Essai – Une Streetfighter V2S vif-argent et métamorphosée chez Ducati
Elle répond au doigt et à l’oeil, la Streetfighter V2S que Ducati nous a prêtée le temps d’une journée pour une chevauchée à vive allure dans l’arrière-pays de la région d’Almeria, en Espagne. Une légère pression sur le repose-pied à l ‘intérieur du virage suffit à corriger la trajectoire pour éviter les traces de sel sur la route, vestiges d’une tombée de neige récente et des mesures prises par les municipalités du coin pour éviter les glissades de véhicules.
Et ensuite on porte le regard sur le point de sortie du virage, et la Ducati y va presque toute seule, sans dévier d’un millimètre. Cette machine est à la fois d’une grande agilité et d’une grande stabilité.
Nous sommes ici pour tester la nouvelle génération de Streetfighter Ducati, aussi bien le modèle V2, tout nouveau, que l’évolution de son grand frère à moteur V4 de plus grande cylindrée qui délivre jusqu’à 214 chevaux (lire notre essai). Alors que le V2 se contente de 120 équidés.
Chez le constructeur italien, les Streetfighter sont des roadsters plutôt sportifs, dérivés en droite ligne des sportives de la marque. Cela a débuté en 2008 par le Streetfighter à moteur V2 issu de la sportive 1098. Est venu ensuite une version de plus petite cylndrée.
Puis les sportives sont passées au moteur V4, et les Streetfighter ont fait de même. Mais comme il restait encore une sportive à moteur V2, Ducati a créé en un modèle baptisé Streetfighter V2 (lire notre essai).
Ce dernier utilisait le bicylindre en L Superquadro de 955 cm3 utilisé aussi dans la Panigale V2, et développant un peu plus de 150 chevaux.
Jusqu’au mois de novembre 2024, quand la marque de Bologne a dévoilé une Panigale V2 et une Streetfighter V2 d’un genre nouveau (lire notre présentation).
Pour résumer, on a deux modèles sportifs plus légers, avec un moteur plus moderne, mais qui développe moins de chevaux. Plus précisément, on l’a dit plus haut, 120 chevaux, atteints à 10750 tr/min.
Grâce notamment à un système d’admission à distribution variable, il est censé délivrer plus de couple plus bas dans les tours, ce qui fait que, sur la fiche technique en tout cas, il devrait être plus exploitable sur la route. Et peut-être un peu moins sur circuit. Nous n’avons pas pu vérifier ce dernier point, parce que notre essai s’est déroulé exclusivement sur les routes diverses et variées de la région, entre cols de montagne, voies rapides et traversées de villages ou de petites villes.
Et à propos du moteur, étonnamment, Ducati ne lui a pas donné de nom, autre que « V2 ». Un membre de l’équipe de développement de ce projet nous a raconté, juste après la présentation du modèle, qu’au moment où la questino du nom s’est posé, c’était trop tard, il n’y avait plus moyen d’ajouter quelque chose sur la culasse du moteur!
Premier contact
Le premier contact, au moment de quitter l’hôtel, se fait en toute simplicité. Pas de prise de tête pour choisir la couleur, toutes les motos sont rouges. Et ce sont toutes des modèles Streetfighter V2S, qui se différencient du modèle de base par des suspensions premium de marque Öhlins, une batterie plus légère et un « Power Launch » de série qui fait aussi office de « Pit Limiter ». En français, une aide au démarrage de course et un limiteur de vitesse pour la voie des stands sur circuit.
Malgré une hauteur de selle de 838 mm du sol et une poupe qui remonte, le soussigné n’a aucune difficulté à enjamber la Streetfighter, ni à la redresser après avoir débéquillé. Ni même à tenir la moto en équilibre avec l’avant des deux pieds.
Cela vient de la finesse de la selle au niveau de l’entre-jambe, mais aussi du poids contenu de la machine: 175 kilos en ordre de marche avec tous les fluides sauf l’essence en ce qui concerne la Streetfighter V2S (3 de plus pour la Streetfighter V2 de base).
