Le « scalpel » 790 Duke à l’essai: précis et très vif
La nouvelle naked autrichienne est une véritable joie sur n’importe quelle route (sauf peut-être l’autoroute), par son agilité, sa précision et sa vivacité. Et au vu de son paquet d’aides électroniques fourni de série, le rapport qualité-prix est plutôt bon.
La 790 Duke est la seule nouveauté 2018 annoncée pour la marque KTM. Après une série de nouveaux modèles et de mises à jour de modèles existants l’an dernier. Mais ce n’est pas n’importe quelle nouveauté! Auto-proclamée « scalpel » par ses géniteurs, elle est censée apporter des qualités nouvelles dans le segment des naked de moyenne cylindrée. Son constructeur vante ainsi son rapport poids-puissance-agilité-équipement, qui serait unique dans ce secteur du marché.
Sur le papier, en effet, pour 10990 francs, on a une naked qui ne pèse que 169 kilos sans le carburant, qui délivre 105 chevaux en pointe, et qui est livrée de série avec une impressionnante panoplie d’aides et de raffinements électroniques (dont un quickshifter bidirectionnel et un ABS de virage!).
Restait à savoir ce qu’il en était sur route, dans le monde concret et réel. Ce que nous avons fait durant un peu plus d’une semaine, en testant tout d’abord la version standard de la 790, puis la variante dite « L », dont la puissance est légèrement inférieure et qui peut être bridée à 35 kW pour satisfaire aux exigences du permis dit A limité (en Suisse, en Europe, c’est A2). On rappelle que, pour obtenir un permis de gros cube (pas de restriction de puissance), il faut avoir soit 25 ans, soit avoir passé deux ans à piloter une moto limitée à 35 kW. Et comme l’on peut avoir le permis A limité à partir de 18 ans, cela fait baisser l’âge pour l’accès direct au permis illimité à 21 ans.
Mais on s’égare. Revenons à la Duke. Rien qu’en la voyant, on comprend qu’elle n’est pas faite pour rouler lentement. Et qu’elle ne va pas peser des tonnes. Il y a bien quelques tubes et câbles, notamment pour le refroidissement liquide du moteur, mais sinon rien de superflu. La place dévolue au passager est limitée, le phare avant est fin et anguleux, tout en arborant l’original design en fer à cheval propre aux KTM de route récentes. Et vue de face, la moto est fine et compacte.
Ce qui ne veut pas dire que la position de conduite est inconfortable et qu’il faut faut plier exagérément les jambes en roulant. Ce n’est pas une sportive, ni même une sportive sans carénage, c’est une vraie naked, dotée d’une ergonomie relâchée, avec les bras juste en appui léger sur l’avant du véhicule. La selle est haute, mais pas trop. Mon mètre septante avec jambes courtes touche facilement le sol – pas les deux pieds à plat, bien sûr. Elle est aussi de prime abord assez dure. Une impression qui ne va pas forcément se confirmer en roulant.
Avant de partir, on ne peut s’empêcher d’apprécier le bel écran couleur qui permet de savoir à quelle vitesse on va, le régime du moteur, le mode de pilotage choisi, l’heure (en petit, faut pas se laisser distraire), ce qui reste dans le réservoir d’essence, et ainsi de suite. Son maniement est simple, par le biais de quatre touches posées en croix sur le comodo gauche. Typique KTM. Le tableau de bord est très lisible, mais un peu (pas trop) sensible aux reflets du soleil, et surtout à l’intensité lumineuse de votre environnement direct. On verra qu’en forêt, il se met facilement en mode « nuit ».
Une fois réveillé, le moteur extrêmement compact pour la cylindrée pulse de manière agréable aux oreilles. On ne remarque sinon pas vraiment les vibrations, grâce à des arbres d’équilibrage et des pièces en caoutchouc là où il faut.
On choisit le mode de pilotage appelé « Street », pour voir, et l’on se faufile dans les bouchons du centre-ville. Ce n’est clairement pas ce que la KTM préfère. Elle est vive et agile et sa finesse est un atout, mais le twin parallèle n’aime pas rester en bas de sa plage de régimes, surtout pas en première. Il vous le fait savoir en répondant de manière un peu erratique à la commande des gaz. Un phénomène atténué dans le mode « Rain », mais encore présent. Et on ne parle pas encore du mode « Sport ». Dès que l’on peut accélérer, par contre, c’est la joie à l’état pur. La 790 va exactement là où se porte votre regard, son bicylindre prend des tours avec l’enthousiasme d’un jeune chien, et l’on peut corriger la trajectoire à loisir avec au choix les pieds, les hanches, les bras ou le buste. Ou tout à la fois.
Et s’il faut freiner, il y a de quoi, c’est dosable et puissant. Ils sont d’origine espagnole – la marque J. Juan. Et l’ABS est assez fin. On peut par ailleurs le déconnecter sur la roue arrière, en mode Supermoto. Ou le désactiver complètement. Le processeur de la Duke vous avertit alors en diffusant sur tout l’écan un gros message alarmiste: « pas légal », souligné d’un énorme point d’exclamation. Une petite tape sur les boutons de commande, et cela disparaît. Et l’on peut alors déjà s’amuser à faire des travers au freinage en plein parking à ciel ouvert. Par exemple.
