La Supersport, carénage et adrénaline pour tous les jours
Moins intimidante et nettement plus confortable qu’une sportive classique, cette nouvelle moto est unique dans son genre, assure son constructeur. Elle a en tout cas de solides arguments pour attirer des clients très variés.
Une sportive pour tous les jours, utilisable sur la route, et même sur toutes les routes, comme sur circuit. Ca, c’est ce que prétend Paolo Quattrini, le responsable du développement de la nouvelle Ducati Supersport, présentée pour la première fois en octobre dernier au salon Intermot en Allemagne (lire son interview ci-dessous, à la fin de l’article). Cette nouveauté 2017 arrive dans quelques jours chez les concessionnaires, et nous avons pu l’essayer en Espagne, dans la région de Séville.
La moitié du test s’est passée – fort bien – sur le circuit de Monteblanco, un tracé technique composé, dans la configuration choisie par Ducati pour cet essai, de plusieurs chicanes et enchaînements de virages assez serrés.
Pour l’occasion, Ducati nous avait mis entre les mains la version S de la Supersport. Autrement dit, la variante premium, dotée de suspensions haut de gamme de marque Öhlins et du Ducati Quick Shift – un système permettant de passer les rapports de vitesse à la volée sans débrayer, en montant comme en descendant les rapports. Une option qui est par contre payante sur la Supersport de base. Et l’on précise que les motos utilisées sur le circuit avaient aussi comme petit plus un échappement sport Akrapovic… et une bulle haute et fumée tirée du catalogue des accessoires dédiés à ce nouveau modèle.
Justement, en parlant de bulle. Elle est réglable en un tour de main sur deux positions: haute ou basse. Ca se fait à l’arrêt ou même en roulant. Et même sur la piste! Dans la ligne droite des stands de Monteblanco (960 mètres), ce pare-brise permet de se royaumer à environ 230 km/h sans devoir adopter la position de la limande couchée avec la tête enfoncée dans le réservoir.
Tour après tours, sans mal de cou
Ajoutez le fait que la selle est assez bien rembourrée, le guidon pas trop bas placé et un poil plus écarté que sur une « vraie » sportive carénée… et vous enchaînez les tours sans vous fatiguer le moins du monde. Essayez donc de faire ça sur une Panigale!
Avec mon mètre 70, et mes jambes pas infinies, je n’ai cependant pas besoin de déployer des efforts démesurés pour passer ma jambe droite par-dessus la selle et pour placer mon séant à la place qui lui revient. Et une fois assis, les parties antérieures des pieds touchent largement terre. Moteur coupé, on déplace très facilement la moto à la force des chevilles. Bon point, ça. Elle pèse environ 210 kilos avec les pleins. Mais elle est très fine entre les jambes, grâce au bicylindre en L typique de Ducati.
La première session sur le circuit se déroule avec le mode de pilotage Sport, déjà sélectionné pour nous autres paresseux de journalistes. Mais changer de mode (il y en a trois: Urban, Touring et Sport) est un jeu d’enfant et se fait depuis le guidon, à l’arrêt ou en roulant.
Belle sonorité
En Sport, donc, disais-je, le contrôle de traction se trouve réglé sur le niveau trois – de huit en tout, huit étant le plus interventionniste. Quant à l’ABS, il se trouve sur le niveau 2 (sur 3). Et c’est parti, dans une belle sonorité grave à l’échappement, pourtant conforme aux nouvelles normes européennes antipollution Euro 4.
Première cassure de rythme au bout de la ligne des stands, et premier constat. La Supersport est facile à balancer d’un côté à l’autre, que ce soit avec l’entier du corps, avec les jambes ou avec les mains. Elle va où vous voulez, sans vous faire de frayeur. Elle donne en prime un très bon retour d’information sur l’état de l’asphalte en dessous de vous et sur la marge – assez grande – qui vous reste avant que le virage ne se transforme en glisse involontaire. Les gommes choisies, des Pirelli Diablo Rosso de troisième génération, sans être des slicks, sont parfaites pour cela.
Bon feedback
Bien sûr, la fourche et l’amortisseur de marque Öhlins sont aussi calibrés pour vous donner un feedback d’une grande précision. Ils sont entièrement réglables. Pour nos deux fois 20 minutes matinales à Monteblanco, le réglage choisi était évidemment plus ferme que si nous avions roulé sur la route.
Au cas où l’on voudrait emporter des valises – elles existent parmi les accessoires – ou une passagère, sait-on jamais, l’ode à la paresse continue, puisque la précharge du mono-amortisseur s’ajuste à la main, en tournant une micro-molette facilement accessible. On plaisante, mais sur route, c’est un gros plus.
