Essai – Suzuki V-Strom 800, un trail amusant et sans bling
Nous avons roulé durant une journée avec le tout nouveau trail de voyage du constructeur japonais, qui est une cousine routière de l’aventurière V-Strom 800 DE, avec qui elle partage un moteur, une interface homme-machine et un cadre. La V-Strom 800, une moto facile, fun, intuitive et sans chichi, n’est bien sûr pas parfaite, mais à moins de 11000 francs, elle offre beaucoup de moto
La V-Strom 800 est-elle un trail, ou est-ce un crossover – l’équivalent d’un SUV sur deux roues? La question se pose, au moment de prendre place sur la selle pas trop loin du sol pour mes 1 m 70 et mes jambes courtes, devant la réception de l’hôtel réservé par Suzuki dans le but de faire venir la presse moto européenne à Montpellier pour essayer ce nouveau modèle dans la gamme du constructeur japonais.
Cette question vient du caractère hybride de la V-Strom 800, qui a tous les attributs d’un maxi-trail de voyage: débattements de suspensions longs, « bec » à l’avant, position de conduite bien droite, et roue avant de 19 pouces. Mais ses freins sont plutôt du type Sport GT, les débattements ne sont pas non plus très longs, et, justement, on touche facilement l’asphalte avec les deux bottes même si l’on n’est pas grand.
Et puis on ne peut pas désactiver l’ABS, qui est du genre efficace mais simple (pas de capteurs de mouvements inertiels), et on ne peut pas le désactiver, même seulement sur la roue arrière, ce qui rend à priori un peu hasardeuses les excursions en tout-terrain.
Mais tout cela est cependant un peu théorique. Ce qui nous intéresse vraiment, c’est de savoir si cette moto est fun, si elle est confortable, si elle est polyvalente et se prête au voyage, et si le prix qui en est demandé est juste au vu de ce qui est offert.
Et pour cela, les routes de l’Hérault, dans l’arrière-pays au dessus de Montpellier (sud-ouest de la France), sont un bon test.
Notre journée de roulage débutait pas loin du centre-ville montpelliérain, par quelques rond-points et routes de distribution, avant d’emprunter un périphérique sur quelques kilomètres. Et à partir de là, direction les montagnes, les gorges, et tout ce que la région a à offrir aux amateurs et amatrices de beaux virages.
Nous avons pris quelques raccourcis sur de petites routes étroites agricoles, au revêtement souvent sale et glissant, avant de nous retrouver au royaume du fun, à savoir la route départementale D1 entre Saint-Matthieu et Notre Dame de Londres, au pied du célèbre Pic Saint-Loup, pour le premier spot photo, puis la D4 descendant dans les gorges de l’Hérault. Avec encore quelques jolies petites routes riches en courbes et en paysages pour agrémenter le tout.
Le premier contact avec la machine confirme ce que les représentants de Suzuki France nous ont affirmé: elle est facile d’accès. La selle n’est pas exagérément haute, et on redresse la moto avec facilité. Et la béquille latérale se laisse escamoter sans que cela devienne un exercice de « je place ma botte là où je peux et je dois m’y reprendre à trois fois ».
Grâce au système Easy Start de Suzuki, une pression unique sur le démarreur (pas besoin de le laisser enfoncé quelques fractions de secondes) fait s’ébrouer le bicylindre en ligne de 776 cm3. Au ralenti, il ronronne agréablement. Les vibrations sont peu présentes, c’est plus un genre de pulsation.
Ce twin parallèle est calé à 270 degrés (angles de rotation du vilebrequin entre les coups de piston), et c’est précisément pour avoir ce genre de sensation; il imite un V2. Nous avions déjà pu le ressentir lors de notre essai de la nouvelle naked Suzuki, la GSX-8S, qui utilise le même moteur (lire notre compte-rendu de test).
