Essai – La Streetfighter V4 de Ducati remonte dans l’arène sportive
Nous avons passé une journée sur circuit en Espagne au guidon de la Streetfignter V4 S de Ducati, modèle 2025. La moto est toujours bestiale ou sophistiquée, et parfois même les deux en même temps. La nouvelle position de conduite laisse plus de choix, et le moteur n’a rien perdu de son intérêt. Les assistances électroniques au pilotage sont très riches. Et le freinage est superlatif.
Dans ce petit virage en épingle à droite à la fin de la longue ligne droite, la nouvelle Streetfighter V4 glisse de la roue arrière au freinage. Puis elle se met à faire la même chose à la ré-accélération.
Nous sommes sur le circuit d’Andalousie, dans la région d’Almeria. La marque italienne Ducati nous a conviés à un essai de la dernière version (2025) de son hyper naked sportive à moteur V4. Tout se passe sur les quelque 5 kilomètres de ce circuit relativement récent, qui est juste à côté du circuit d’Almeria, dans le désert de Tavernas.
Le « désert », en ce mois de mars, est plutôt du genre vert pâle à cause des herbes rases qui y poussent. Et en ce début de matinée, l’air n’est pas encore chaud, et surtout l’asphalte du circuit est encore très glissant par endroits.

Ajoutez à cela des pneus slick et une machine développant 214 chevaux pour un poids en ordre de marche (sans le carburant) de 189 kilos, et vous avez les ingrédients qu’il faut pour ce genre de glissade.
La Streetfighter V4 a toujours été une moto excessive, dès son apparition en 2020. Plus de 200 chevaux (208 pour être précis), et un peu moins de 200 kilos (en ordre de marche), sur une moto homologuée pour la route, c’est extrême. Et c’est précisément cela qui a attiré pas mal d’amateurs, en plus de son esthétique très marquée et de ses ailettes aérodynamiques.
La mise à jour précédente n’avait touché que des détails, censés améliorer la facilité de prise en main et le comportement sur piste (lire notre essai).
Puis Ducati a dévoilé l’automne dernier une refonte assez conséquente, avec un moteur qui atteint désormais 214 poneys (lire notre présentation de ces deux modèles), pour 191 kilos, sans l’essence, ce qui fait un poids en baisse de quelques kilos. il y a aussi un bras oscillant complètement revu, plus asymétrique, mais symétrique, reliant le moteur à la roue arrière, un cadre avant monocoque plus léger et moins rigide, des roues plus légères, un réservoir aux formes repensées, et des assistances électroniques au pilotage revues elles aussi.
Sur le modèle Streetfighter V4 S, qui est doté de suspensions électroniques semi-actives, de roues forgées encore plus légères et d’une batterie plus légère, on gagne encore 3 kilos.
Afin de savoir si tous ces changements apportaient vraiment quelque chose, d’une part, et de l’autre s’il était rationnel de produire un tel missile sol-sol pour l’utiliser sur route, Ducati nous a rassemblés lors d’un essai en Espagne … sur le circuit d’Andalousie. Un circuit récent qui se trouve juste à côté du circuit d’Almeria.
Cela ne permet du coup pas de répondre à la seconde de ces questions, mais cela donne carte libre pour aller chercher les limites, sinon de la moto, du moins celles du journaliste.
Premier constat, lorsque le mécanicien Ducati me montre la Streetfighter V4 S qui va m’accompagner toute la journée et qui est postée sur sa béquille latérale: il n’est pas si difficile de grimper en selle. La partie arrière de la moto est très compacte, presque aérienne. Et l’assise, à la jonction avec l’arrière du réservoir d’essence, est plutôt du genre fine.
Mais l’auteur de ces lignes, qui mesure 1m70 et a des jambes courtes, n’arrive à poser simultanément que la pointe de ses deux bottes au sol.
La première tentative de replier la béquille se solde par un échec. Le même mécanicien le fait pour moi, fort aimablement. Le moteur V4 tourne déjà, au ralenti, mais son grondement est bien perceptible. La première s’enclenche avec un clac presque discret, le commissaire donne le feu vert, et on entre en piste.

