Roadtrip en Indian Pursuit – « Un paquebot du port de Lyon au port de Sète »
Nous avons pris la route en direction du sud de la France, pour un petit voyage de trois jours le long du Rhône. Notre monture pour ce périple était un genre de navire sur deux roues, une Indian Pursuit, moto américaine de touring par excellence. L’occasion de (re)-découvrir des paysages et des régions pas si loin de la Suisse, jusqu’à la mer.
Un voyage, ou un roadtrip, ça ne commence pas le jour du départ, ou en tout cas rarement. Le plus souvent ça s’organise des mois, des semaines à l’avance.
C’est le cas pour ce roadtrip qui est parti d’une proposition, un jour, en séance ActuMoto: « Y’a l’Indian Pursuit à essayer, ça tente l’un d’entre vous? », « Steph tu pourrais même y aller en tant que passagère et photographe avec un road trip sur quelques jours? ». L’idée était là, au printemps, et il a fallu la concrétiser.

Photographe, passionnée de moto et sac de sable aguerrie, j’ai, quelques semaines plus tard, monté le projet avec mon futur pilote. Notre monture? Une Indian Pursuit, un joli petit monstre de 416 kg, un « paquebot » à 2 roues avec presque le confort d’un canapé!
Elle nous est gentiment prêtée par Swiss Kustom Faktory, notre partenaire de notre Annuaire ActuMoto, un pro des Indian, qui a reçu un petit coup de pouce d’Indian Motorcycle Switzerland pour ce projet.
Il nous fallait aussi une idée, un fil conducteur, et il y en a un qui me relie de la Suisse à mes terres natales: le Rhône. Le fleuve est navigable du port de Lyon jusqu’à son embouchure à Port Saint Louis, mais également jusqu’au port de Sète grâce au canal du Rhône. L’idée était donc posée « Un paquebot du port de Lyon au port de Sète ». Heureux hasard, la couleur de notre moto rappelle celle du Rhône.
Vous pouvez lire aussi notre compte-rendu du test de cette Pursuit, réalisé dans le cadre de ce roadtrip, ainsi que notre test plus récent de toute la gamme Touring d’Indian, y compris la Pursuit, dans la nouvelle version (2025) avec moteur PowerPlus 112.
Premier jour, apprendre à naviguer :
Rendez-vous chez moi au petit matin pour ce départ de notre roadtrip. Chargement des bagages (chacun a un coffre latéral à disposition, et le matériel photo atterrit dans le coffre arrière), petit café, « pipi de la peur » et c’est parti pour quelques heures d’autoroute afin de rejoindre, à Lyon, la partie navigable du Rhône.
L’idée était de faire des photos dans le port industriel. Paquebot à 2 roues, contre « vrais » paquebots. Nous nous faisons malheureusement refouler manu militari à l’arrivée, accès et photos étant formellement interdits.
C’est finalement à Givors, près de la navette fluviale, que nous faisons un premier arrêt pause repas et pause photo. Le temps est gris mais plutôt agréable pour ce premier contact avec la moto, le confort est impressionnant et dès les premiers tours de roue on sent qu’elle est faite pour avaler des kilomètres.
J’ai la meilleure place, bien calée dans le siège passager, vision panoramique au-dessus de mon pilote (je suis grande) et loin du chauffage central, le moteur de presque 1800 cm3 de cette Indian.
Je n’ai quasiment pas besoin de me tenir tellement la position est confortable et le siège enveloppant tel un fauteuil club.

Repas terminé, notes prises et photos faites, nous attaquons le bord du fleuve par la route. La moto, certes confortable, est très lourde et compliquée à manœuvrer à basse vitesse, encore plus à deux plus bagages.
Deux choix se présentent à nous: suivre la nationale 7, ou rester vraiment sur les petites routes en bord de Rhône. Le GPS va rapidement décider pour nous en nous amenant sur une petite route puis un chemin où nous avons du faire demi-tour, non sans peine. C’est décrété, nous allons suivre la N7 au moins jusqu’à Bourg-lès-Valences.

