Le Suisse Quentin Carrard décroche une sixième place au rallye Addax avec sa Beta 125
Pour son premier rallye dans le désert nord-africain, le Vaudois réussit son pari: imposer l’agilité et la légèreté de sa moto à moteur 2-temps face à la concurrence sur des machines plus puissantes, mais aussi bien plus lourdes.
Il n’avait encore participé à aucun rallye dans le sable. Le Vaudois Quentin Carrard était l’un des deux pilotes suisses engagés en novembre dernier (2024) à l’Addax Rally, au Maroc.
Cette épreuve hors championnats mise sur pied par un organisateur espagnol propose 1120 km de parcours au sud-est du pays, où l’on doit suivre les indications du roadbook. L’Addax Rallye dure cinq jours, est composé d’un prologue, suivi de cinq étapes, dont la plus longue dépasse les 300 kilomètres.
La particularité est que chaque jour, les compétiteurs partent du même point (un hôtel confortable dans la région), et y reviennent donc en fin de journée. Les parcours incluent les dunes du Merzouga (Erg Chebbi).
Une trentaine de pilotes étaient inscrits à cette édition 2024, dont deux Suisses. L’un de ces deux helvètes était le Vaudois Quentin Carrard, qui a passé ces dernières années à apprendre les bases du rallye-raid au sein de la structure suisse elle aussi appelée le Team Edelweiss Racing, fondée par le Neuchâtelois Nicolas Monnin.
Le second s’appelle Samuel Guignet, et il dirige un atelier de mécanique moto à Chavornay qui répond au doux nom de Sam’s Workshop.
Tous deux étaient venus avec des motos légères, « Sam » avec une KTM 300 EXC 2-temps, Quentin avec une Beta 125 2-temps elle aussi.

La seconde de ces deux motos, en particulier, nettement moins puissante que les 450 monocylindres de rallye utilisées par la plupart des concurrents, était un choix surprenant, surtout pour quelqu’un qui n’avait jamais pris part à ce genre de compétition.
Quentin a bien sûr transformé sa Beta en machine de rallye, en améliorant son éclairage, en ajoutant un gros réservoir d’essence, un support pour ses appareils de navigation et … une selle confort.
Faisant fi de tous ceux qui lui disaient qu’une telle moto n’était pas une bonne idée pour ce genre d’épreuve, il a suivi une préparation rigoureuse, sur les plans physique, mécanique et de la navigation, dans le cadre du team suisse Edelweiss Racing.
Avec le soutien du team Edelweiss Racing pour la préparation
Cette structure créée par le Neuchâtelois Nicolas Monnin, pilote de rallye amateur qui a à son actif deux Dakar (dont un terminé, en Arabie saoudite) et plusieurs autres rallyes au Maroc se veut un encouragement pour se lancer dans le monde du rallye-raid et de l’enduro, en réunissant des personnes suivant ce même but et en partageant les expériences.
Quentin et Sam ont donc débarqué au Maroc, au volant de leur petit bus, avec leurs petites motos, et se sont retrouvés face à des semi-remorques et à des KTM Replica à 50000 euros. Le premier contact pour ce rallye Addax 2024 était intimidant!