Le démarrage du bicylindre de 890 centimètres cubes se fait tout simplement, lui aussi. Il n’y a pas ce petit délai typique des gros moteurs V2 « historiques » de Ducati, c’est immédiat.
On constate que le design du tableau de bord a changé par rapport à la précédente Streetfighter V2. Sans conteste, c’est encore plus lisible et bien pensé.
La sonorité du V2 au ralenti est plaisante, grave, propre, sans bruit métallique parasite.
Il n’y a plus qu’à mettre la première et partir en file indienne en respectant les limitations de vitesse urbaines, pour commencer.
Pas de souci pour évoluer dans le trafic modeste de la petite ville côtière d’El Toyo-Rotamar, qui se distingue par son bord de mer, ses hôtels … et ses ronds-points. La Streetfighter V2S est docile à basse vitesse, le bicylindre acceptant de descendre à 2000 tr/min sans protester trop fort. Il est aussi doux à la reprise des gaz, que l’on arrive bien à doser.
Il n’y a presque pas besoin de l’embrayage. On peut utiliser le quickshifter pour monter ou descendre les rapports, ça passe avec finesse. Côté maniabilité, dans ces conditions de roulage, ça va très bien aussi, on va exactement là où l’on veut, sans effort.
Un autre bon côté un peu inattendu est la position de conduite, le guidon étant plus proche du pilote que sur le modèle précédent. On n’est donc pas tout le temps en appui sur les poignets. De plus, les genoux forment un angle agréable, pour le soussigné, qui mesure 1m70 et a des jambes courtes. Mais c’est le cas aussi pour mes collègues plus grands. On a la place de se positionner comme on veut.
Quelques kilomètres sur une voie rapide en direction de l’ouest permettent juste de valider cette première impression ergonomique ainsi que le fonctionnement du régulateur de vitesse optionnel (oui, sur une Streetfighter!), et d’apprécier la jauge d’essence (même remarque) ainsi que le tableau de bord renouvelé.
Il est toujours en couleurs, la technologie est en gros la même, mais il est encore plus lisible, et le changement de mode de pilotage (il y en a quatre) se fait de manière plus simple, même s’il faut toujours trois manipulations des commandes sur la partie gauche du guidon.
La nouveauté est qu’on peut accéder aux réglages de chaque mode de pilotage de la même façon qu’on change d emode. Pas besoin d’aller dans le menu général. Et il y a deux modes d’affichage graphique: pour la route, et pour le circuit. Ce dernier, en plus du régime du moteur et d’un chronomètre, vous donne tout de même en petit la vitesse. L’affichage « route », lui, est complet, avec le kilométrage, etc.
Un mode Road Pro permet d’ajouter des petits plus, comme par exemple la mesure des forces d’accélération ou de freinage!
En mode sport avec la nouvelle Streetfighter V2S
Puis les choses sérieuses commencent. La route se fait plus sinueuse et moins large, et je passe en mode sport. Un premier petit col de montagne nous attend, au nord, et avec lui le premier point choisi pour prendre des photos dynamiques.
L’asphalte n’est pas très chaud, et par endroits il est humide ou sale. Les pneus Pirelli (des Diablo Rosso IV) montent en température avec les accélérations et les freinages, mais l’adhérence n’est pas au top. On ne va pas (encore) chercher les limites, contrairement à notre collègue polonais devant nous qui s’amuse à prendre les virages à la glisse avec le frein arrière, histoire de voir.
Je choisis d’augmenter le frein moteur, via le contrôle électronique de frein moteur. Utile en entrée de virage.
Cette nouvelle Streetfighter V2S est d’une belle agilité. On passe sans effort d’un angle à l’autre. Elle donne aussi l’impression d’être légère, ce qui la rend très maniable. On se positionne comme on veut avec aise, et donc on peut varier les styles de pilotage.
Entre dos redressé tranquille et déhanché sportif, poids sur l’avant et les côtés ou neutre, on a le choix.