La N7, c’est la route historique des premiers congés payés en France en 1936, voie de prédilection permettant aux citadins parisiens, lyonnais, et autres de descendre, en plusieurs étapes, au bord de la Méditerranée et au soleil.
Encore aujourd’hui, tout au long de la route, on peut apercevoir des vestiges de cette belle époque avant la création des premières autoroutes dans les années 70′. De vieux garages, des hôtels, des motels dont quelques établissements sont encore en activité.

La route, le plus souvent linéaire, convient bien à notre monture. Les paysages se succèdent: traversées de villages et, moins glamour, de zones industrielles et d’usines dont le fleuve, par bateaux, charrie matières premières, déchets et produits finis. Puis viennent les plaines alluviales du Rhône, les vergers entourés des collines de l’Ardèche et de la Drôme.
Ça sent le « Sud ». La température monte, la couleur des maisons s’éclaircit, les allées de platanes offrent leur ombre par endroits. Nous effectuons une petite pause photo au bord de l’eau, et là ça y est, ça chante, les premières cigales. Le Sud. »Mon Sud! »

Avant de rejoindre notre hôtel nous passons saluer l’équipe d’Indian Valence. Super accueil, on échange sur la passion commune de la moto, notre démarche, Indian. Le tutoiement est vite là, plutôt naturel entre motards et assez facile dans le sud de la France. La pause climatisée et caféinée est bienvenue.
Une petite heure, quelques prises d’images puis nous reprenons la route en direction de l’hôtel tout proche. Hâte de nous délester de nos équipements et d’adopter une tenue moins lourde et surtout moins chaude.

Il faut penser aussi à mettre nos indispensables intercoms Cardo à charger, ainsi que les téléphones et les batteries de l’appareil photo. Et oui nous sommes bavards et c’est ambiance papotage et rigolades tout au long du trajet. Mon pilote a toujours de très bonnes idées de spot photo mais que je dois parfois refréner (non on ne met pas l’Indian dans la fontaine !).
Ce soir là nous logeons au bord du Rhône. Il y a même une petite fête en extérieur dans le parc tout proche. Nous sommes début juillet, les températures sont encore élevées mais agréables sous l’ombrage des arbres. Nous prenons donc un long moment de détente et un repas frugal à la guinguette installée en plein air, à deux pas de l’hôtel.
Harassés par la route et la chaleur de la journée, nous n’entendrons que les sons des feux d’artifices, déjà couchés et à demi plongés dans le sommeil.
Deuxième jour, histoire et culture au son des cigales
Avant d’entamer une journée de roulage, un copieux petit déjeuner continental est toujours bienvenu pour faire le plein d’énergie! Moto chargée, nous reprenons la nationale 7. La mésaventure d’hier nous a servi de leçon: je n’ai pas très envie de retenter un demi-tour périlleux au milieu d’une route de vigne avec cette énorme moto, à laquelle j’ai servi de marche arrière en la tirant par le porte-bagage pendant que mon pilote la manœuvrait. Ah, ça aurait valu une vidéo.
Calée sur le siège tout confort de l’Indian, j’en profite pour admirer les paysages de la Drome provençale, avec au loin le « Géant de Provence », alias le Mont Ventoux.

Au son des cigales, les champs de lavande et les vergers d’abricotiers et de pêchers se succèdent. La plaine du Rhône offre une terre riche et propice à ces cultures typiques de la région.
Dans les villages, l’ombre des platanes est toujours aussi agréable. La vallée du Rhône comporte aussi beaucoup de vestiges romains, comme à Orange que nous traversons.

Nous croisons aussi des fresques en hommage aux belles années de la N 7, ainsi que le musée dédié au célèbre nougat de Montélimar. D’autres décors sont moins poétiques, comme les immenses cheminées de la centrale nucléaire de Pierrelatte.