Le prologue a coïncidé avec un premier imprévu. L’odomètre de la Beta, soit l’instrument qui permet de savoir combien de kilomètres on parcourt, et qui est donc essentiel pour suivre les indications du roadbook, s’est mis à afficher des chiffres « fantaisistes », selon les mots de Quentin.
Le jeune pilote se passe donc plus ou moins de la navigation et décide de suivre les autres. Au terme des 25 km de cette mise en jambes, il rallie l’arrivée et se classe 14ème, sur 28 concurrents. Juste un rang devant son compère Samuel Guignet.
Le même jour, sans que les participants aient vraiment le temps de souffler, c’est le départ pour l’étape spéciale chronométrée numéro une de l’Addax Rally, qui totalise 147 km de parcours au roadbook. Quentin progresse mais au point de passage (« waypoint ») numéro 8, c’est la pagaille. Beaucoup de concurrents ne le trouvent pas, et l’odomètre du Suisse est toujours plus ou moins hors service.
Il adopte la même tactique que lors du prologue, mais en suivant cette fois-ci les leaders, qui roulent à fond sur leurs machines 450. La petite Beta atteint péniblement 110 km/h à fond de sixième, et Quentin parvient à récupérer des mètres lors de chaque passage plus technique, en profitant de l’agilité de la Beta.
Mais ce faisant il coupe sans le vouloir un passage et loupe plusieurs waypoints. Cela lui vaut des pénalités à l’arrivée et cela le fait rétrograder à la 23ème place de cette première étape.
Quentin va passer le reste de la journée à bricoler sa transmission dans l’espoir de gagner quelques kilomètres/heure pour la suite du rallye Addax, et surtout à remettre en place son système de navigation afin d’éviter les décalages kilométriques entre le lecteur de roadbook et l’odomètre.
Il repart le lendemain pour une étape 2 de 310 km, incluant une pause ravitaillement au bout de 130 bornes. Le Vaudois tient son cap sans se laisser influencer par certains concurrents qui sont manifestement un peu perdus, et il est bientôt rejoint par un petit groupe de pilotes qui se relayent pour ouvrir la trace.
A la pause, il fait la connaissance de Henning Meyer, un pilote allemand, et se lie d’amitié avec lui. Les deux hommes vont continuer en tandem, Henning en faisant profiter Quentin de ses talents de navigateur, et Quentin en faisant parler la facilité de sa Beta dans une succession de pistes (rapides), de dunes (techniques) et de zones rocailleuses.
Leur rythme à deux est soutenu. Ils s’acquittent du reste de l’étape sans connaître de panne ni rater de waypoint, et le Suisse remonte au classement: 16ème de l’étape, devant son collègue allemand. Sam, lui, est 26ème.
Le lendemain, le ton est donné au briefing: on attend une tempête de sable qui va mettre les pilotes et tout le monde à rude épreuve. Mais l’étape, 304 km, est maintenue.
Tempête de sable pour l’étape 3 de l’Addax Rally
Le vent a perturbé la progression des pilotes dès les premiers kilomètres. « Le sable s’infiltrait partout, dans les yeux, le nez, et bien sûr, les filtres de la Beta », raconte Quentin. Après 40 kilomètres, il aperçoit enfin Henning et il le rejoint pour le reste de la spéciale.
« La navigation devenait un défi monumental, continue le Vaudois. La visibilité était si réduite qu’on peinait à voir plus loin que le garde-boue avant. Chaque waypoint était une petite victoire, arrachée à force de concentration et d’entraide. Nos moteurs hurlaient, mais on avançait coûte que coûte. »
Après une première pause au bout de 150 km, la course reprend, dans un oued. Mais il n’y a pas moins de vent. Au bout d’encore 120 km, la direction de course décide d’interrompre l’étape, la visibilité devenant critique. Tout le monde rentre au bivouac et à l’hôtel, passablement éprouvé.
Quentin, qui porte le dossard numéro 4, est cette fois-ci 13ème, il a fait encore mieux que la veille, malgré des conditions très difficiles.
La spéciale numéro 4 est celles des dunes, les vraies. « C’était celle que j’attendais avec impatience depuis le début du rallye, confie le numéro … 4. La légèreté de ma Beta 125 2T est un atout majeur dans le sable, et jétais prêt à prouver qu’elle peut rivaliser avec les plus grosses machines. »
Les premières formations sableuses sont tout d’abord modestes. Puis ce qui était des ondulations devient de plus en plus imposant, jusqu’à des montagnes de plusieurs dizaines de mètres.
Et effectivement, la petite 125 fait merveille. Légère et agile, elle grimpe ces dunes avec une facilité déconcertante, doublant les concurrents en difficulté sur leurs « grosses » 450. Quentin est en symbiose avec sa machine. Il sait qu’il faut avoir de l’élan et maîtriser la poignée des gaz avec précision.
Il est toujours en binôme avec son camarade allemand. A mi-parcours, les repères et les traces se font rares. Il faut juste suivre les caps de la navigation. Les deux hommes se retrouvent presque sans l’avoir voulu dans le groupe de tête.
Le résultat du jour au bout de cette étape de plus de 300 km est incroyable. Quentin est sixième, à un peu plus de trente minutes du premier, et tout le monde le félicite! Henning, lui, est huitième.
La dernière étape est plus courte: 150 km. Mais elle sera redoutable pour ce qui est de la navigation. La preuve, au bout d’un moment, Quentin et de nombreux autres pilotes sont plus ou moins perdus, cherchant en vain un point de passage. Le Suisse finit par décider de ne plus se préoccuper de ce waypoint invisible et il continue, en suivant un groupe qui semble plus ou moins savoir où il va.
A 15 km de l’arrivée, nouvelle zone de dunes, nouveau moment euphorique pour le numéro 4. Mais malheureusement, le sort a décidé de ne pas laisser le pilote suisse finir son rallye Addax tranquillement.
Il a suffi d’un moment durant lequel il a baissé le regard en passant une dune pour qu’il se fasse surprendre par un « trou de sable » et qu’il chute.
Le casque a tapé contre la tour de navigation. Résultat, tablette cassée, et nez en sang. Il est reparti, un peu sonné, et voici que, quelques kilomètres plus loin, la Beta est tombée en panne … sèche!

Il a eu la chance à ce moment d’apercevoir un touriste sur un quad qui passait par là, avec u guide berbère. Contre bien cinquante dirhams (la devise marocaine), il a pu siphonner un peu d’essence du réservoir du quad, un litre, juste assez pour rallier l’arrivée.
Ces « péripéties » l’ont bien sûr retardé, et il a fini neuvième de cette cinquième étape. Et aussi dixième au classement final du rallye Addax 2024.
Pour en savoir plus sur le rallye Addax (en anglais), c’est par ici.
Pour en savoir plus sur les motos Beta, vous pouvez consulter le site suisse de la marque italienne, ou vous adresser à notre partenaire dans notre Annuaire ActuMoto des pros de la moto, Arsenal Garage Motocycles.