Essai – La Moto Morini Calibro, un vrai cruiser italien
Nous avons pu tester durant deux heures le tout nouveau cruiser de la marque italienne Moto Morini. Une machine unique sur le marché, de par sa transmission par courroie, sa cylindrée et son esthétique. C’est aussi une moto avec laquelle on peut rouler efficacement et se faire plaisir sans s’encombrer de subtilités électronico-connectées.
Ce n’est pas le premier cruiser chez Moto Morini. Il y a eu l’Excalibur, dans les années 1990′. Mais la Calibro est par contre le premier cruiser (ou custom) de la marque italienne depuis le (second) redémarrage de la marque, au début des années 2010′.
Moto Morini, qui fait partie du groupe chinois Zhongneng (un géant) depuis 2018, nous a convié à son siège à Trivolzio, dans la province de Pavie, en Italie, pour tester brièvement son nouveau cruiser. Comme il n’y avait au moment de ce test que deux exemplaires de la Calibro disponibles à Trivolzio, et que notre groupe comprenait six journalistes, nous n’avons pas pu faire plus qu’une quarantaine de kilomètres à son guidon.
Mais c’était suffisant pour se faire une idée des qualités et défauts éventuels de ce nouveau modèle, en tenant compte du fait que nos deux motos de test étaient des machines de pré-série, qui plus est chacune à des stades de développement différents.
Cette nouvelle moto (lire notre article de présentation) est une cousine, techniquement parlant des Moto Morini X-Cape 650, Seiemezzo SCR et Siemezzo STR, qui utilisent un bicylindre en ligne refroidi par liquide de quasi 650 cm3. Dans la Calibro, la cylindrée est plus grande, grâce à une course plus longue. Il y a aussi une transmission finale par courroie, unique chez Moto Morini, et qu’on ne voit en général pas dans le segment des cruiser/customs de moyenne cylindrée.
La nouvelle Calibro se distingue aussi en étant la seule à adopter des dimensions de roues typiques des gros cruisers américains, avec 16 pouces de diamètre à l’arrière et 18 à l’avant. Cela lui donne une « posture » typique: train avant surélevé, et poupe descendante.
La variante « Bagger », avec son carénage avant façon « Batwing » (aile de chauve-souris, en traduction littérale) et ses deux valises basses à l’arrière, n’était pas disponible lors de notre test. Sa production démarre en effet un peu plus tard que celle de la Calibro.
Dernière précision: nous avons aussi pu rouler quelques dizaines de kilomètres avec une Seiemezzo STR (version routière) et une Seiemezzo SCR (version Scrambler), avant de prendre le guidon de la Calibro.
Et le premier constat sur cette dernière, à l’arrêt, est que la selle est basse, ce qui est logique pour un cruiser. L’auteur de ces lignes mesure 170 cm et a des jambes courtes. Il pose l’entier des deux pieds à terre sans souci. Mais à 725 mm du sol, ce n’est pas la moto la plus basse de ce segment. Les personnes d’un mètre soixante, par exemple, devraient avoir un peu plus de difficulté, si elles n’ont pas l’habitude de « déhancher » pour poser un pied à plat. La selle est cela dit assez fine à l’endroit où elle rencontre l’arrière du réservoir d’essence, et cela aide.
La béquille latérale (pas de centrale) est facile à actionner et elle positionne le cruiser à un angle correct quand on parque la moto.
Pour revenir à la selle, elle est moëlleuse à souhait. Et enfin la position de conduite est typique d’un cruiser, avec les pieds en avant. Mais pas tout en avant. Pour la taille de l’essayeur soussigné, c’est parfait, et le guidon est à portée de main sans devoir tendre les bras.
Massimo, le consultant technique qui est le cerveau du développement de tous les nouveaux modèles Moto Morini, nous affirme que l’on peut ajuster la position des cale-pieds du pilote, vers l’avant ou vers l’arrière, sur plus de 15 centimètres. De quoi s’adapter aux jambes plus ou moins longues du ou de la pilote. Un bon point.
Comme sur une moto américaine, le contact se met avec une clé qui prend place non pas au milieu à l’avant, mais sur le côté (droite).