Midi approchant, je propose de faire la pause dans le petit village de Mornas, au pied des falaises surplombées par un immense château médiéval. Le « Bar du coin » et ses platanes centenaires nous accueillent en terrasse renommée « place des motards », comme un fait exprès.
Le menu, et les prix, nous changent de la Suisse. On prend le temps de savourer, et de faire quelques photos de la moto dans les ruelles, puis nous reprenons la route sous un soleil de plomb.
Toujours par la N7 et le bord du Rhône, l’étape et la pause suivantes nous amènent sur l’ile de la Bartelasse qui fait face à la cité d’Avignon et son fameux pont. C’est en fait le pont St Bénezeth, jamais terminé de construire à cause des courants du Rhône à cet endroit, et qui ne comporte que quelques arches.
La chaleur est écrasante et l’ombre bienvenue. Nous en profitons pour nettoyer notre monture et faire le shooting des détails de cette Indian Pursuit, ainsi que quelques jolies prises avec la vieille ville pour fond.

Mais il nous faut reprendre la route. Nous longeons le Rhône, avec la particularité entre Aramon et Tarascon d’être sous le niveau de l’eau grâce aux imposantes digues.
Vu les difficultés de maniabilité de la Pursuit en ville et la fatigue qui commence à nous gagner, nous choisissons de contourner Arles et filer vers Fos par la plaine du même nom. C’est quasi désertique, très particulier en cette fin de journée.

Près de Fos sur mer, les usines d’hydrocarbures entourent le village et l’odeur couvre par endroit celle des allées de pins qui remplacent ici les platanes. On découvre malgré tout un joli petit village méditerranéen.
L’hôtel, avec parking fermé sécurisé (comme la veille) permet ici de garer la moto juste devant la porte de notre chambre (climatisée, option plus que bienvenue en cette saison dans la région).

Pour la soirée nous rejoignons, à moto, le petit port de Fos. La Méditerranée est là, enfin!
L’animation est vive: marché, musique, fête foraine… nous jetons notre dévolu sur la terrasse d’un joli restaurant et je craque pour une belle assiette de poissons et crustacés tout frais à la plancha.

Puis, après quelques photos au coucher du soleil (Golden hour pour les photographes), c’est direction l’hôtel pour une douche et une nuit de sommeil bien méritées, car la journée du lendemain ne va pas être de tout repos.
Suite et fin, dans les bras du Rhône
Première étape de ce troisième jour de roadtrip: prendre le bac pour traverser le fleuve avec notre « paquebot » à deux roues. Nous sommes quasi à l’embouchure du Rhône, à Port Saint Louis, et nous avons donc bouclé la partie navigable de Lyon à la Méditerranée.
Ces bacs flottants sont toujours une expérience particulière pour traverser le « grand » ou le « petit » Rhône (ici le grand, le bras le plus important du Rhône). Celui-ci nous fait gagner bien une heure pour rejoindre la Camargue. Il aurait fallu sinon remonter jusqu’en Arles et redescendre.

La Camargue est un territoire au paysage atypique: des champs, des rizières, quelques buissons, des roseraies, des étangs, des troupeaux de chevaux blancs et de « toros » noirs, des « camarguais » semi sauvages et endémiques à la région. C’est presque un mini-pays lové entre les deux bras du Rhône.
Une petite pause dans un café nous plonge au cœur vivant de ce terroir, de son parler, de son accent, de ses traditions. Par la fenêtre du café la vie du village entre et sort: les gens s’apostrophent, se chicanent. Ça rigole, ça parle fort. Tout le monde se connaît ici.

La Camargue c’est aussi une petite partie « hors Rhône », la petite Camargue, où se mêlent en plus vignes et échoppes de fruits et de produits du terroir en bord de route. Sur tout le territoire, les villes et les villages sont rares, la vie est rude et le climat aride.
J’ai depuis toujours une tendresse et un émerveillement profonds pour cette Camargue et son emblème qui unit cœur, tridents et ancre, ce qui lie l’Amour, les traditions et la mer.
Nous reprenons la route, cette fois accompagnés du fiston, lui aussi à moto, pour la journée. Quand on est photographe et passagère, avoir une deuxième moto est bien utile pour une technique photo un peu particulière: le rolling shot.
Le rolling shot consiste à photographier un véhicule roulant depuis un autre véhicule en mouvement. Ça donne de jolies images où le véhicule est net mais l’effet de mouvement est accentué par le décor « filé ». Changement donc pour moi de monture le temps de quelques Kilomètres.
L’exercice est assez périlleux mais je connais bien mon pilote qui maîtrise parfaitement sa moto. Juchée sur la petite Honda 500 CBX, qui parait minuscule à coté de l’imposante Indian, je profite des jolies routes peu fréquentées à ces heures, pour faire de sympathiques prises photographiques.