C’est aussi le même cadre (en acier) que celui qui a été développé par Suzuki pour la V-Strom 800 DE (lire notre présentation), une moto faite pour s’acquitter aussi bien de la route que des parcours en tout-terrain. Mais ici la V-Strom 800 a des suspensions aux débattements moins longs. Elle est donc plus basse.
Le guidon est assez large et la géométrie du train avant assez agile pour que l’on puisse se diriger au doigt et à l’oeil à basse vitesse, dans un environnement urbain. L’embrayage est facile à actionner, mais la garde du levier est courte. Cela peut surprendre au premier contact: on relâche à peine la commande et déjà la V-Strom 800 bondit en avant!
Il faut dire que le couple est bien présent à bas régime. Ce n’est pas au point de pouvoir devenir dangereux, il faut juste s’y habituer. Et puis pas de risque de caler, à moins de vraiment faire n’importe quoi: comme toutes les Suzuki plus ou moins modernes, celle-ci est dotée du système dit « Low RPM Assist ».
En français, cela signifie que le moteur prend automatiquement quelques tours quand on relâche l’embrayage et que la transmission prend. Une assistance qui contribue un peu à ce côté « bondissant », mais qui est cependant bien calibrée pour ne pas devenir intrusive quand on gagne en vélocité et que l’on passe un rapport de vitesses (supérieur ou inférieur).
Les quelques nids de poule, gendarmes couchés, rails de tram et autres irrégularités rencontrées au hasard des rues se font à peine sentir. Les suspensions sont réglées d’origine pour offrir un certain confort à basse vitesse. Reste à savoir si c’est au dépens de la rigueur à plus haute vitesse, dans les changements rapides de direction. Nous aurons pleinement l’occasion de nous en rendre compte dès que nous serons sortis de l’agglomération.
Nous commençons par nous extraire du centre de Montpellier pour gagner la banlieue, puis la voie rapide. L’occasion de tester l’aérodynamisme de la V-Strom 800.
Il est bon, mais pas parfait. La V-Strom 800 (qui s’appelle en France V-Strom 800 SE) est dotée d’une partie avant un peu plus large que celle de sa soeur DE. Elle a aussi un vrai pare-brise, et pas un petit saute-vent. Cela protège bien, en déviant une bonne partie des flux d’air autour du ou de la pilote. Mais, à partir d’environ 100 km/h, on a encore quelques turbulences au sommet du casque.
Nous n’avons pas vraiment pu rouler sous la pluie durant ce test, sauf tout à la fin, juste avant de revenir à l’hôtel. Et ce n’étaient que quelques gouttes. Mais on peut dire que la protection contre l’eau est probablement à la hauteur de la manière dont la V-Strom 800 vous met à l’abri du vent. De série, la moto n’est pas équipée de protège-mains, qu’il faut chercher dans le catalogue des accessoires. On y trouvera également une extension de pare-brise.
Sinon, le moteur n’a pas à fournir de gros efforts pour rouler à des vitesses autoroutières. Il est aussi facile d’accélérer pour dépasser, le couple et la puissance étant bien répartis. On atteindra malheureusement aussi très vite des vitesses non légales. Avec ce genre de cylindrée, c’est tout à fait logique.
On a un accélérateur électronique, et trois cartographies moteur prédéfinies au choix. Le mode de pilotage B, qui se trouve entre les modes A et C (bin oui), est parfait pour ce genre de situation, tout comme il l’était en ville. La réponse à la commande des gaz est précise, il n’y a pas d’à-coups, on peut descendre à juste un peu plus de 2000 tours par minute et le twin reprend sans hoqueter.
On a près de 10000 tours à disposition, mais dans la pratique, on ne montera pas souvent au dessus des 6500-7000 tr/minutes. A partir de ce seuil, on perd en effet un peu le côté rond et doux du bicylindre Suzuki, qui se fait plus métallique et plus dur – tout en restant précis et régulier. On souligne aussi le fait qu’en roulage « touristique », les vibrations parasites sont absentes. Ou elles ne sont en tout cas pas transmises dans la selle, dans les repose-pieds, le guidon ou les rétroviseurs.
