Essai – Moteur plein pour la (les) Moto Guzzi V85
Nous avons testé en Espagne l’évolution du maxi-trail néo-rétro de Moto Guzzi, notamment le moteur nouvellement à distribution variable. Et pu comparer la nouvelle variante Strada, avec ses roues plus légères, face à la V 85 TT moins orientée sur la route, et un peu plus sur l’offroad.
Certains reprochaient à la Moto Guzzi V85 TT un moteur sympathique mais qui s’essoufflait très vite en haut du compte-tours ,et qui ne faisait pas non plus preuve d’une grande vigueur dans les mi-régimes. Ce qui n’a pas empêché ce trail néo-rétro introduit par le constructeur italien en 2019 de se tailler un joli succès.
Au vu de ce que montre la V85 TT modèle 2024 que l’on nous a prêtée pour une grosse demi-journée dans la région d’Almeria, ces critiques n’ont plus vraiment lieu d’être. La machine a droit à un moteur revu en profondeur, avec l’adoption d’un système jamais vu sur une Moto Guzzi, et très rarement vu sur un moulin refroidi par air et huile: une distribution variable (lire notre présentation).
Sans faire trop technique, la distribution variable consiste à pouvoir varier (justement) les intervalles d’actionnement des soupapes du moteur, et donc les intervalles d’allumage. Le but recherché est d’avoir la meilleure combustion possible, la plus efficace, quel que soit le régime de rotation dudit moteur.
Parce qu’avec une distribution fixe, il y a forcément un compromis à faire quelque part. En règle générale, et en simplifiant, à cylindrée égale, on aura un moteur soit sportif haut dans les tours, mais un peu creux en bas du compte-tours, soit fort bas dans les régimes mais qui s’essouffle en grimpant en régimes.
Pour voir ce que ce nouveau système de distribution apporte à ce modèle, le groupe Piaggio, propriétaire de la marque Moto Guzzi, nous a conviés en Espagne, dans la région d’Almeria.
Et effectivement, sans parler des autres aspects de notre test, le «plateau» dans la délivrance de la puissance et du couple, que l’on ressentait clairement sur la version précédente du V Twin transverse Moto Guzzi (853 cm3) n’est plus là. On sent un bicylindre qui accélère de manière nette dès 2500 tr/min et qui continue à le faire presque jusqu’au limitateur.
Bien sûr, il ne sera pas aussi performant qu’un moteur refroidi par liquide, mais la transformation est tout de même étonnante et agréable.
Les techniciens et chefs de projet de la marque italienne, présents avec nous en Espagne pour ce test d’une journée, reconnaissent qu’il y avait une seconde motivation à l’introduction de cette distribution variable, résumée par les trois lettres VVT (en anglais, Variable Valve Timing). Et c’est le respect des nouvelles normes anti-pollution et anti-bruit européennes, celles qui s’appellent Euro 5+ et qui vont devenir incontournables pour toute moto neuve à partir de 2025. Le tout sans diminuer les performances (courbes de puissance et de couple).
Le VVT, en optimisant la combustion à tous les régimes, réduit aussi en même temps les émissions polluantes. Et il devrait même faire baisser la consommation d’essence.
Avant de vous donner plus de détails sur notre ressenti de conduite de ces nouvelles Moto Guzzi V85, il vaut la peine d’expliquer un peu plus comment fonctionne le VVT sur ce modèle. C’est assez génial dans sa simplicité: des billes de métal placées à des endroits stratégiques dans le propulseur se déplacent naturellement vers l’extérieur d’un axe en rotation, suivant l’augmentation du régime de rotation.
Et dès un certain seuil, cela provoque un décalage de l’actionnent des soupapes, adaptant la combustion à la plage de régimes concernés.
Pour la petite histoire, Moto Guzzi n’est en fait pas la seule marque à avoir choisi ce mécanisme pour obtenir une distribution variable. Un système semblable est à l’oeuvre … sur la Suzuki GSX-R 1000, celle de dernière génération (qui n’est malheureusement plus disponible en Suisse)! Ou quand un placide maxi-trail au caractère rétro rejoint une superbike qui crache le feu sur circuit!
Pour en revenir au test de la V85 2024, nous voici au guidon de la variante V85 TT, qui arbore un joli coloris bi-ton rouge et blanc, avec un cadre tubulaire rouge. Et toujours ses deux «yeux», un double phare avant rond, avec au milieu un trait lumineux un peu ondulé que l’on identifie comme une représentation stylistique du célèbre aigle, l’emblème depuis toujours des motos de Mandello Del Lario, la patrie de Moto Guzzi.