Prochaine étape: Aigues Mortes et ses imposants remparts. Cité chargée d’histoire, c’est un ancien port sur la Méditerranée du temps des croisades et des templiers.
Il est bientôt midi et la ville et ses fortifications nous accueillent pour une pause bien méritée. Le temps de quelques photos de la moto devant la porte Est, puis nous abandonnons nos montures pour plonger au cœur de la cité et rejoindre les restaurants de la place centrale.
Ornant son centre, une fontaine figure Louis IX, Saint Louis, partant en croisade. Il est le fondateur de cette cité au 13ème siècle.
Installés en terrasse, à l’ombre des platanes, notre choix se porte sur un, voire « le » plat emblématique de Camargue: la gardianne de taureau. C’est un ragoût de viande de toros de Camargue, accompagné de riz d’origine locale lui aussi.
Nous en profitons pour faire le point sur notre itinéraire. La fatigue commence à se faire cruellement sentir. Nous décidons d’écourter et de légèrement modifier le parcours initial. Le port de Sète est remplacé par le port du Grau du Roi. En navigation fluviale, en suivant le Rhône, il aurait fallu passer par le petit Rhône, puis au sud de Saint Gilles prendre le canal du Rhône à Sète, et enfin bifurquer au milieu d’Aigues Mortes dans le canal qui le relie au port du Grau du Roi.
Direction donc le Grau, en passant par la route qui longe les salins. C’est une autre grande particularité d’Aigues Mortes (littéralement Eaux mortes): les salins du Midi et le sel de Camargue, connus mondialement. Mais si, vous l’avez tous déjà croisé, même en Suisse: le sel avec une baleine comme emblème. Il est extrait ici, dans les salins du Midi, à partir de l’eau de la mer méditerranée depuis 1934 (baleine qui s’oppose au lion du « sel de terre » de Franche-Comté).
Les immenses montagnes de sel immaculées sont visibles à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde. Sur les marais salants, les sauniers récoltent aussi la précieuse fleur de sel, parfois rosée par la présence d’une micro-algue selon la saison.
Au Grau du Roi, en prenant par les ruelles, nous nous postons directement au bord du canal qui fait la jonction entre le port et la mer. C’est une petite station balnéaire qui a su garder son âme et son ambiance de village de pécheurs.

Quelques clichés plus tard nous voilà repartis, direction Indian Montpellier. Encore une fois l’accueil est chaleureux, enjoué, intrigué aussi par notre démarche. On raconte, on échange, avec l’équipe et le patron. Ça parle moto, ça se partage des anecdotes. On resterait là des heures si la fatigue et la chaleur ne nous poussaient pas à aller rapidement nous poser.
Allez encore 25 km et nous arrivons dans mon village natal. Ce soir c’est repos chez mes parents avec plongeon dans la piscine. La soirée s’est terminée doucement et ce roadtrip aussi, au son des cigales sur la terrasse, en discutant moto, voyage, anecdotes en famille.

Le lendemain, c’est le retour. Et on rentre par l’autoroute, avec quelques petites pauses ravitaillement et nettoyage du « pare-brise » de notre paquebot. La moto est faite pour avaler du kilomètre.
Un peu plus de 5 heures après notre départ du sud de la France nous avons sans souci regagné la suisse avec des souvenirs plein la tête, et les cartes des appareils photos saturées. Avec aussi l’envie de repartir à nouveau découvrir d’autres lieux avec pourquoi pas une autre monture.