Deuxième constat, cette Streetfighter V4 S se manie avec une grande facilité. Malgré le côté visuellement imposant de son moteur, surtout à l’avant, elle se laisse balancer à gauche et à droite avec très, très peu d’effort.
Cette première impression va se confirmer durant les six sessions prévues sur cette piste de quelque 5 kilomètres comportant 8 virages à gauche et 9 à droite. Sans oublier une ligne droite de 1060 mètres. Suffisant pour atteindre 270 km/h, si l’on sait freiner tout au bout, juste avant le petit virage mentionné plus haut.
Mais avant cela, il faut prendre un peu de temps pour bien mémoriser ce circuit et comprendre les trajectoires à prendre virage par virage.
Deux d’entre eux, qui virent à droite de façon serrée avec peu de visibilité, et qui se suivent à quelque sintervalles, semblent ainsi identiques. Mais il n’en est en réalité rien. Le premier débouche sur une lancée où l’on a de la place pour prendre de la vitesse, alors que le second continue par un nouveau virage qui tourne encore plus à droite, et que l’on doit ensuite assez rapidement contrecarrer par un virage à angle droit… à gauche.
Dans ces conditions, la puissance du V4 et sa propension à monter (très) rapidement dans les tours est à la fois une aide et un handicap. On n’a littéralement pas le temps de souffler. Il faut sans cesse à nouveau ralentir, et la plupart du temps utiliser les freins pour le faire, avec une certaine vigueur.
Seule la longue ligne droite du fond du circuit donne l’occasion de se « reposer ». Enfin, c’est une façon de parler, parce que la protection aérodynamique n’est pas exactement le point fort de cette hyper naked sportive – ce qui est parfaitement logique, elle n’est dotée d’aucun carénage et le poste de pilotage est bien exposé à la pression de l’air.

Les envolées lyriques du V4 sont belles et vivantes. On nous a dit qu’elles étaient moins bruyantes qu’avant. C’est bien possible. Il y a comme un soupçon de différence à l’arrêt. Et c’est tant mieux pour vos oreilles et vos voisins!
A la question de savoir si la Streetfighter V4 2025 est à présent acceptée dan sle Tyrol autrichien, Domenico Leo, le Product Manager chez Ducati, répond d’abord par l’affirmative. On rappelle que les Autrichiens imposent une limite supérieure de 95 dB pour le bruit dit stationnaire homologué Pour faire court, c’est la valeur que l’on peut lire sur un des montants du cadre. Il est mesuré dans des conditions de laboratoire, à un certain régime moteur.
Et malheureusement, il se trouve que cette valeur est de 105 dB. C’est donc non pour le Tyrol autrichien. Mais soyons clair: cela ne reflète pas la réalité de ce que l’on perçoit, ni à bord de la moto, ni quand on l’entend passer. Le son n’est pas gênant.
Les premiers tours sont effectués dans le mode de pilotage « Sport ». On a à disposition l’entier des 214 chevaux, mais la réponse à la commande des gaz est « douce », le contrôle de traction sensible à l’angle est réglé au niveau 4 (de 8 possibles, 8 étant le plus intrusif), et pour le contrôle de cabrage, c’est niveau 3, toujours sur 8.
Ajoutons encore que le contrôle de slide (glisse latérale) est sur le niveau 2, le plus fort, que le contrôle de frein moteur est à son niveau le plus bas – il y en a 3 au choix –, que les suspensions électroniques semi-actives, caractéristiques de la version S de la Streetfighter V4, sont en mode « Active Dynamic », et pour finir que le freinage combiné est en mode « Street » (route).
Tout se passe bien, mais lorsque le journaliste se déconcentre et freine de manière un peu approximative, on sent encore des transferts de masses bien marqués dans la suspension avant, et le train arrière qui bouge. Cela rend la recherche de la trajectoire parfaite un peu difficile par moments, au vu du niveau de pilotage du soussigné.
Question sécurité, rien à redire, le châssis est sain, et les assistances au pilotage font très bien leur job. On sent qu’on peut encore prendre beaucoup plus d’angle, que l’on peut freiner beaucoup plus fort beaucoup plus tard, et ré-accélérer là aussi beaucoup plus beaucoup plus tôt. Mais le cerveau humain est ainsi fait qu’il est délicat de se débarrasser en quelques heures d’années d’habitudes.
Lors de la présentation du modèle, on nous a patiemment expliqué que les repose-pieds sont placés plus à l’intérieur sur cette Streetfighter V4 2025 par rapport à la 2024, histoire de pouvoir « descendre » encore plus bas avant de frotter.
Au bout de la troisième session, le circuit est assimilé. A peu près. Et l’on se met à prendre en compte des détails intéressants, passés jusque là inaperçus au milieu de toute cette fureur. La Streetfighter V4 S nouvelle offre une grande latitude de mouvement. On peut vraiment se positionner comme l’on veut: sur l’avant, en déhanché, en arrière, avec toutes les nuances possibles.
La nouvelle forme du réservoir permet de bien agripper la moto avec une jambe. Ou avec les deux.
Toujours à propos de la position de pilotage: elle n’est pas extrême. Si l’on veut aller vite, on peut très bien s’allonger vers l’avant, et placer le corps vers le bas en virage, mais sinon on peut également se redresser et adopter un rythme moins fatigant. Il n’y aura pas d’appui inconfortable à la longue sur les poignets. Nous nous souvenons avoir noté que le guidon est plus proche du pilote que sur le modèle 2024.
Le grands en jambes ne seront pas non plus défavorisés par les repose-pieds, car, encore une fois, la selle et le triangle ergonomique laissent pas mal de latitude pour changer de position.