Mais voici le moment de vérité, les premiers vrais virages, avec des épingles en montée et en descente, des rayons de courbe qui se resserrent, parfois sans visibilité sur la sortie du virage, avec des l’asphalte tantôt lisse comme l’écorce d’une pastèque, tantôt creusé de sillons dignes de ruines romaines.
Le premier adjectif qui vient à l’esprit après une vingtaine de minutes de ce genre de traitement, encore une fois, c’est: « facile ». Cette moto est facile, intuitive, elle ne demande pas de gros effort d’adaptation. On corrige les trajectoires à loisir, elle donne l’impression d’être légère sur les changements de direction, malgré son poids de plus de 220 kilos, et on se place avec facilité là où l’on veut sur la selle.
Les pneus d’origines, des Dunlop D614 que l’on ne peut pas acheter dans le commerce, font leur travail correctement, mais le premier contact n’est pas pour rassurer. Un long passage sur des petites routes agricoles au revêtement passablement sale et glissant nous laisse en effet un peu hésitant sur la vitesse à conserver quand ça tourne sec, par manque de feed-back clair sur l’état d’adhérence de la route. Le problème vient probablement du fait que ces gommes sont assez dures et demandent à monter en température.
Mais les choses s’améliorent grandement dès que l’on peut mettre un peu de rythme. La route, séche, est un peu plus large, et le rythme s’accélère en virage. Jusqu’à ce que le premier repose-pied, celui de droite, se mette à frotter le bitume dans une épingle à droite.
Puis c’est le cale-pied gauche qui s’y met. La moto est un peu plus basse que sa cousine V-Strom 800 DE, et les repose-pieds sont disposés suffisamment bas pour qu’une personne d’un mètre 80 puisse garder les jambes détendues. Et donc la garde au sol en virage, du moins pour ce qui est des appendices sur lesquels on met ses pieds, peut laisser à désirer en roulage sportif dans les virages serrés et avec une pente perpendiculaire à l’axe de la route.
Mais ces petits frottements ne sont pas dangereux. Les appendices en question se relèvent automatiquement et rien d’autre ne vient toucher. Et on peut relâcher la pression avec les pieds, parce que les genoux arrivent bien à aggriper les flancs du réservoir d’essence quand on est sur l’angle, et que les pneus offrent un très bon grip dans ces conditions!
Les suspensions disposent de peu de réglages: la précharge à l’avant, la précharge et la détente à l’arrière. Et leur tarage n’est pas des plus rigides. Mais les mouvements de l’avant sont bien contenus, parce que (nous semble-t-il) on a une répartition des masses qui met du poids sur l’avant de la moto.
A l’arrière, ça peut sautiller un peu, pour un dompteur en selle de plus de 80 kilos, mais beaucoup moins que ce que nous avions constaté sur la naked Suzuki GSX-8S (lire notre essai), dont la géométrie est il est vrai passablement différente.
Côté freinage, on donne un bon point pour l’arrière, qui se laisse doser avec une certaine finesse pour, par exemple, « coucher » la V-Strom en virage, quand on veut resserrer la trajectoire.
Et à l’avant, on a bien assez de force à disposition, sans devoir en fournir soi-même beaucoup. On arrive là aussi à très bien doser le freinage, et quand on essore le levier, la fourche plonge un peu, mais pas beaucoup. Et donc la trajectoire est stable.
Nous atteignons notre point de pause-repas de la mi-journée, l’occasion de chercher un joli coin pour faire une jolie photo pour les réseaux sociaux. L’après-midi, ce sera la descente dans les gorges de l’Hérault, un must pour tout motard (ou motarde) qui se respecte. Et au passage, nous demandons aux mécaniciens Suzuki présents de bien vouloir abaisser le pare-brise à son point le plus bas (sur trois crans). Juste pour voir si cela fait disparaître les remous sur le haut du casque.
