KTM en 2024, un désastre qui finit par une restructuration, à deux doigts de la faillite
La marque autrichienne, confrontée à des défauts de liquidité de l’ordre de plusieurs centaines de millions, a dû se placer en faillite provisoire et a dû demander l’autorisation d’un tribunal pour pouvoir continuer à mettre en place des mesures de réduction des coûts et pour faire appel à de nouveaux investisseurs externes.
Le début d’année 2025 est celui de tous les dangers pour KTM. La firme autrichienne, fille du groupe non moins autrichien Pierer Mobibility, son actionnaire plus que majoritaire, a été contrainte de se déclarer en faillite au mois de décembre 2024, sous une procédure particulière qui fait que c’est la société elle-même qui « gère » sa faillite. Ceci nécessitant tout de même l’accord d’un juge, qui a examiné de manière rapide ce que les nombreux créanciers pourraient retirer de cette procédure, versus « on tire la prise tout de suite ».
Le but est bien sûr de permettre à KTM, ainsi qu’à ses sœurs dédiées à la recherche et développement et à la production de composants pour les motos du groupe, de se restructurer et de repartir sur de meilleures bases. Les raisons de cette faillite sont tout simplement le manque de liquidités pour faire face à ses engagements.
Les chiffres KTM 2024 provisoires, communiqués en début d’année 2025, ont montré toute l’étendue de la situation. Pierer (KTM), qui était jusqu’en 2023 le premier constructeur européen de motos en volume, et qui possède aussi les marques Husqvarna et GasGas, a enregistré des ventes en recul de 21%.

Le fabricant de motos autrichien Pierer Mobility annonce quant à lui un chiffre d’affaires ayant baissé de 29%. Il est estimé par le groupe l’an dernier à environ 1,9 milliard d’euros.
Les ventes de motos KTM en 2024 (et des Husqvarna et GasGas) ont dégringolé à 292500 unités environ, toutes marques confondues (KTM, Husqvarna …) et celle de vélos et vélos électriques (les vélos KTM n’en font plus partie depuis plusieurs années) de près d’un tiers, à 106000 unités.
Du fait du recul opérationnel et des coûts exceptionnels liés aux mesures de restructuration annoncées récemment, le résultat d’exploitation avant impôts et amortissements sera négatif à hauteur d’environ 300 millions d’euros. Le cash-flow libre se retrouve lui aussi dans le rouge, à hauteur du million à trois chiffres, selon l’entreprise. Et pour finir l’endettement s’est encore aggravé au second semestre 2024 et dépasse les deux milliards (d’euros).

Dans le sillage des mesures déjà annoncées, le groupe a déjà supprimé plus de 1000 emplois l’an dernier. La production s’est trouvée bloquée à partir du mois de décembre, et réduite sur toute l’année, ce qui devrait avoir eu pour conséquence une diminution des stocks d’environ 40000 unités chez les revendeurs. Le volume annuel de production a été réduit à environ 230000 machines, en baisse de 26% par rapport à 2023.
Selon une porte-parole de Pierer Mobility, ces stocks de motos se trouvent aussi bien en Autriche, chez le constructeur, que chez les concessionnaires de par le monde. Mais la société ne donne pas plus de précisions. On ne lit pas dans les communiqués de la société de mea culpa pour mauvaise gestion, mais on comprend assez facilement que KTM a continué à toujours plus produire, sans porter assez d’attention aux signes venant de certains marchés, notamment européen.

Il faut dire aussi que la gamme KTM est particulièrement riche, avec toutes sortes de modèles purement offroad (EXC, SX, SX-F et Freeride), propulsés par des moteurs à 4 ou 2 temps, toute une série de machines routières capables de rouler en tout-terrain (les Adventure, ce que KTM appelle les Travel), et de pures routières, les Duke et Super Duke. Mais aussi la version supermoto touring revue avec le retour de la SMT en 2023 (lire notre essai en Suisse).
Gottfried Neumeister, co-CEO de Pierer depuis septembre avec le très charismatique patron Stefan Pierer, a entre-temps été nommé CEO principal. M. Pierer, qui était aux commandes depuis la dernière faillite de KTM, en 1991, se contentera désormais d’accompagner le processus de restructuration comme co-directeur. Son retrait est une manière comme une autre de rassurer de nouveaux investisseurs.

D’autres mesures d’économie ont été prises, comme le retrait d’une partie des engagements en championnats mondiaux Moto3 et Moto2 en ce qui concerne les marques GasGas et Husqvarna. En MotoGP, rien ne bouge en apparence, avec toujours un team d’usine et un team satellite, tous deux sous les couleurs de KTM, alors que l’équipe secondaire portait les couleurs de GasGas en 2024, au côté du team KTM 2024 officiel composé des pilotes Brad Binder et Jack Miller.
D’autres économies semblent avoir été faites dans le monde de l’Enduro, KTM se retirant du rôle de sponsor principal du championnat mondial d’EnduroGP.
Pierer Mobility a reçu plusieurs offres de financement d’investisseurs
Pierer Mobility n’a pas fait que couper dans la production et les dépenses. Ils sont allés chercher de l’argent frais. Dans le cadre du processus de refinancement en cours, confié à l’établissement financier Citigroup Global Markets Europe, Pierer Mobility a en fait déjà reçu des offres de la part de plusieurs investisseurs.
Sur la base de ces offres, on pourrait imaginer un financement au niveau de Pierer Mobility, complété par des instruments de capitaux étrangers au niveau de KTM. Avec les moyens offerts, la part des projets d’assainissement de KTM et de ses filiales insolvables pourrait être financée au moins à hauteur des 30% légaux, selon Pierer.
Les actionnaires de la société en faillite ont quant à eux approuvé un plan prévoyant l’arrivée de nouveaux investisseurs. Réunis en assemblée générale extraordinaire, ils ont en effet approuvé à plus de 90% les mesures proposées par le conseil d’administration.
Ces mesures comprenaient aussi la nomination d’un nouveau président du conseil d’administration, en la personne de Stephan Zöchling, CEO et président de Remus, la marque d’échappements sportifs.
L’association de créanciers autrichienne AKV a annoncé le même jour dans un rapport avoir recensé un peu plus de 5400 demandes de créances à l’encontre des trois filiales de Pierer Mobility, dont quelque 3600 émanant de collaborateurs. Ces dernières se montent au total à plus de 2,37 milliards d’euros, avec 103 millions réclamés par des employés.