Si l’on ouvre les gaz en grand en sortie de virage et sur les quelques arrondis montant du circuit, la roue avant se fait légère, voire se met à lever. Mais la Streetfighter V4 garde la trajectoire, et l’électronique intervient, de manière à la fois rapide et subtile. N’oublions pas l’effet apaisant de l’amortisseur de direction. Et tout rentre dans l’ordre. Sauf pour ceux qui insistent et qui veulent perfectionner leur technique de wheelie!
Juste avant la pause de midi, je reviens aux stands, histoire de demander aux techniciens Ducati de bien vouloir tenter un autre réglage du système de suspensions semi-actives Öhlins. Pour rappel, nous en sommes à la troisième génération de ce système, et il s’appelle donc Öhlins Smart ES 3.0. Logique.

Au lieu d’aller bidouiller point par point dans le réglage des suspensions, le chef de presse de la marque met directement ma moto dans le mode de pilotage « Race », qui raffermit l’amortissement. Et il remet un peu de « Traction Control », et de contrôle de wheelie, pour avoir les mêmes valeurs que dans le mode Sport pour ces deux dernières assistances.
Et presque immédiatement, tout est plus planté, il faut faire moins d’effort pour augmenter le rythme et utiliser un peu plus la puissance phénoménale de cette machine, tant à l’accélération qu’au freinage.

Sachez juste que pour avoir le même résultat sur la Streetfighter V4 de base (pas S), il faudra ajuster directement les suspensions, avec un outil. Si l’on n’a pas l’habitude de faire cela, ni les compétences, cela prendre du temps en plus. Et même pas mal de temps en plus.
Le passage des vitesses se fait presque exclusivement avec le quickshifter (bidirectionnel) durant notre test. Il faut dire qu’il est performant, et rapide. La commande n’a réagi différemment de ce que nous voulions (le rapport inférieur n’a pas passé) qu’une seule fois, lors d’un freinage appuyé avant un virage serré à droite. Et sans doute parce que nous n’étions pas très au clair sur la séquence dans laquelle nous voulions freiner et rétrograder.
Quant aux freins, ils sont d’une puissance superlative, et leur action est constante, tour après tour. Et en même temps, on peut doser leur action de manière très fine. Même le frein arrière, qui cela dit est beaucoup moins fort.
Il ne fait pas super chaud sur ce circuit d’Andalousie (12-15 degrés). Mais on peut dire que le V4 de 1130 cm3 n’émet pas des tonnes de chaleur désagréable, même dans cette utilisation que nous pensons être intensive. Il est bien possible qu’il en soit autrement dans un bouchon au centre-ville en plein été.

Nous n’avons pas changé de mode graphique de présentation du tableau de bord, préférant rester dans le mode circuit (« Track »). Il est très clair, très lisible, et tous les affichages et les réglages sont commandés par des boutons sur le commodo de gauche. On peut même voir la vitesse, en petit. Il est aussi personnalisable, car on peut ajouter certains « widgets », des petits programmes graphiques ajoutant des infos. Comme par exemple l’inclinaison de la moto, en degrés, en temps réel.

La connectivité est une option, tout comme le régulateur de vitesse ajustable, une nouveauté bienvenue.
Cette nouvelle Streetfighter V4 S est disponible dès à présent en Suisse, pour un prix débutant à 28190 francs, en rouge. Le prix de la Streetfighter V4 de base, sans les suspensions électroniques, sans la batterie légère, et avec des roues en alliage coulé et non forgé, est fixé à 25190 francs. Elle aussi est uniquement commandable en rouge. On la reconnaît immanquablement à sa fourche télescopique inversée, dont les tubes ne sont pas dorés.
Une première série d’accessoires sont là: régulateur de vitesse, module de connectivité avec les smartphones, sacoche de réservoir, protections (de la moto) en cas de chute, étriers de freins d’une autre couleur, module GPS pour mémoriser les trajectoires, embrayage à sec, jantes en carbone …
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site suisse de Ducati, ou contacter nos partenaires de notre Annuaire suisse des pros de la moto: Ares Motors à Echandens (VD), Ducati Genève à Vernier, Compétition Park à Neuchâtel, hostettler moto à Sion (VS) ou Motos Vionnet à Sâles (FR).