La descente en direction du fleuve qui donne son nom au département s’effectue en essayant de deviner les meilleures trajectoires sur cette route qui serpente entre des parois rocheuses et où l’on ne sait souvent pas sur quoi débouche le virage en cours, est une vraie partie de plaisir, qui n’est pas sans effort. Il faut vraiment se concentrer sur son pilotage.
Lorsque l’on fait une erreur, on arrive à facilement corriger, cas échéant à ralentir la V-Strom 800. Et grâce au bras de levier offert par le guidon idéalement placé, on ne se fatigue pas trop dans ce genre d’exercice. Une vraie sportive serait probablement encore plus efficace, entre les bonnes mains. Mais aussi nettement plus fatigante!
Nous avons testé en roulant les trois modes de pilotage proposés. Le mode A, le plus réactif, convient à une conduite sportive, tandis que le B sera le mode par défaut pour le reste, sauf si vraiment il pleut à verse et que l’on veut avoir une réponse à la commande d’accélération exagérément douce. Dans ce dernier cas, on choisira le mode C. On peut changer de mode en roulant, en deux pressions de bouton sur la partie gauche du guidon.
Quand l’adhérence vient à manquer à l’arrière, le contrôle de traction s’active. Il est rapide et efficace (et peu être désactivé), même s’il n’a pas la finesse d’un système se basant sur une centrale de mesures inertielles. De même, l’ABS, que l’on peut régler sur deux niveaux d’intervention, est correct, il ne se déclenche que rarement à l’avant, mais il redressera la moto si l’on fait un freinage d’urgence en plein virage. Cependant, à ce prix, 10895 francs, on ne peut pas en demander plus au vu de tout le reste de l’équipement proposé de série.
Cette équipement inclut des protège-mains, une prise USB sur le bord du cockpit, un tableau de bord en couleurs très lisible, avec une fonction nuit/jour automatique, des commandes au guidon, un petit espace sous la selle, un levier de frein avant réglable en écartement (pas pour le levier d’embrayage), un pare-brise réglable sur trois hauteurs … et un quickshifter!
Ce quickshifter va dans les deux sens, et il fonctionne bien, si l’on se souvient qu’il faut couper les gaz en rétrogradant, et les garder ouverts en montant les rapports. On peut le désactiver si on le désire.
L’équipement optionnel peut consister en une béquille centrale, en une extension de pare-brise, en des selles de hauteurs différentes … et c’est l’occasion pour dire qu’en position basse, le pare-brise d’origine suscite moins de turbulences. Mais il dévie aussi moins d’air du ou de la pilote.
Au terme d’une journée de route bien rythmée, la selle ne nous a pas particulièrement martyrisé le derrière, la nuque et les épaules sont en bon état, et les doigts ne sont pas engourdis par les vibrations. On valide l’ergonomie des commandes, le travail d’amortissement des suspensions, et la bonne texture de la selle.
Rien à redire sur les rétroviseurs, qui offrent un bon champ de vision, et dont on peut facilement adapter la position.
Nous n’avons pas pu tester l’éclairage donné par les phares de nuit. De jour, ça nous semble plus que correct. Et pas non plus la consommation d’essence réeflle. Le constructeur indique 4,4 litres aux 100 km, tandis que le tableau de bord affichait plutôt un peu plus de 5 litres aux 100, ce qui est normal. La valeur réelle est presque toujours un peu plus élevée que le chiffre « théorique ».
Les 20 litres du réservoir d’essence devraient dans ce conditions permettre de faire Milan-Lausanne et d’avoir encore de la réserve!
Cette nouvelle V-Strom 800 sera disponible dès le début de l’an prochain, au prix de 10895 francs, dans trois couleurs: bleu, noir, ou un joli vert khaki (Suzuki l’appelle Matte Metallic Green).
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site suisse de Suzuki, ou vous adresser à nos partenaires dans notre Annuaire suisse des pros de la moto: Genève Moto Center à Satigny, Moto Furia à Lausanne, ou No Name Motorcycles à Bevaix (NE).