Mais le royaume de cette nouvelle Duke, ce sont les routes parsemées de virage et libres d’embouteillages. Ce que nous trouvons en allant faire une balade en direction du Gurnigelpass, à cheval entre les cantons de Fribourg et de Berne. La machine démontre une nouvelle fois sa précision et son agilité. On note une différence évidente dans la promptitude à répondre aux sollicitations de la main droite du pilote, selon le mode électronique choisi.
En Street, censé être le mode moyen-normal, cette réponse est vive. Elle est plus rond en mode Rain, que l’on utilisera probablement pour traverser les agglomérations et les villages. En Street et surtout Sport, on ne peut pas parler d’à-coups, mais le moindre mouvement du poignet droit, occasionné par exemple par le travail des suspensions sur un terrain irrégulier, fait réagir le bicylindre. Ce n’est pas gênant du tout quand on adopte le mode (mental celui-ci) « attaque », parce que l’on est alors sans cesse en train d’accélérer et de décélérer. C’est plus embêtant si l’on veut faire une balade à rythme constant et plus tranquille. A moins, encore une fois, de sélectionner le mode (électronique) Rain.
On note toutefois que Rain ne fait pas disparaître tous les côtés gênants en ville, car la boîte de vitesse, par ailleurs précise, rapide et douce, est un peu empruntée quand on passe sans arrêt de la première à la deuxième et vice-versa à faible allure – et à bas régime pour le moteur. Ce dernier, dans ces conditions, n’est pas très régulier. Attention, nous ne disons pas qu’il se comporte comme un gros twin malhabile à bas régime, mais il faut pas mal user de l’embrayage pour évoluer dans les embouteillages. Heureusement, le quickshifter ajouté en accessoire permet de monter ou de descendre les rapports sans débrayer. Chose étonnante, dans les premiers rapports, il fonctionne presque mieux en descendant qu’en montant.
Il reste donc que la 790 est idéale pour qui veut rouler de préférence vite sur de petites routes de campagne ou de montagne. Les tendances au lever de roue avant sont bien contrôlées par l’électronique, et il en est de même pour les dérapages à l’accélération ou au freinage. En mode Sport, ils font une apparition timide, juste assez pour que ça soit fun mais sans vous faire venir des sueurs froides.
Il reste encore le mode Track optionnel, entièrement personnalisable pour ce qui est du réglage de l’antipatinage en direct. On peut le faire varier de manière fine en roulant. Et l’on dispose aussi d’un « Launch Control ». Ou comment réussir à chaque fois un départ canon et passer le maximum de puissance et de couple à la roue arrière.
La fourche inversée et l’amortisseur arrière font bien leur boulot. A part pour la précharge à l’arrière, ils ne sont pas ajustables. Ce n’est en fait pas nécessaire. La tenue de route est impériale, sans doute aussi grâce à l’amortisseur de direction présent de série.
Le confort n’est cependant pas excessif, et l’on ressent assez clairement les cassures dans le bitume à l’avant, mais c’est tout à fait acceptable, du moins seul. De toutes façons, les longues excursions en duo ne sont pas son fort: la partie de la selle prévue pour un passager est haute et petite. Il y a paraît-il des poignées de maintien, livrées avec la moto, mais elles n’ont pas été installées sur nos modèles de test.
On peut attribuer sans hésiter un bon point aux pneus, qui ne sont pas les habituels Pirelli, Metzeler, Bridgestone ou Michelin… mais des Maxxis. Une marque asiatique avec laquelle KTM collabore depuis des années pour ses modèles de tout-terrain. Leur adhérence est très bonne, même sur le bitume froid et mouillé, et ils donnent un très bon retour d’information.
L’essai de la version L suit celui de la version « full ». Les deux machines sont identiques pour ce qui est de leur ergonomie, de leurs suspensions et de leurs freins. Ne les départage que le moteur. Limité à 35 kW (presque 50 chevaux), il est tout aussi vif à bas régimes, un peu moins aux mi-régimes. Et nettement moins en haut du compte-tours.
On ne remarque donc que peu la différence en roulant en ville et sur des routes de campagne ou de montagne. Le seul endroit où l’on s’aperçoit clairement qu’il manque des chevaux, c’est sur l’autoroute. La vitesse de pointe est réduite – mais de toutes façons illégale en Suisse – et l’accélération est plus placide en dessus des 100-110 km/h. Pas de quoi fouetter un comparateur, donc. D’autant plus que lorsque le client aura passé ses deux années de permis A limité et qu’il fera débrider la moto, celle-ci sera très proche de la 790 « full ».
Et au bout de la journée, sur les deux versions, on se rend compte avec étonnement que le postérieur n’est pas douloureux. Il faut dire que l’on n’a pas cessé de bouger au guidon de la 790, qu’elle soit limitée à 35 kW ou qu’elle dispose de la pleine puissance.
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