Un rapide examen des deux Calibro de pré-série ne laisse pas apparaître de soudure mal faite, de cache mal ajusté, de peinture mal appliquée … la qualité de fabrication semble bonne. Mais Massimo nous a prévenus: la moto grise est encore équipée d’un sélecteur de vitesses trop dur, il y a des vibrations gênantes dans le cockpit, et la luminosité du petit écran à cristaux liquides donnant la vitesse, le rapport de vitesses engagé, l’heure, le kilométrage et l’état de la jauge d’essence est trop faible. Selon ses propres mots.
Comme le soussigné débute avec la Calibro rouge, sur laquelle ces petits problèmes ont tous été corrigés, il ne remarque rien de tout cela. Mais effectivement, lors de la prise des photos dynamiques, après avoir échangé nos motos, on sent que le passage des vitesses est nettement plus dur sur la moto grise. Et que le petit saute-vent vibre de manière désagréable dès qu’on accélère un peu. Quant à la luminosité du LCD, elle est meilleure sur la moto rouge, c’est un fait.
Ce qui apparaît aussi assez rapidement, c’est que bien que pesant plus de 200 kg avec les pleins (le poids donné par Moto Morini est à sec, et le réservoir d’essence comprend 15 litres), ce cruiser n’est pas difficile à manoeuvrer à basse vitesse, avec ou sans l’aide du moteur.
Le centre de gravité de la moto est placé au bon endroit pour cela, assez bas par rapport au sol, ce qui facilite les choses. Quand il faut évoluer avec l’aide du bicylindre, il est heureusement bien régulier à bas régime, depuis déjà 2000 tr/min, et la poignée des gaz permet de doser l’accélération de façon précise.
Au besoin, le levier d’embrayage est là, et il est lui aussi facile à actionner, même si l’embrayage n’est pas assisté.
Quelques centaines de mètres dans le trafic très modéré de la zone industrielle et du petit centre urbain de Trivolzio, et nous voici sur les petites routes de campagne de la région de Pavie, totalement plates, et avec peu de virages. Nous sommes dans un paysage éminemment agricole, avec ça et là des « cascine », sortes de grandes fermes regroupant tous les services d’une grande exploitation agricole, avec même parfois une petite chapelle religieuse.
Il y a aussi plein de rizières, et le fleuve Ticino (oui, comme le canton). Et c’est près de ce fleuve que nous mène notre route de test. Il y a quelques passages plus étroits, quelques virages serrés, quelques rares occasions de laisser le bicylindre de 693 cm3 se dégourdir les bielles en dépassant les 80 km/h, et des revêtements dont la « lissitude » est, disons, variable.
Une chose est sûre: le moteur de ce cruiser pousse plus fort bas dans les tours que celui de la X-Cape ou des Seiemezzo. Vu le type de moto, vu aussi les vibrations qui se font sentir, au-delà des 6000 tr/min, et qui augmentent en intensité quand on se rapproche du limiteur, on passe naturellement très vite le rapport supérieur.
Et on se retrouve à cruiser en cinquième à 70 km/h, ou en sixième à 90 km/h, à un régime qui ne provoque pas ces vibrations parasites. On le perçoit surtout quand on accélère, ce qui veut dire qu’une vitesse contante, même élevée, sur l’autoroute, ne sera pas trop désagréable.
Il se peut aussi que d’ici la version définitive de série de la Calibro, Massimo et ses collègues aient encore pu les atténuer, dans le guidon, les poignées du guidon, les cale-pieds et la selle.
Encore une fois, comme ce n’est pas une naked ou une sportive, il est plutôt naturel de garder le moteur dans les régimes bas et moyens et, comme c’est un moteur de cylindrée moyenne, il est tout aussi naturel de changer fréquemment de rapport de vitesse. Surtout que, sur la moto rouge, le passage de ces rapports se fait de manière très fluide, en les montant comme en les descendant.
La puissance de pointe de cette machine n’est pas à couper le souffle (69 chevaux), mais c’est largement suffisant pour le type de moto et pour son poids, seul ou à deux. Le couple, lui, à 68 Nm, est plutôt généreux pour la cylindrée, et il est atteint à 6500 tr/min.