Sur route, jusqu’ici, le freinage est impeccable. A l’avant, la puissance est plus que suffisante, un doigt suffit la plupart du temps, et le dosage se fait de manière fine et précise.
La fourche inversée de marque Öhlins (la Streetfighter V2 standard adopte une Marzocchi) amortit avec précision. Elle ne plonge pas trop au freinage et ne bouge pas de façon trop grande si l’on relâche la pression sur les freins de façon un peu maladroite. L’amortisseur de direction ajoute une couche de rigueur supplémentaire.
Le V2 est vif, il monte vite dans les tours, sa sonorité est agréable, vivante, mais pas bruyante. La connexion entre la commande d’accélération et la roue arrière est excellente, et ce quel que soit le mode de pilotage choisi.
Ducati explique qu’il y a plus de couple à bas régime sur ce moteur que sur le précédent V2 des Streetfighter et Panigale, le Superquadro de 955 cm3. Ce dernier était éminemment sportif, ce qui veut dire que la vraie poussée arrivait haut dans les tours. Mais la cylindrée compensait en partie sur route ce caractère, à bas régime.
La vraie différence, selon notre ressenti, c’est le côté tout de suite exploitable du nouveau V2. Pas besoin d’être un expert de la main droite pour obtenir exactement ce que l’on veut! On a aussi une bonne allonge, bien que probablement, sur circuit, il faille plus souvent changer de rapport, et que la vitesse de pointe soit sans doute plus basse qu’avec le Superquadro, qui est plus puissant. Mais encore une fois, si l’on ne se trouve pas sur un circuit, ce n’est pas un problème (si tant est que c’en soit un).
L’autre grosse différence, toujours dans notre ressenti, c’est la maniabilité, le côté joueur et la légèreté de cette moto. Sans pour autant qu’elle parte à gauche ou à droite sans prévenir parce que votre regard a dévié une fraction de seconde!
Un coup d’accélérateur en mode Sport sur un dos d’âne fait décoller la roue avant. Couper l’accélération, ou débrayer, ou actionner le frein arrière, ou juste laisser les assistances électroniques (on peut ajuster à loisir le contrôle de traction et le contrôle de cabrage) faire leur job suffit à revenir à l’horizontale assez rapidement mais sans brusquerie.
Les wheelies en mode sécurisé devraient être une formalité sur cette nouvelle Streetfighter V2S… à moins bien sûr que l’on ne déconnecte le contrôle de traction et celui de wheelie. On rappelle à toutes fins utiles qu’en Suisse, faire ce genre de figure de manière délibérée sur éa route devant un policier est punissable (et aussi si ce n’est pas fait devant un policier).
Le facteur limitant dans ce premier galop de virage en virage, c’est en définitive le pilote (comme toujours), mais aussi les pneus, dans ces conditions de roulage, au début. Les Pirelli n’inspirent pas une confiance aveugle, car l’arrière se met à glisser à certains endroits. Au moins on est largement prévenu, et bien assez tôt.
Une fois les gommes en température, cela va nettement mieux. Nous n’avons cela dit pas touché au réglage des suspensions Öhlins (avant comme arrière). Un peu plus de fermeté, surtout à l’arrière, voire une augmentation de la précharge, devraient ajouter de l’assurance.
La seconde séance photo se passe sur une route de col située un peu plus en altitude. Des nuages gris ont envahi le ciel et l’air est devenu plus froid. Et bizarrement il y a des trait-tillés de sel tout au long de cette portion de route! Il paraît que la neige est tombée ici il y a juste quelques jours, et en quantité!
Il faut donc être précis dans ses trajectoires et ses freinages. Ca tombe bien, la Streetfighter V2S rend cela très facile. Comme déjà expliqué en ouverture de cet article, elle réagit à la moindre impulsion, et en même temps elle garde la trajectoire avec une belle constance.
La manière la plus fun de piloter cette Streetfighter V2, c’est en léger appui sur le train avant, pour profiter de la précision de la fourche et des freins, et faire en sorte que le Pirelli reste chaud. L’arrière suit en se faisant presque oublier.