Pour l’auteur de ces lignes, le trail se révèle tout à fait accessible, avec sa selle à 830 mm du sol qui est bien creusée à la jonction avec le réservoir. Et on le relève de sa béquille latérale avec beaucoup de facilité malgré ses quelque 230 kilos (avec les pleins).
A partir de là, l’avant des deux pieds peut s’appuyer en confiance sur le sol pour tenir la V85 TT. Cette moto est bien équilibrée!
Nous allons pouvoir aussi essayer une autre variante de ce modèle, introduite dans la gamme 2024: la V85 Strada. Elle roule avec des jantes à bâtons, plus légères (-4 kg) que les jantes à rayons des deux autres variantes, la V85 TT et la V85 TT Travel, et elle est dépourvue, de série, des protège-mains, du sabot moteur en métal et du garde-boue haut qui sont de série sur la TT et la TT Travel.
Cette diminution des masses en rotation non suspendues sur la Strada a un effet immédiat sur le comportement de la moto. La V85, qui n’est pas exactement la reine de l’agilité, devient presque aussi vive qu’un roadster sportif. Les pneus sont différents, eux aussi, et ils donnent une meilleure adhérence sur le bitume.
Un passage sur un col dans la Sierra de Gador, au sud-ouest d’Almeria, fait constater les bienfaits de l’opération sur la V85 Strada. La moto se laisse balancer à gauche ou à droite avec facilité, presque avec désinvolture.
Il est aussi plus facile de freiner pour arriver avec le bon tempo en entrée de virage, car il y a moins d’inertie à combattre. Et du coup, la fourche inversée, qui est compétente mais n’est pas exactement conçue pour être super rigoureuse, bougille beaucoup moins. A vrai dire presque pas. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé!
L’amortisseur arrière, lui, ondule par contre un peu. Il est plus réglé sur le confort que sur le sport, et c’est normal sur ce genre de moto. On peut ajuster, devant comme derrière, la précharge et la détente des suspensions.
Notre demi-journée de test, avec trois variantes du même modèle et plein de photos à prendre, était malheureusement un peu courte pour pouvoir tester d’autres réglages des suspensions. On note cependant qu’il faut des outils pour le faire sur la V 85 Strada, mais que la précharge arrière peut se régler à la main sans outil sur la V 85 TT.
Nous avons pu apprécier aussi le nouvel écran, toujours en couleurs, mais plus large, plus lisible. Il est peut-être un peu sombre, mais cela n’empêche pas de savoir à quelle vitesse on va, dans quel rapport, à quel régime, combien de kilomètres ont déjà été parcourus, etc.
Et la nouvelle disposition des commandes sur la partie gauche du guidon, est un peu plus intuitive qu’auparavant. Le régulateur de vitesse de série est identique à celui que l’on trouve sur la nouvelle Moto Guzzi Stelvio (lire notre essai). La première utilisation, si l’on n’est pas un habitué des deux-roues du groupe Piaggio, demande un petit temps d’adaptation. Et ensuite, c’est simple, précis et efficace.
Nous ne sommes pas sortis de la route pour aller tester les capacités de la machine en tout-terrain. Un essai précédent (lire notre article) montre qu’elle est tout à fait capable de rouler à vitesse raisonnable sur des pistes pas trop techniques. Dans cet exercice, la V 85 TT est naturellement plus adaptée que la Strada, du fait des rayons de ses roues, et du sabot moteur en aluminium, d’origine.
Le moteur renouvelé est livré avec trois modes de pilotage et un accélérateur électronique. Chacun de ses modes définit des courbes de couple et de puissance différentes, et des degrés d’intervention différents du contrôle de traction, de l’assistance au freinage et du frein moteur.
La V 85 TT a un mode supplémentaire, fait pour l’offroad, que l’on trouve aussi sur la TT Travel. Et cette dernière arrive en plus avec un cinquième mode personnalisable. Les différences dans la réponse au gaz sont marquées entre les trois modes de base présents sur toutes les variantes. Dans les trois cas, l’accélérateur est cependant précis et proportionnel, avec un réglage de l’injection impeccable.
Les accélérations du moteur revu ne sont toujours pas fulgurantes, mais elle sont correctes. Compte tenu du type de moto, on ne sent pas de manque de couple ou de chevaux.
La sonorité du V2 est subtilement différente des versions précédentes. On entend toujours un peu la « machine à coudre » typique des Moto Guzzi refroidies par air et huile, derrière un grondement un peu plus plein et un peu plus grave. Une bande-son plaisante et vivante. Et les vibrations sont plutôt du genre agréables qu’énervantes.