On ne sent pas non plus le moindre à-coup dans la transmission, signe que la courroie fait son job comme elle doit. Selon ses concepteurs, elle doit durer le même temps que la durée de vie du cruiser. Pas besoin, donc, de la remplacer, et pas besoin non plus de la retendre comme on le ferait d’une chaîne. Et, pourrait-on ajouter, pas besoin de béquille centrale, qui de toutes façons n’existe ni de série ni comme accessoire.
Les suspensions de la Calibro tiennent bien la route. Elles sont tendanciellement un peu rigides (on ne peut pas changer ce réglage, parce que seule la précharge à l’arrière est ajustable), mais cela donne une bonne rigueur en ligne droite et dans les changements de direction.
Les pneus de première monte sont des Timsun, une marque asiatique que l’on peine à trouver en Europe. Sur route sèche, ils nous ont offert une excellente adhérence, un bon confort et un caractère prévisible avec un bon feedback. Reste à savoir comment ils se comportent sur un revêtement froid ou humide.
La selle, elle, est möelleuse et absorbe les chocs avec plaisir, ou presque. Elle offre aussi un bon soutien, avec sa forme en léger baquet. Pour un passager ou une passagère, c’est moins convaincant, parce qu’on est typiquement sur le « pouf » du cruiser, et qu’il n’y a pas de poignée de maintien. Mais les cale-pieds sont bien positionnés et laissent un peu de place aux jambes.
La roue avant de 18 pouces et la posture de quasi-chopper font que le phare et le petit saute-vent se trouvent au bon endroit pour dévier une bonne partie des masses d’air que l’on traverse, au moins dans l’axe vertical. Sur les côtés, il y en a encore pas mal qui passe et qui vous arrive sur les épaules et le torse. La Calibro Bagger devrait certainement faire mieux dans ce domaine.
Moto Morini précise qu’il ne sera pas possible d’ajouter le carénage avant et les valises à la Calibro standard. Une pure décision de politique commerciale, parce que techniquement rien ne s’y oppose. Si vous voulez une Calibro façon bagger en rouge ou en gris, il faudra donc attendre que des compagnies tierces proposent des équipements compatibles.
Sur les routes étroites, la Calibro suit la trajectoire en virage avec précision, et elle se laisse diriger avec très peu d’effort. Un bon point, ce n’est pas un gros custom pataud. Le cadre et la géométrie ont été bien étudiés et bien conçus.
Bien sûr, si l’on incline fortement la Calibro, on va vite finir par faire crisser un repose-pied sur l’asphalte. Cela fait partie de l’expérience cruiser-custom! Il est cependant tout à fait possible d’éviter cela tout en gardant une bonne vitesse en courbe, en adaptant son style de conduite et en roulant de manière plus fluide.
A propos du fait que la propriété de Moto Morini est chinoise, ll faut savoir que si la production industrielle s’effectue dans ce pays d’Asie, toute la conception et le prototypage s’effectuent à Trivolzio, où Moto Morini a tout ce qu’il faut pour créer des concepts, les affiner, et construire des motos en petite série. C’est aussi là que se situe le stock de pièces pour le marché européen, avec un système logistique à la page qui fait que les temps de livraison sont parfaitement acceptables.
Mais revenons à notre essai de ce cruiser à l’italienne. Il fait de plus en plus chaud et nous avons une séance de photos prévue sur un pont qui traverse le Ticino. Ce pont est très spécial: il est flottant. Il repose sur des espèces de grandes barques et la chaussée n’est pas asphaltée, mais faite de traverses de bois et de plaques de métal. Et bien sûr, cela monte ou descend au gré des caprices du fleuve!
Ici, le centre de gravité bas de la Calibro aide à rouler à basse vitesse et à éviter les chocs dûs aux arrêtes plus ou moins saillantes du bois ou du métal. Les bonnes manières du moteur à bas régime sont un plus aussi dans ce genre de situation.
Puis on reprend un peu de vitesse, et on teste les ralentisseurs. A l’avant, on n’a qu’un seul disque de frein, avec un étrier axial à deux pistons. Le freinage n’est par conséquent pas très sportif. Mais au besoin on peut ralentir fortement sur une courte distance, et sans que cette action ne redresse beaucoup la roue et le train avant. Moto Morini a bien calibré ces freins!
