. Je ne m’attends à pas grand chose, et pourtant, la différence est là. Le feeling est affiné, la moto globalement plus ferme, et a tendance à « sauter » à cause du carrossage de la route.
Je me rends vite compte que ce réglage n’est pas vraiment adapté au type de route sur lesquelles nous sommes, et j’opte pour un compromis en « Confort » au 3ème incrément.
Comme une sensation de légèreté (relative)
Après le premier arrêt, j’ai l’occasion de monter sur la version Rally Pro, celle avec le réservoir de 20 litres. Au bout de quelques secondes, deux choses me semblent flagrantes. En premier lieu la sensation de légèreté en comparaison de la variante « Explorer ». Relative certes avec les 250 kg en ordre de marche, mais non négligeable, car nous sommes à 261 kg annoncés sur la version Rally Explorer.
Attention toutefois, cela ne veut pas dire que la moto fait oublier son poids dans toutes les situations. Il est bien présent, le centre de gravité reste haut, et la moto est toujours plus difficile à emmener et moins maniable qu’une R 1300 GS ou une 1290 Super Adventure.
L’étroitesse du réservoir est toutefois appréciée et permet un bon maintien de la moto dans une position naturelle.
Dans un second temps, je ressens plus de vibrations dans le guidon que sur la version Explorer. Ce 2ème point me semble étrange car Triumph nous a bien précisé que toutes les variantes bénéficient de la modification des pontets de guidon avec insert en caoutchouc, qui réduit les vibrations transmises au guidon.
La « classique » GT Pro
Lors du prochain stop pour faire quelques photos, j’ai l’occasion de monter sur la variante GT Pro. Avec ses jantes à bâtons de 19″ et 18″, elle me fait me sentir tout de suite plus à l’aise sur la route.
Bien entendu, je perds aussi un peu de confort lorsque je passe un nid de poule ou quelques cailloux, mais c’est clairement le choix le plus adapté à un usage routier. Par contre, les vibrations sous toujours un peu présentes, à une intensité similaire à celles de la Rally Pro.
Les pneumatiques y sont peut-être aussi pour quelque chose, mais l’ensemble proposé par Triumph sur cette variante me donne rapidement confiance. La chaussée détrempée et imparfaite ne me semble pas si mal, et les allers-retour sur le bout de route dédié au shooting me permet de repousser petit à petit mes quelques appréhensions en testant les réactions de la moto.
Lors des freinages, le train avant donne un feedback beaucoup plus incisif, et un seul doigt suffira pour arrêter la moto. Peut-être 2 doigts pour un freinage d’urgence, ce qui est excellent.
Avec l’augmentation du rythme de conduite, je peux essayer le shifter dans des régimes un peu plus élevés. Et là encore, c’est pour moi un sans-faute. Le passage des rapports se fait dans la douceur et l’efficacité, malgré la transmission directe du cardan. Un bel exploit que même sa concurrente allemande n’a pas su réaliser.
Et pour finir, la routière longue distance, la GT Explorer
Il est maintenant temps de monter sur la grande soeur, la version au réservoir de 30 l équipée d’une série d’accessoires supplémentaires.
Malgré la largeur imposante du réservoir, tout comme sur la version Rally Explorer, les genoux ne sont pas poussés vers l’extérieur. Comme sur les autres variantes, le dos reste naturellement droit, les mains tombent sans effort sur les poignées. La position est confortable, à l’intérieur de la moto.
Elle fournit au pilote une protection idéale, tant vis-à-vis du vent que de la pluie qui continue de tomber. Si bien que, malgré l’après-midi arrosé et les routes inondées, la veste n’est que partiellement mouillée, sur les bras et les épaules, et a pu garder le pilote au sec.
Le seul autre endroit à avoir été baptisé sont les pieds, qui ont pu rester bien au sec grâce aux bottes adaptées.
Sur cette variante, les vibrations sont bien moindres, similaires en amplitude à la Rally Explorer. J’en déduis donc que le réservoir plus grand, ainsi que les différents accessoires (comme les rétroviseurs avec indicateur d’angle mort) jouent un rôle dans le ressenti global de la moto.
Un peu dommage à mon goût, car si on préfère une moto plus légère de 10kg, ce sera avec un peu moins de confort que la version Explorer.
Pour vous clarifier l’esprit sur les différentes variantes proposées par Triumph sur ce modèle, voici un résumé en images:
Mais du coup, c’est mieux qu’une GS?
Cette question est certainement celle que tout le monde se pose. Et il n’est pas vraiment facile d’y répondre, car les motos présentent des différences techniques significatives.
Si on choisit de comparer en terme de prix, Triumph propose une version de base en GT Pro pour un tarif de 21895 francs, soit plus de 2000 francs plus chère que sa concurrente directe, la R 1300 GS Pure, affichée de base à 19700 francs.
Pour le reste, la BMW peut être équipée de plein d’options qui pour certaines sont à mon sens mieux conçues que sur la Triumph sur certains points, mais qui font grimper le prix total largement au dessus du prix de l’anglaise.
La bavaroise propose une moto, dans sa dernière version, avec 9kg de moins. Et son moteur boxer et bien entendu son système de suspension qui lui est propre, et qui sépare à l’avant le guidage de l’amortissement.
Mais c’est sur le point des suspensions et du moteur, justement, que Triumph a une chance, surtout pour ses variantes Rally, en utilisation plus orientée terrain.
Car tous les motards ne sont pas des adeptes du Telelever. Malgré tous ses avantages sur la route, son comportement est tellement différent d’une suspension classique qu’il ne conviendra pas aux chemins plus techniques, ni à tous les pilotes. Ajoutez à cela la largeur du moteur boxer, et la garde au sol réduite, et le choix évident entre ces 2 variantes est pour moi celui de la Triumph Rally Pro.
Avec ce modèle, vous avez: une moto très confortable pour vos long trajets sur route, mais qui est aussi capable de vous emmener assez loin en off-road.
Bien sûr on pourrait pousser le débat encore plus loin, en questionnant l’efficacité et l’aisance d’une moto de 250 kg dans le terrain, alors qu’une variante plus légère (comme la Tiger 900 Rally, la Ducati Desert X ou une KTM 890 Adventure R) ferait mieux l’affaire… mais tout est une question de compromis.
La Tiger 1200 trouve sa place en tant que moto permettant de voyager loin, seul ou à deux dans le confort, avec bagages si vous le souhaitez, et la tranquillité d’esprit du peu d’entretien demandé par la transmission via cardan (un avantage non négligeable).
Est-ce que cela suffira pour tenir tête à la reine de la catégorie? Je me permets d’exprimer mon scepticisme sur ce point, au vu de la force de frappe de BMW.
Et vous, laquelle choisiriez-vous?
Pour en savoir plus sur ces modèles, vous pouvez consulter le site suisse de Triumph, ou contacter nos partenaires de notre Annuaire des professionnels: Triumph Lausanne (Moto Evasion) à Crissier (VD), et Triumph Neuchâtel – Facchinetti Motos.