On note que les V 85 sont les seules motos de leur segment (maxi-trails de voyage de cylindrées moyennes-supérieures) à utiliser une transmission par cardan, un avantage côté entretien, parce qu’il n’est nul besoin de le retendre ou de le graisser, au contraire d’une chaîne. Nous n’avons pas remarqué ce cardan en roulant, ce qui veut dire qu’il ne provoque pas d’à-coups dans la transmission.
La boîte de vitesses est précise, et les rapports sont bien étagés pour tout type de roulage. Mais les passages des premiers rapports est encore un peu dur et demande une action décidée du pied. On ne peut qu’apprécier le fait que le levier d’embrayage (tout comme le levier de frein) soit réglable dans son écartement.
L’autre nouveauté est que les assistances au pilotage sont sensibles à l’angle, grâce à la présence d’une centrale de mesures inertielles (IMU) à six axes. Sur la Strada, cette fonction est une option.
Que ce soit avec ou sans IMU, nous n’avons pas pu prendre en faute le contrôle de traction. Il est vrai que la route était sèche et propre. L’ABS, lui, n’est pas intrusif sur la roue avant, un peu plus sur la roue arrière. Mais avec l’IMU, il devient presque transparent, efficace sans se faire remarquer.
Si on doit effectuer un freinage d’urgence en plein virage, l’ABS, se basant sur les données de l’IMU, va faire que la moto ne se redresse pas immédiatement et poursuit sa trajectoire. Jusqu’à une certaine limite, bien sûr. C’est néanmoins un gros plus pour la sécurité.
L’action du système de frein est très efficace. A l’avant, ça freine fort sans qu’il soit besoin de tirer le levier à fond, et on dose facilement. A l’arrière, c’est dans la norme et ça peut servir à bien placer la V 85 dans les virages.
En cruisant sur la voie rapide, on se rend compte que le nouveau pare-brise, et la languette ajoutée entre le pare-brise et l’avant du réservoir, offrent une certaine protection contre le vent tout en réduisant les turbulences, mais que ce n’est pas une révolution par rapport au modèle précédent.
La protection est bonne, mais pas excellente, même quand on a placé la bulle (à la main, en roulant) dans sa position la plus haute. Il est vrai qu’il y a peu de turbulences. La V 85 TT et la TT Travel ajoutent au pare-brise des protège-mains.
Et pour ce qui est de la protection contre le vent et les éléments, la différence est notoire à bord de la V 85 TT Travel, qui a le pare-brise touring (optionnel sur les deux autres) et deux déflecteurs en plus sur les côtés!
Enfin la V 85, que ce soit en version Strada, TT ou TT Travel, est toujours une moto confortable, avec une position de conduite le dos droit, un guidon suffisamment large pour offrir un bon appui, de la place pour les jambes (même si l’on mesure plus de 1 m 80), et une selle moëlleuse mais offrant un bon appui.
Elle est aussi pas mal pour le duo, avec une selle passager pas trop courte, un peu plus haute que la selle du conducteur, des repose-pieds pas trop hauts, et un porte-paquet (de série sauf sur la Strada) permettant de bien s’accrocher.
A l’issue de notre test, nous n’avons parcouru que 140 km avec ces nouvelles V 85. La consommation d’essence a oscillé entre 5,1 et 5,3 litres aux 100 km. Le réservoir contenant 23 litres, on peut donc rouler facilement plus de 400 km avec un plein.
La V 85 Strada, la V 85 TT et la V 85 TT Travel sont disponibles en Suisse dès le mois de juin (il y a un peu de retard) 2024. A partir de 11995 francs pour la première (en gris ou en noir), de 13495 francs pour la deuxième (dans deux très jolis coloris bi-tons), et de 14995 francs pour la troisième (en bronze « Deserto »).
Moto Guzzi annonce une foule d’options et d’accessoires pour cette nouvelle fournée 2024: une béquille centrale, un contrôle électronique de la pression des pneus, des poignées chauffantes (standard sur la Travel), la connectivité (aussi standard sur la Travel), des valises, des topbox, des selles chauffantes, des protections pour le moteur, un seconde prise USB (en plus de celle présente dans le cockpit), des miroirs pliables, etc.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site web suisse de Moto Guzzi, ou vous adressez directement à nos partenaires de l’Annuaire suisse des pros de la moto: Moto Furia à Lausanne, Genève Moto Center à Genève, GCO Motors/WTS à Aubonne (VD) et No Name Motorcycles à Bevaix (NE).