Moto Guzzi V85 TT, l’aigle reprend son vol
Avec l’arrivée de la nouvelle V85 TT, Moto Guzzi s’est débarrassée de la poussière du passé. Présentée en tant que «Classic Enduro», cette italienne nous a surpris par sa modernité technique, par son équipement complet, par ses prestations de pilotage équilibrées, par son caractère unique et aussi par un rapport performance-prix très correct.
Elle s’appelle V85 TT et elle pourrait bien marquer le renouveau pour la marque italienne Moto Guzzi. Si son propriétaire, le groupe Piaggio, ne fait pas les mêmes erreurs avec cette marque que ce qu’il a fait avec Aprilia, qui fait aussi partie du groupe.
On peut déjà le dire, personne n’aurait pensé qu’une marque de tradition comme Moto Guzzi présenterait une telle moto, elle qui nous a montré ces dernières années des concepts peu dans l’air des temps ou carrément au-delà de toute raison (la MGX-21), ou qui nous a habitués à des motos de cylindrée moyenne sympas, mais n’ayant que peu d’impact sur le marché (comme les V7 et V9), avec des transmissions un rien agricoles. L’expression «renaître de ses cendres, comme le phoenix», tant galvaudée, s’applique pour une fois parfaitement ici, même si l’emblème de Moto Guzzi est un aigle, pas un phoenix. Il ne reste plus qu’à espérer qu’à Pontedera on ait compris (comme Aprilia, Moto Guzzi fait partie depuis le début de ce siècle du portfolio du groupe Piaggio) qu’il ne suffisait pas de renouveler la technique, mais qu’il fallait aussi faire de même avec la marque. Mais assez de commentaire économico-politique, il est temps d’en venir à la moto que nous avons testée.
853 cm3, 80 ch, 80 Nm
Au premier regard, rien ne semble pourtant différent. Le moteur V2 semble avoir été prélevé de la famille V9. Mais à part son aspect visuel, à part le fait qu’il soit refroidi par air et à part le concept de base avec un arbre à cames en position basse, les poussoirs en alu, les culbuteurs et seulement deux soupapes par cylindre, ce Twin de 853 cm3 est un engin entièrement nouveau. Le vilebrequin est devenu 30% plus léger, et cette réduction des masses en mouvement se fait immédiatement sentir par une plus grande propension à grimper dans les tours et par un taux de vibrations drastiquement abaissé. Les soupapes plus grandes permettent des timing plus agressifs, et l’on a du titane pour celles d’admission. Et puis la lubrification dans un carter semi-sec, avec deux pompes à huile et un réservoir d’huile intérieur, fait que le propulseur est moins haut et n’a pas besoin de radiateur d’huile externe.
Les 80 chevaux qui en résultent, bien 25 de plus que pour la V9, et les 80 Nm de couple sont des valeurs respectables, qui suffisent amplement pour mouvoir les 208 kg à sec de la V85 TT, aussi lors de manoeuvres de dépassement, à deux et avec des bagages. Les fétichistes de la puissance ne sont logiquement pas à leur place sur la selle de cette Moto Guzzi, mais pour une moto présentée comme une «Enduro Classic», 80 chevaux sont parfaitement adaptés. Enfin le V2 répond de manière très douce à la commande des gaz – toujours transmise via un seul papillon par cylindre. Les à-coups ont complètement disparu, de même que le «trou» typique des Guzzi autour des 4500 tr/min et que les cliquetis mécaniques des soupapes. Ce moteur gronde de façon retenue, dès 2000 tr/min, dans une magnifique sonorité basse au début du compte-tours, et avec un beau et fort bruit d’aspiration quand on monte dans les tours. Il permet de traverser les villages sans devoir rétrograder, puis monte en régime joyeusement jusqu’à 8000 révolutions, tout en se sentant au mieux entre 3000 et 6000 tr/min.