Quand il faut freiner, c’est-à-dire assez souvent sur ce circuit et pour peu que l’on utilise deux rapports de vitesses au lieu d’un seul dans les enchaînements techniques, il n’y a aucun souci à se faire. La paire de freins antérieurs Brembo monobloc-moto Ducati est une valeur sûre.
ABS simple mais efficace et réglable
L’ABS Bosch n’est pas équipé des toutes dernières fonctionnalités à la mode – pas de Cornering ABS, donc – mais il est suffisamment subtil sur le niveau 2 pour autoriser des rétrogradages de cochon en serrant le levier à fond. Pas de rebond notoire dans le levier dans cette situation, ce qui est bon signe. Bien sûr, si l’on fait la même chose sur l’angle ou avec avec le frein arrière, c’est une autre histoire.
En parlant de rétrogradages, le Quickshifter est assez pratique, que ce soit en montant ou en descendant les rapports (n’oublions de fermer les gaz dans ce dernier cas). Mais, il y a un mais: il ne fonctionne pas en-dessus d’un certain seuil (régime du moteur) et il faut parfois insister avec le pied gauche pour que ça passe. Ce n’est pas non plus une Superbike à plus de 20000 francs. Donc pas de souci de ce côté-là.
Elle rassure
La Supersport est agile, mais elle est aussi stable. On a beau essayer de la faire déraper en remettant du gros gaz dans les petits virages, ça bouge très peu. Il faut dire que le contrôle de traction est lui aussi une valeur sûre. Il intervient d’abord sur le point d’allumage avant de couper tout, ce qui fait que c’est très progressif. Sur le niveau trois, on peut lever la roue avant, un peu, et elle se repose tranquillement, sans faire d’histoire. Le pneu arrière peut glisser de quelques centimètres, mais sans drame, la moto gardant sa trajectoire. Rassurant, on vous dit, et en fait ce nouveau modèle se révèle parfait pour faire ses premières armes dans le monde de la moto sportive.
On a testé aussi sur le niveau 2, puis 1, et c’est une question de choix personnel. Si on le désire, on peut même désactiver tant l’antipatinage que l’ABS. Tout est ajustable à tout moment. Mais cette fois-ci pas en roulant
Le moteur n’est pas très puissant, avec 113 chevaux au top. Du moins si on le compare avec ceux qui équipent les « vraies » sportives. Seulement le couple – la force d’accélération s’exerçant en définitive sur la roue arrière – est conséquent déjà vers 3000 tours par minute. Si l’on veut faire grimper le bicylindre jusque vers 11000 tours, il répond présent, et le rupteur est assez doux.
Confort étonnant
Tout cela est bel et bien, la Supersport se débrouille sur le circuit, sans vous visser les yeux au fond de la tête. Mais voyons à présent comme elle s’en sort sur une route dans la vraie vie. On repart, cette fois avec la version sans S. Et l’on traverse quelques villages plus ou moins industrialisés, une voie ferrée et des ronds-points à l’asphalte mité. Etonnamment, ça ne fait mal ni aux lombaires, ni aux épaules.
Le carénage, bien que moins enveloppant que sur une Super Sport ou une Super Bike, protège bien les jambes. C’est moins bon pour ce qui est du pare-brise de série, même en position haute. Une bonne quantité d’air est certes déviée, mais il en reste encore suffisamment pour que ça puisse devenir ennuyant à la longue. Par temps de pluie, donc, on (l’essayeur mesure, faut-il le rappeler, 1m70) doit avoir pas mal de gouttelettes sur la visière.
Le Testastretta 11, déjà présent dans l’Hypermotard 939 et la Multistrada 950, est pleinement exploitable sur les routes sinueuses des montagnes du nord-ouest de Séville. Quand on relâche la poignée droite, il émet de plaisants crépitements graves. On aura le choix du rapport de vitesses, selon que l’on veuille privilégier une conduite souple et fluide ou que l’on aime au contraire serrer les étriers de freins antérieurs et jouer de l’embrayage. Ce dernier est par ailleurs léger et ne fatigue pas la main droite.
Moteur souple, mais pas trop bas, svp!
Si l’on roule lentement, il sera en fait bien utile. Parce que l’électronique a beau être bien développée sur cette Ducati, et le moteur doux dans sa réponse en mode Street, ça reste un gros bicylindre qui fait part de sa réprobation sous les 2500 tours par minute.
Les rétroviseurs, pour une fois sur une sportive de Borgo Panigale, ne sont pas purement décoratifs. Ils montrent en effet une partie utilisable de ce qui se passe derrière vous. Il y a d’autres détails pratiques bienvenus, comme les valves de pneu coudées, qui doivent grandement faciliter le gonflage à la station service. Ou une béquille latérale bien dimensionnée et facile à actionner (pas de centrale).