Selon l’association, le groupe disposerait de suffisamment de liquidités pour financer les activités de ses sociétés jusqu’à la fin du mois de février, un nouveau point de situation étant agendé au 25 février. AKV évoque également 23 investisseurs approchés – aussi bien stratégiques que purement financiers – sans pour autant révéler leur identité, et donne le chiffre de 972 postes qui ont disparu, du fait de licenciements ou de départs.
A propos d’investisseurs, on rappelle que le géant indien des deux-roues motorisés Bajaj Auto détient depuis 2007 49% du capital de la société mère de Pierer Mobility, Pierer Bajaj, et que c’est lui qui fabrique en Inde les petites cylindrées routières, 125 Duke, 390 Duke, et 390 Adventure. Il n’est pas impossible qu’un des 23 investisseurs invoqués soit en fait Bajaj, qui prendrait une part majoritaire du capital.

Par ailleurs KTM a signé en 2017 une « joint venture » avec un autre colosse, chinois cette fois-ci, CFMOTO. Cette marque était alors surtout connue en Europe pour ses quads. Elle fabrique les KTM vendues en Chine et peut réutiliser les moteurs « anciens » de KTM (après plus ou moins deux années) dans ses propres modèles de motos.
Depuis un peu moins de deux années, CFMOTO construit aussi les deux modèles 790, équipés du bicylindre en ligne LC8c, à savoir la 790 Duke et la 790 Adventure. Et comme on pouvait s’y attendre, ces deux modèles ont un prix intéressant!

Enfin KTM a accepté de se charger de la distribution en Europe, notamment en Suisse, des modèles de motos de la marque chinoise.
On passe sur l’épisode chaotique de la prise de contrôle passagère de la marque italienne de luxe MV Agusta par KTM en 2024, marque que Pierer se voit aujourd’hui contrainte de revendre à son premier propriétaire, une société détenue par le Russe Timur Sardarov (habitant en Europe depuis de nombreuses années).
Dernier développement en date avant l’assemblée décisive des créanciers, ceux de la société Pierer Industrie, qui chapeaute notamment Pierer Bajaj et les autres sociétés de la nébuleuse Pierer, ont approuvé quant à eux le plan de restructuration proposé, qui consiste essentiellement en un refinancement de KTM. Cette procédure de faillite-là avait été lancée un peu avant celle de KTM AG et de ses deux soeurs, et était de niveau européen.
En Suisse, la marque orange compte 16 revendeurs, dont cinq en terres francophones. Khoun-Sith Vongsana, vendeur chez l’agence Adrénaline Motos, à Morges (VD), affiche un optimisme prudent. «L’usine nous aide en baissant les prix des motos, pour pouvoir écouler le stock», explique-t-il à ActuMoto, citant des remises importantes pour les modèles KTM produits en 2024, vendus en 2025. A titre d’exemple: moins 3000 francs sur le modèle haut de gamme 1290 Super Duke GT.
C’est une bonne chose car cela permet d’augmenter les volumes de ventes, mais sur cette somme, nous devons assumer la moitié, ce qui réduit nos marges. Cela dit, nous nous y retrouvons parce que de toutes façons les marges sur les véhicules neufs ne sont pas énormes, et qu’une moto vendue signifie aussi un client qui revient nous voir pour des services.»

Il précise que des modèles 2025 arrivent déjà en Suisse, «au compte-goutte, la plupart des livraisons étant prévues en mars. En attendant, «les pièces commandées arrivent, et pour les clients, rien ne change; KTM passe par une phase de remise en question, mais je suis convaincu qu’ils vont trouver une solution pour continuer!» Le professionnel ajoute que de nouveaux avantages pour les clients ont déjà été annoncés, dès cette année: «sur la plupart des modèles, la garantie va passer de 2 à 4 ans», détaille-t-il.
La production des modèles routiers 2025, ou du moins de ceux qui sortent de l’usine autrichienne, comme les nouvelles 1390 Super Adventure (lire notre présentation) et 1390 Super Duke GT (lire notre présentation), retardée par cette « faillite », pourrait débuter dès le mois de mars, en cas d’issue heureuse pour la marque. On rappelle que la 1390 Super Duke R est un modèle KTM 2024.
Pour en savoir plus sur la gamme actuelle de KTM, vous pouvez consulter le site suisse du constructeur, ou vous adresser à nos partenaires dans notre Annuaire ActuMoto des pros de la moto: Adrénaline Motos à Morges, et KTM Neuchâtel (Facchinetti).
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