Une vie de passions et de moto dans son objectif
«Tout le monde aime Roger!» Tous ceux qui évoluent de près ou de loin dans le milieu moto de compétition connaissent sa silhouette, sa «dégaine», son crâne dégarni et sa moustache à la gauloise. Photographe, collectionneur, aventurier, mais qui est-il réellement? Portrait de l’homme aux 560 000 clichés papier et plus d’un million de photos numériques qui hante les terrains de jeux des motards depuis le début des années septante.
En évoquant le seul prénom de Roger, beaucoup enchaîneront avec… Federer! Mais pour les motards et amateurs de deux ou trois-roues, Roger, c’est… Lohrer! A 70 ans le Neuchâtelois de Cornaux nous a reçu chez lui avec sa femme Christine. Le couple Lohrer est soudé depuis 48 ans, malgré une lourde épreuve. Une longue union exemplaire de longévité et d’amour. «On n’est pas au paradis, ici?», interroge-t-il. Nous ne pouvons qu’acquiescer. Tout comme Tyson, le Pit Bull de la famille qui trône sur sa chaise longue, au milieu du jardin. Ce paradis, comme il le décrit, est mérité et pourrait être leur quotidien, maintenant que Roger est à la retraite depuis déjà dix ans, après avoir fait toute sa carrière professionnelle à la raffinerie de Cressier-Cornaux. Que le milieu moto se rassure, Roger Lohrer n’a pas fini de rôder dans les paddocks et autour des pistes. Il est encore et toujours en route à «fixer» les motos et surtout les gens qui ont nourri sa passion depuis bientôt cinquante ans.
Anarchiste discret
On précise et on insiste sur le fait que cette passion des humains et des mécaniques, Roger Lohrer l’a tout le temps développée avec discrétion et gentillesse. Personne ne peut prétendre avoir vu, une fois Roger, s’énerver ou hausser le ton. Une passion dévorante et débordante qui lui a toujours occupé son temps libre. Une passion qui, aussi, lui a plus coûté que rapporté. Pensez, 560 000 tirages papier qui, pour beaucoup été distribués aux personnes concernées au prix coûtant. Ses frais de «déplacements» qu’il effectuait dans son Side-car ou en voiture (qui faisait souvent office d’hôtel), ont toujours été pour sa pomme… Faites le calcul! Bien sûr Roger distribuait ses images pour se faire connaître, mais il le faisait avant tout par amitié et gentillesse et surtout par passion. Le mot est lancé: gentillesse! Et c’est bien ce qui caractérise avant tout autres traits sa personnalité. Roger aime les gens… Ce qu’il n’aime pas il en parle brièvement, sans même changer de ton: «L’Eglise et l’armée». Un vrai doux anarchiste discret!
Vingt voyages à Daytona
Le palmarès hallucinant de Roger le photographe a débuté en 1970, le jour où il s’est acheté un «Mamiya 1000 DTL», un des premiers réflex du marché. «Oh! Quand j’ai vu la qualité de netteté des tirages, j’ai su que ma passion de la photo était née», s’exclame-t-il. Les paddocks de GP, les grilles de départ, les pistes de cross, Roger a été partout pour y fixer des souvenirs moto, avec un exemple révélateur: Roger Lohrer est allé vingt fois à la Bike Week de Daytona. Au total, ce sont 560 000 clichés en tirages papier qu’il a numérisés, à partir des négatifs. Cela lui a pris huit ans! Un boulot titanesque. Maintenant, ce trésor de guerre est contenu sur des CD et des disques durs. Roger a des «dossiers» sur tout et sur tout le monde! Agostini, Sheene, Read, mais aussi les Suisses, Coulon, Cornu, Biland, Freymond. Un journaliste peut à tout moment lui demander une archive, Roger Lohrer la lui fournira! Et lorsqu’on lui demande comment s’est fait le passage de l’argentique au numérique… «Au début, je n’y croyais pas. Et, après je je me suis demandé comment on faisait avant»?
A moto jusqu’en Iran
Parmi toutes ces archives, nous aimerions évidemment savoir laquelle est sa préférée, celle dont il est le plus fier. «Il y en a tellement», dit-il d’abord. Normal, 250 Grands Prix, 180 GP Superbike et des centaines de courses du championnat de Suisse sont à son actif. Nous insistons… Puis, la conversation continue. Après un quart d’heure, Roger nous sort sa préférée, une image papier un peu défraîchie. Elle date de 1975 lorsqu’il voyageait en Iran avec Christine, au guidon d’une BMW 900.
Calme? Non, hyperactif!
Sous ses airs de calme et de discrétion apparents, se cache un hyperactif, un acharné du boulot! Sinon, comment se fait-il qu’il ait pu conjuguer un boulot régulier à la raffinerie et ses passions. Oui, ses passions car Roger Lohrer n’a pas que la moto dans la vie et dans la tête! Le Neuchâtelois est aussi un grand lecteur – actuellement Jean Ziegler, Cavanna et Caroline Fourest occupent ses moments de liberté – et un collectionneur fou. «Les bouquins, la moto, la photo, c’est ma vie», lance-t-il. Un coup d’œil sur une des étagères de l’appartement de Cornaux nous montre la collection complète des «Moto Revue» depuis 1950. Sur une autre étagères, les «Paris Match» sont tous là depuis le numéro un de 1949». Il y a aussi tous les «Bulletins» de la FMS depuis 1949 et les «Charlie Hebdo» dont il cherche encore des numéros manquant à la collection. Il sort de son porte-monnaie une liste chiffrée et cochée où figurent encore quelques cases vides «J’aime aller faire les vide-greniers et les brocantes et je ramène toujours un petit truc», explique-t-il. On le voit, chez Roger, tout est question de temps et de passion.
A un âge où on pourrait profiter de sa télé, de son jardin ou simplement entrer en contemplation, l’homme aux 560 000 photos continue encore et encore pour assouvir ses passions. Nous, on est ravi car celle de la moto est pour nous des plus précieuses.
Partageons quelques souvenirs…
Magnifique biographie ! Vous faites une belle paire les amis ! Bravo et merci.