Il y a encore des vibrations, mais elles sont tellement peu intrusives qu’on en vient presque à les aimer. Heureusement, il y a toujours un choc quand on tourne la clé dans le contacteur, et un mouvement de gauche à droite quand on donne un coup de gaz à l’arrêt – seule une Moto Guzzi présente ces traits de caractère. Et puis le cardan, une rareté pour cette cylindrée et ce segment, fait son job de manière tellement discrète que j’allais presque oublier d’en parler.
Transmission, un saut quantique
Pour quelqu’un qui roule en Guzzi depuis de nombreuses année, il y a de quoi être surpris lors de la première utilisation de la boîte de vitesse de ce nouveau modèle. A part un petit clac lorsque l’on insère le premier rapport, le passage des autres se fait comme dans du beurre, et de manière précise. Il est même possible, en faisant preuve d’un peu de finesse du pied gauche, de monter ou de descendre les rapports sans utiliser l’embrayage, ce qui était jusqu’ici une absolue impossibilité sur une Moto Guzzi.
La sixième est conçue comme un overdrive et est bienvenue pour les longues étapes autoroutières. En résumé, la V85 TT possède le meilleur moteur que Moto Guzzi ait jamais construit. Les inconditionnels gardiens du temple de la tradition guzziste pourront bien couper les cheveux en quatre en affirmant qu’il manque ceci ou cela, mais c’est un fait qu’avec ce moteur (et avec le reste de la moto!), Moto Guzzi pourra enfin séduire des motocyclistes en dehors de la base originelle de clients fidèles à la marque, qui, par la force des choses, va en se réduisant au fil des ans.
Tout pour bien faire
C’est l’ensemble de la moto qui réussit son examen de passage dans la modernité. On a des leviers au pied et pour les mains qui sont ajustables, avec des protège-mains, des soudures impeccables sur le cadre en treillis d’acier, de jolies jantes à rayons, et une selle confortable postée à 830 mm du sol (on peut aussi l’avoir à 810 ou 850 mm de hauteur). On a aussi comme arguments convaincants une bulle réglable en hauteur (en continu) par le biais d’une clé Inbus qui est d’ailleurs fournie, des sources de lumière à LED devant, derrière et sur les clignotants, un phare de jour qui lance un clin d’oeil à la marque avec son dessin en forme d’aigle, une prise USB dans le cockpit, un écran TFT couleur (connectable en option avec un smartphone), et des freins antérieurs avec deux disques et des étriers 4 pistons qui sont puissants et dont la dosabilité est excellente. Cerise sur le gâteau, le réservoir de 23 litre autorise des étapes de plus de 400 km!
Un soupçon de tout-terrain?
On peut déconnecter l’ABS dans le mode de pilotage Offroad (on a aussi les modes Road et Rain). Bien sûr, la V85 TT n’est pas une enduro capable de faire du saute-rocher, avec ses 170 mm de débattements et ses 230 kg en ordre de marche. Il n’empêche qu’à son guidon, les amateurs pourront rouler en tout-terrain léger avec nettement moins de stress qu’à bord des lourdes enduros de voyage de la classe supérieure. Le grand bras de levier offert par le guidon facilite les demi-tours et les manoeuvres dans des espaces restreints, et l’on ne craint pas (peu) de se voir écrasé par sa propre moto.
Il faut rester cool
Comme presque toutes les enduros de voyage, la V85 TT est cependant vraiment dans son élément sur la route. Les motocyclistes mesurant entre 170 et 190 cm se sentiront à l’aise à son bord. Le réglage de base des suspensions est orienté vers le confort. Les plus sportifs d’entre nous pourront bien sûr rigidifier tout cela, à l’avant comme derrière, ce qui fait que les repose-pieds gratteront l’asphalte un peu plus tard. La grande roue de 19 pouces à l’avant fait que la machine est imperturbable en ligne droite, et l’étroitesse des pneus la rend agile et prête à tous les virages. Enfin le moteur très homogène convient lui aussi au caractère et au motto que l’on déduit de la partie-cycle: «rapide, si, veloce, no!»
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