Un mot enfin pour le tableau de bord. Il est complet, logique. On fait défiler les infos avec un bouton placé à gauche sur le guidon. Et l’on change de mode de pilotage en combinant ce bouton et en appuyant au centre de celui qui active les clignotants. A l’arrêt, si l’on veut changer les réglages et s’enfoncer plus à fond dans les fonctionnalités de l’écran à cristaux liquides, il vaut mieux avoir un peu de temps, parce que les sigles abrégés qui s’affichent alors ne sont pas toujours évidents à comprendre au premier coup.
Et quand le soleil vient disperser ses photons sur la surface de l’écran, ça brouille un peu la vision. Là encore, ce n’est pas une Superbike ou une machine de tourisme haut de gamme à plus de 20000 francs.
Bon amortissement sur route
On l’a dit, la Supersport en version standard résiste assez bien aux routes bosselées. Le réglage de base des suspensions Marzocchi et Sachs est étudié pour cela. Il reste que la fourche télescopique est entièrement réglable, et l’amortisseur arrière ajustable en précharge et détente, si l’on veut changer quelque chose. Par exemple pour éliminer les petits mouvements de rebond qui surviennent en adoptant un rythme nerveux sur des revêtements pas très lisses. A chacun ses préférences.
Paolo Quattrini et son collègue Giuseppe Caprara l’ont aussi assuré lors de la présentation du modèle avant le test proprement dit: sur cette Supersport, on peut voyager, même à deux. Une affirmation qui nous a laissés de prime abord sceptiques au vu de la longueur de la selle et de la configuration sportive de la moto.
A deux, c’est plus que possible
Rien ne vaut l’expérience personnelle dans ce genre de cas. Le soussigné a donc sauté en selle d’un collègue américain pour les deux dernières photos dans la montagne. Sur un petit ruban de bitume sinueux à souhait. Et force est de constater que la position du passager est bien configurée, avec des repose-pieds ni trop hauts, ni trop bas. Idem pour la hauteur de l’assise et son confort. Quant au pilote, il affirme que la présence de votre serviteur n’a pas fondamentalement changé le comportement du twin italien en virage.
Le seul bémol vient de l’absence de poignées de maintien de série. On a bien deux encoches sous les flancs de la selle, mais c’est largement insuffisant lors d’accélérations et de freinages. Il faudra aller chercher la solution dans la liste des accessoires. On y trouvera également deux valises semi-rigides, que l’on peut confondre à première vue avec des éléments durs, en raison de leur couleur. Elles peuvent chacune contenir 22 litres, et ont la forme idoine pour loger un casque intégral, s’il n’est pas trop gros.
Trois questions à Paolo Quattrini, project leader chez Ducati
Pourquoi une telle moto ?
C’est un concept nouveau que nous proposons. Il s’agit d’une sportive routière, ou plus exactement d’une sportive pensée pour un usage routier, quotidien, pour ceux qui se déplacent en ville, qui font des balades sur les routes de campagne. Et qui peut même servir pour aller faire du circuit. Elle n’a pas la puissance d’une Superbike. Tout le monde n’a pas besoin de 200 chevaux pour rouler sur route ouverte ! Par rapport à une Panigale, même la Panigale 959, elle est par contre moins intimidante, plus accessible. Y compris bien sûr au niveau du prix. Et elle est aussi plus confortable.
C’est une sport-touring ?
Non, c’est autre chose. Il n’y a pas vraiment d’équivalent sur le marché dans les autres marques. La seule moto qui s’en rapproche un peu, c’est une japonaise de couleur bleue (ndlr : sourire)… mais on y est moins confortable à deux. Et puis la cylindrée, comme les valeurs de puissance et de couple de notre Supersport sont étudiées pour offrir exactement le bon équilibre entre la facilité et la sportivité. Elle est aussi réellement sportive par sa finesse, par son agilité. Et bien évidemment par son aspect. Son design est aussi novateur.
Un peu comme la Ducati SuperSport des années 1990, alors ?
Oui et non. Nous ne faisons pas explicitement référence à ce modèle historique de Ducati. Mais le concept était semblable, à l’époque. Seulement aujourd’hui nous l’interprétons de manière différente. Nous sommes conscients que c’est un nouveau marché. On voit que le segment des sportives de moyenne cylindrée est en perte de vitesse. La Supersport peut intéresser ceux qui envisageaient ce genre de moto, mais qui veulent plus de praticité et plus de confort. Ou les possesseurs de roadsters sportifs de moyenne cylindrée, ou… elle s’adresse à des typologies très variées de clients. Il y a une part de pari dans ce projet. Mais nous avons fait une étude de marché et constaté que cela répondait à une demande.
<h3>Galerie photos: Ducati Supersport</h3>
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