En redescendant en plaine, nous allons profiter d’un somptueux repas cuit sur les charbons par des cuistots d’origine argentine. On trouve de tout dans ce coin de pays.
Je demande à l’équipe de techniciens Ducati de rigidifier un chouïa les suspensions, surtout à l’arrière.
Suspensions ajustées pour l’après-midi, encore plus précis!
Et quand je remonte en selle, à première vue, rien de changé. La moto absorbe toujours avec aisance les mini gendarmes couchés. Au passage, nous allons faire le plein, car le réservoir de nos Streetfighter V2S ne contient après tout que 15 litres d’essence.
Avant la station-service, le tableau de bord indiquait une consommation moyenne de 5,9 litres aux 100 km. Au terme de la journée, en roulant un peu moins agressivement, c’est tombé à 5 l/100 km. On devrait donc avoir entre 250 et 300 km d’autonomie. Ce qui est nettement mieux qu’à bord de la grande soeur Streetfighter V4.
Puis le rythme s’accélère à nouveau, et je sens que j’ai encore une autre moto entre les jambes. Les freinages tardifs en plein virage deviennent un jeu d’enfant, de même que de balancer la Streefighter d’une tranche sur la tranche opposée, en un minimum de temps.
La qualité des suspensions Öhlins, et l’éventail de réglages possibles, contribue très certainement à ce changement. Mais je suis persuadé que l’expérience serait presque identique sur la Streefighter V2 de base, avec sa fourche Marzocchi et son amortisseur arrière KYB – qui sont tous deux également réglables.
Durant tout cet essai, l’ABS de virage nous a paru parfaitement transparent dans ses interventions. On a trois niveaux à disposition, du moins au plus sportif. Dès le niveau 2, l’électronique vous aide à déclencher des glisses contrôlées de l’arrière au freinage. On y prend vite goût!
Le niveau le plus sportif ne laisse l’ABS que sur la roue avant, la fonction de virage est désactivée et le système ne combat pas le soulèvement de la roue arrière. A réserver aux experts et aux expertes.
Un nouveau passage sur une voie relativement rapide permet d’explorer un peu plus les possibilités du régulateur de vitesse ajustable. Il est utilisable jusqu’à basse vitesse et fonctionne très bien, en réagissant rapidement et avec fluidité aux changements de vitesse actés par la main du pilote.
Ducati annonce plusieurs accessoires pour ce nouveau modèle, dont des poignées chauffantes et le régulateur de vitesse. Il y a aussi un échappement racing, un sacoche de réservoir, la connectivité complètes avec les smartphones, une prise de rechagre USB, et ainsi de suite. On peut aussi la faire brider à 35 kW pour passer son permis A limité (catégorie A2).
Ah, et la Streetfighter V2S est homologuée pour deux personnes mais est livrée d’usine monoplace. Un kit passager est disponible dans la liste des accessoires. La Streetfighter V2 tout court en est déjà pourvue au sortir de l’usine.
La Streetfighter V2S arrive en Suisse dès la seconde moitié du mois d’avril 2025, au prix de 18190 francs (16190 francs pour la Streetfighter V2 de base). On a le choix entre le rouge et le rouge.
Le seul défaut à nos yeux en ce qui concerne ce nouveau modèle, ce n’est pas qu’il ne développe pas 150 chevaux, c’est plutôt son prix, qui est assez salé. Et peut-être la chaleur dégagée par les tubulures d’échappement sur le côté droite de la moto, à la hauteur de votre botte. Durant notre essai, au vu des températures extérieures constatées, cela ne nous a pas gênés. Mais en plein été…
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site suisse de Ducati, ou contacter nos partenaires de notre Annuaire suisse des pros de la moto: Ares Motors à Echandens (VD), Ducati Genève à Vernier, Compétition Park à Neuchâtel, hostettler moto à Sion (VS) ou Motos Vionnet à Sâles (FR).