Le frein arrière est puissant, comme c’est la coutume sur un cruiser ou une custom. Dans les deux cas, si vous faites un freinage d’urgence, l’ABS aura tendance à vite se déclencher, même à l’avant. Ses temps d’intervention sont cependant très corrects. Autrement dit, il est rapide, il ne se fait pas trop remarquer et il va très peu rallonger la distance de freinage. N’oublions pas non plus que la Calibro n’est pas aussi lourde qu’une moto américaine du même genre, et qu’elle a donc moins de masse à ralentir.
A part l’ABS, il n’y a aucune fioriture électronique sur cette moto. Pas de modes de pilotage, pas de contrôle de traction, et pas non plus de connectivité avec les smartphones.
Le tableau de bord montre le régime du moteur sur un compteur analogique à aiguille, et c’est voulu ainsi, pour rappeler « l’affichage d’une machine de drag race »! Un petit écran à cristaux liquides et à affichage négatif (blanc sur fond noir) donne la vitesse, et les autres indications utiles. Le tout est parfaitement lisible sous le soleil (pour l’aiguille et le régime), et suffisamment lisible (pour le LCD).
Pour remettre le compteur kilométrique partiel à zéro, ou pour changer l’heure, on doit faire appel à deux petits boutons entourés de caoutchouc sur le bord du compteur. Leur maniement n’est pas super aisé avec des gants, mais on a vu pire.
Les rétroviseurs, bien que petits et rond, offrent un bon champ de (rétro)vision et les miroirs ne se laissent pas troubler par les vibrations du moteur. Ces miroirs sont enchâssés dans de l’aluminium, et c’est fabriqué avec soin.
Il faut dire un mot sur les indicateurs de direction. Comme sur les Harley-Davidson ou les BMW d’un certain âge, il y a un bouton-poussoir sur chaque commodo. Un pour tourner à gauche, sur la partie gauche du guidon, et un pour tourner à droite, sur la partie droite du guidon. Pour éteindre l’indicateur, il faut presser une seconde fois sur le même bouton.
Il faut juste s’y habituer si on a coutume de rouler avec une moto d’un autre genre. Au moins ces boutons sont de taille suffisante pour qu’on puisse facilement les actionner même avec de gros gants. D’ailleurs le reste des commandes au guidon est de la même facture, et a l’air plutôt solide.
S’il n’y a pas de module de connectivité, il y a par contre une prise de recharge USB, accessible sur la gauche, à l’avant du réservoir d’essence.
Nous n’avons pas pu tester l’éclairage de nuit ou dans un tunnel. Tout est à LED, et il y a une fonction de feu de jour automatique.
Seuls quelques accessoires vont dans un premier temps être disponibles pour ce nouveau cruiser de Moto Morini. Cela inclut un capot de selle passager.
La Calibro est disponible en Suisse dès le mois d’août 2024, en gris ou en rouge, d’abord au prix de lancement de 7190 francs. Et ultérieurement pour 7790 francs. C’est parfaitement compétitif vis-à-vis de la concurrence, que l’on trouve principalement chez Kawasaki (lire notre test de l’Eliminator 500) et Honda (la CMX 500 Rebel).
La Kawasaki Vulcan S, elle aussi un bicylindre avec un moteur de quelque 650 cm3, est un animal quelque peu différent, avec une roue avan et un train avant plus bas, et un train arrière plus haut.
La Bagger, elle, doit arriver dès septembre, dans le seul coloris noir, et coûtera 8190 francs. La garantie suisse est de trois ans, signe que l’importateur a confiance dans la qualité de ses produits!
Il est possible d’obtenir les deux versions de la nouvelle Moto Morini Calibro dans une variante compatible avec les exigences du permis A limité (A2). Le bridage à 35 kW (47,5 chevaux) de puissance maximale s’effectue simplement, par l’électronique. Et c’est réversible tout aussi simplement. Il n’y a aucune différence de prix par rapport à la version non bridée.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site suisse de Moto Morini, ou vous adresser à notre partenaire de notre Annuaire ActuMoto des pros de la moto, Rost Motos, à Collombey-Muraz (VS).
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